Dr Mohamed Salah Ben Ammar: Maghrébin, je suis !
«You may say I'm a dreamer, But I'm not the only one»
Adolescent souvent il m’arrivait de m’installer devant la carte de la méditerranée et de rêver d’un grand Maghreb. Je ne savais pas à cet âge que je n’étais pas le seul à le faire !
Déjà en 1958, excusez du peu, les représentants du néo-Destour Bahi Ladgham, Ahmed Tlili, Abdelmajid Chaker, du FLN Ferhat Abbas, Abdelhafid Boussouf, Abdelhamid Mehri, et de l’Istiqlal Allal El Fassi, Ahmed Balafrej, Abderrahim Bouabid et Mehdi Ben Barka, lançaient à l’issue d’une conférence organisée à Tanger fin avril de la même année cet appel « Nous, les représentants des mouvements de libération nationale de Tunisie, d’Algérie et du Maroc, proclamons solennellement notre foi en l’unité du Maghreb et notre volonté de la réaliser dès que les conditions s’y prêteront, c’est-à-dire quand les forces françaises et étrangères auront évacué leurs bases de Tunisie et au Maroc et quand l’Algérie sera devenue indépendante. ».
Tous les espoirs étaient permis. Selon des propos rapportés bien plus tard par Jeune Afrique « C’est la première réunion entre Arabes où l’on a discuté sérieusement, où l’on n’a pas noyé les problèmes dans les sinuosités précieuses et le creux des phrases », s’est enthousiasmé un participant tunisien.
Au grand désespoir de tous les maghrébins ce rêve se traduit aujourd’hui par des bruits de bottes !
En 63 ans les régimes en place ont peut-être réussi à faire douter certains de la faisabilité de ce projet, mais ils n’ont pas pu changer les réalités historiques, géographiques, culturelles, ethniques et j’en passe, le Maghreb existe bel et bien.
Et si mes rêves d’adolescents ont été ceux de patriotes sincères comme Ahmed Tlili, Ferhat Abbas, ou Allal El Fassi, c’est à mon sens, bien la preuve que ce rêve sera une réalité un jour.
Ces patriotes étaient parfaitement conscients des obstacles et des divisions que la colonisation a mis et entretenues pendant plus de cent ans, ils le disent mais ils avaient réalisé à quel point notre avenir ne pouvait être que commun.
Empêtrés dans nos difficultés quotidiennes, chacun de nous ne réalise pas à quel point notre mode de vie, nos façons de faire, nos références culturelles, nos ambitions, nos intérêts, nos travers, nos problèmes sont communs. Rares sont ceux qui n’ont pas un aïeul, un proche algérien, marocain, tunisien, mauritanien ou libyen ? Ceux qui ont voyagé ou vécu dans un pays du Maghreb autre que le leur savent parfaitement de quoi je parle.
Ceux qui ont vécu à l’étranger savent aussi que pour les autres nous sommes des Maghrébins. Certes des différences existent comme elles pourraient exister entre deux régions ou deux villes d’un même pays, un accent, une façon de préparer le couscous ou de manger de la harissa mais le socle est commun. Et ce n’est pas un hasard si on retrouve la même revendication depuis 60 ans à toutes les révoltes populaires, lors de tous les mouvements sociaux, le Grand Maghreb !
Aujourd’hui que le monde est un village et que le nord de la méditerranée ne constitue plus dans sa majorité qu’une seule entité, comment allons-nous continuer à exister économiquement, à peser politiquement, à commercer avec le monde ? Certainement pas divisés, érigeant des barrières artificielles, guerroyant même et achetant des armes pour les retourner contre nos frères !
En 60 ans et en dehors de quelques initiatives désespérées rien ou presque n’a été fait pour harmoniser nos législations, nos normes, nos institutions. Au contraire les pouvoirs en place, tout en déclarant haut et fort croire en ce destin commun se barricadent et font tout pour freiner la circulation des personnes et les échanges dans la région.
Malgré tout, ce qui nous unit, un travail de plusieurs décennies, des moyens colossaux, une volonté politique seront nécessaires pour réaliser ce rêve.
Malgré les évidences et l’absolue nécessité pour nos pays, notre région, notre continent, l'Afrique, 63 ans après la déclaration de Tanger, il est clair aujourd’hui que l’édification d’un Grand Maghreb est un mirage.
Pour finir on est en droit de se poser la question, qui a intérêt à ce que le Maghreb soit uni en dehors de nous Maghrébins ? Ou en d’autres termes qui a intérêt à ce que le Maghreb reste divisé ?
Dr Mohamed Salah Ben Ammar
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