Noureddine Tabboubi sera t-il le successeur de Hassine Abbassi? sa vision, son programme
Sauf surprise de dernière minute, Noureddine Tabboubi sera l’élu, ce 25 janvier, du 23e congrès de l’Ugtt, à la tête de la centrale syndicale historique et jamais aussi puissante. A 55 ans, natif de Béjà, père de quatre enfants, ouvrier de base à la société publique Ellouhoum, ce potentiel successeur de Hassine Abbassi a gravi en 26 ans d’action militante continue tous les échelons jusqu’au bureau exécutif de l’Ugtt et à une fonction éminemment importante. Lors du congrès de Tabarka en 2011, Tabboubi était en effet élu secrétaire général adjoint chargé des structures et du règlement intérieur.
Une vocation devenue une spécialité et un poste-clé qui lui fait tenir l’appareil et gérer la «machine». S’inscrivant pleinement dans la ligne achouriste, fidèle à l’héritage de Farhat Hached et Habib Achour, les deux grands leaders du mouvement ouvrier tunisien, se projetant dans la continuité avec une réelle valeur ajoutée, il s’affirme en syndicaliste pragmatique, mais aussi rénovateur. Comme il le confie à Leaders, révélant les grandes lignes de son programme... de candidat, en attendant d’être élu.
Noureddine Tabboubi n’avait que 29 ans seulement en 1990 quand, fort engagé dans les revendications des salariés de la société Ellouhoum en charge d’apporter l’appoint nécessaire en viandes au marché tunisien, il se trouve porté à la tête du syndicat de base. Spontanément et avec beaucoup d’ardeur, il se lancera dans le combat qui le mènera quelques années plus tard à rejoindre l’Union régionale de Tunis en qualité de secrétaire général adjoint chargé du règlement intérieur et la section du Grand Tunis de la Fédération de l’agriculture, en tant que secrétaire général. Deux postes- tremplins qui vont le faire élire en 2009 secrétaire général de l’Union régionale de Tunis, un bastion des plus forts en nombre de structures de base, d’adhérents et de poids économique et syndical. La voie des instances exécutives centrales commençait à s’ouvrir à lui. En 2006 déjà, lors du 21e congrès tenu à Monastir, Noureddine Tabboubi en avait pris un bon goût. Président de la commission du règlement intérieur (toujours la même spécialité), il avait vécu en direct l’architecture des congrès, observé attentivement le jeu des alliances et des confrontations, compris le mode d’activation des leviers et leur fonctionnement. Ces enseignements lui seront utiles lors du 22e congrès à Tabarka qui le propulsera au cœur du dispositif, place Mohamed-Ali, dans le bureau le plus proche de Hassine Abbassi.
Le bureau ouvert, le cœur aussi, et la parole ferme
Fibre sociale, ADN de syndicaliste, Tabboubi a toujours gardé la porte de son bureau ouverte, recevant tous ceux qui demandent à le voir, prêtant écoute, apportant réconfort, fournissant soutien financier, n’hésitant pas à intervenir immédiatement pour réparer une injustice, résoudre un problème, arbitrer un conflit, rappeler à l’ordre un camarade indélicat. En un mot, un style de «syndicaliste classique, traditionnel», comme du temps des pères fondateurs de l’Ugtt.
Cette action au quotidien qui le garde en connexion directe avec «la machine», si absorbante qu’elle soit, ne l’empêche pas cependant de s’impliquer dans les grands dossiers stratégiques aux côtés de Abbassi et des autres dirigeants de la centrale. Bien qu’il se tienne discret, évitant les médias, il a en fait son mot à dire et n’hésite pas à l’exprimer en toute clarté sur un ton bien ferme au sein des instances internes, comme lors des séances de travail officielles.
«Ma vision, mon projet»
«Si j’ai cédé aux pressantes sollicitations pour me présenter à la succession de Hassine Abbassi, confie Noureddine Tabboubi à Leaders, c’est pour parachever une œuvre renouvelée depuis la révolution, dans la continuité de ce qui a été initié par Hassine, en lui apportant une bonne dose d’innovation et de valeur ajoutée. J’entends en effet poursuivre et renforcer davantage cet accompagnement des transitions, non seulement sur la scène publique tunisienne, mais aussi au niveau de la pensée syndicale et de la pratique militante.»
Le gardien du temple
En gardien du temple syndical, Noureddine Tabboubi se tiendra vigilant quant à deux piliers fondamentaux. « D’abord, celui du rôle patriotique que l’Ugtt n’a cessé depuis Hached et continue de jouer aujourd’hui, nous dit-il. Sa contribution dans la protection et la consolidation du processus de transition en initiant le Dialogue national et en le faisant aboutir au consensus en est une nouvelle illustration bien édifiante. Pour s’en convaincre, il suffit d’imaginer l’ampleur des risques de dérapages, d’affrontements, voire de guerre civile qui guettaient alors la Tunisie et menaçaient sa stabilité, comme cela s’est passé dans d’autres pays du «printemps arabe», la Syrie et la Libye notamment.»
Le deuxième pilier auquel tient précieusement Tabboubi, c’est le rôle social de l’Ugtt, dans l’indépendance et la neutralité. «Nous devons assurer la défense des intérêts de la classe ouvrière à travers le mécanisme du dialogue et de la négociation, tout en prenant en considération l’intérêt national», souligne-t-il.
«Ces deux dimensions, patriotique et sociale, sont essentielles, estime le très probable futur secrétaire général de l’Ugtt, surtout dans cette conjoncture fort pressante. La Tunisie aborde à présent une phase bien difficile qui exige davantage de dialogue, de partenariat et de consensus entre toutes les forces nationales, pour mettre en œuvre les grandes réformes sociales, comme celle des caisses d’assurance sociales et de maladie et l’institutionnalisation du dialogue social.»
L’interne aussi!
Au sein même de l’Ugtt, Noureddine Tabboubi considère qu’il y a une valeur ajoutée à apporter. «Nous devons engager des réformes profitables à notre centrale syndicale, annonce-t-il. Je travaillerai avec mes collègues et nos instances sur la refonte de l’organisation structurelle, l’ancrage des pratiques démocratiques dans la prise de décision et le fonctionnement de tous les rouages. C’est notre esprit démocratique et notre sens de l’entente qui ont jusque-là préservé l’Ugtt des tiraillements et lui ont permis de faire face aux crises et de les surmonter. Nous devons persévérer et aller encore de l’avant».
Mondher Bedhiafi
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