Mourad Daoud: serions-nous la 1e génération qui aura renoncé à l’indépendance
Par Mourad Daoud - J’aime à lire M. Radhi Meddeb. Non pas pour ses tournures de phrases et ses figures de style mais pour la perspicacité et la clairvoyance de son propos. Quand il dégaine sa plume, il faut le lire à deux fois. Et son article paru dans le dernier numéro de La Revue (n°89 juin-juillet-août 2020) mériterait d’être lu par chaque tunisien en âge.
Intitulé « Tunisie. Sous le poids écrasant de la dette », les chiffres qu’il y énumère font peur. De 2010 à 2018, en pourcentage du PIB, l’endettement extérieur est passé de 49% à 97%, l’investissement extérieur de 24% à 6% et l’épargne a dégringolé à 3% avec une composante privée nulle.
M. Meddeb rappelle le traumatisme imprégné dans la mémoire collective tunisienne après l’instauration du protectorat français fin du 19ème siècle quand le Beylicat ne parvenait plus à rembourser la dette extérieure contractée à des conditions outrancières et vainement vénalement dilapidée. C’est une histoire cynique et insidieuse qui semble se reproduire de nos jours : la Tunisie s’endette avec gourmandise mais l’endettement nouveau ne couvrirait même pas le service de la dette. Il faudrait alors sûrement augmenter les impôts, imposer une austérité financière et s’endetter encore plus. Ce ne sera même pas un choix, le Fonds monétaire international finira par l’imposer et la Tunisie ne sera plus maître de son destin. L’emploi du futur et non du conditionnel est à propos.
Pendant que la basse cour faisant foi d’assemblée nationale se querelle, le pays vit certainement ses derniers mois de souveraineté. En 10 ans de liberté, nous avons surtout collectionné grèves et sit-in, alourdi les charges du fonctionnariat et laissé proliférer les mafias. Et ce n’est pas un alarmisme aveugle, l’exemple libanais ne présage rien de bon. La Livre a perdu en quelques mois 70% de sa valeur, un Libanais sur trois est au chômage et un sur deux vit sous le seuil de la pauvreté. Il parait que les épiceries rationnaient la vente des produits non pas par pénurie mais parce que le prix augmentait chaque jour et il était toujours plus intéressant d’attendre le lendemain pour vendre.
Est-ce vraiment l’avenir proche qu’on souhaite à notre bien-aimée Tunisie ? Est-on prêts à être la génération qui aura renoncé à l’indépendance ? Est-ce un pays hypothéqué qu’on voudrait léguer aux prochaines générations ?
Ne serait-ce pas là un triste exploit de décevoir à la fois grands-parents et enfants !
Mourad Daoud
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Bonjour, Formidable cet article. A chaque fois qu’on est en phase de tractation gouvernementales, il y a des têtes d’affiche qui s’affichent ou se font afficher afin de s’auto-proclamer Ministrable voire prétendant à la présidence du gouvernement. J’ai lu et entendu pas mal de reflexions de Mr. Medded et je penses qu’il est trop libéral pour apporter un vent nouveau, trop financier pour soigner une économie réelle en souffrance et trop déconnecté des gens et de la base, des Tunisiens en dehors des cartiers huppés pour pouvoir ne serait-ce qu’entendre - de là alors à répondre à - leurs attentes et revendications. Message implicite reçus. Voici ma réponse de citoyen Tunisien, attentif, impliqué et jaloux de l’avenir du Pays. Bien à vous, J.Hannachi