Ismail Lejri, le syndicaliste, le député et l’ambassadeur qui nous quitte

Peut-on être à la fois un dirigeant syndicaliste irréductible et un ambassadeur de qualité dans des postes sensibles ? Les deux vocations ont en commun une grande capacité de négociation et de gestion des crises. Ismail Lejri qui vient décéder dimanche 21 juillet 2019, à Tunis, à l’âge de 77 ans, en offre une belle illustration. Ce fils de Gafsa, entraîné dans le militantisme syndical par le leader syndicaliste et destourien Ahmed Tlili, se distinguera à la tête de la toute puissante fédération des Transports, aux côtés d’Habib Achour. Les grandes grèves historiques dans les transports publics, les négociations interminables avec Abderrazak Yazid, alors Inspecteur général du Travail, pilotées par Mohamed Ennaceur, alors ministre des Affaires sociales, et le sens du compromis, sans compromission, c’était lui.

Lors de la crise syndicale après le 26 janvier 1978 et la décapitation du bureau exécutif de l’UGTT, envoyé en prison, Habib Achour en tête, Ismail Lejri jouera un rôle central dans la reprise du dialogue avec le pouvoir, mais aussi, la relance de la centrale syndicale. Au congrès de Gafsa, tenu dans son fief, il sera incontournable. Noureddine Hached, Taieb Baccouche et Ismail Sahbani, en sont témoins.
Diplomate du syndicalisme tunisien, Ismail Lejri gagnera ses galons au siège du Bureau international du Travail (BIT) à Genève, comme dans les unions arabe et africaine, les confédérations internationales (CISL, etc.) et autres. Il sera pratiquement de toutes les sessions importantes, fidèle à la ligne des Hached, Tlili et Achour, irréductible sur les principes, flexible sur la mise en œuvre.

D’un commun accord, lorsque l’UGTT et le parti socialiste destourien (PSD) se décident à présenter une liste commune à l’Assemblée nationale, Ismail Lejri fera parti des candidats de la centrale syndicale. Il décrochera haut-la-main son siège au Bardo, dans la circonscription de Gafsa.

A la fin de la législature, il sera nommé ambassadeur de Tunisie à Berne, la capitale fédérale suisse, et auprès du Saint-Siège à Rome. Le Pape Jean-Paul II, le recevra me 19 novembre 1994, lors de la cérémonie de remise des lettres de créances. Son discours constitue un document à lire.

De Berne et du Vatican, Ismail Lejri sera muté à Dakar, en tant qu'ambassadeur auprès d’Abdou Diouf, puis Abdoulay Wade. Administrateur général du gouvernement, il sera maintenu en activité, en 2001, en qualité d’ambassadeur, avant d’être admis à faire valoir ses droits à la retraite. Un dirigeant syndicaliste de la trempe d’Ismail Lejri, pétrie de patriotisme peut-il tout abandonner et aller cultiver son jardin. Ce n’est pas son genre. Se tenant certes à l’écart des questions internes, il restera toujours en contacts avec ses compagnons de lutte. Sa résidence, à El Manar, ne désemplira pas de visiteurs venus prendre de ses nouvelles, lui témoigner de leur amitié … les consulter. Il sera toujours d’un bon conseil, en patriote de rapprochement et de consolidation de l’unité nationale.

Ismail Lejri aura incarné en toute légitimité et pugnacité, un syndicalisme patriotique, positif et constructif. Il aura également apporté sa contribution à la diplomatie tunisienne.