La Procureure Fatou Bensouda confirme la compétence territoriale de la Cour pénale internationale pour juger les crimes commis en territoires palestiniens
Haykel Ben Mahfoudh:Professeur de droit international public - Dans un document de 60 pages rendu public le 30 avril 2020, la Procureure de la Cour pénale internationale (CPI), Fatou Bensouda, a exposé son point de vue sur la question de la compétence de la Cour sur le territoire palestinien occupé. Détaillant ses arguments tout au long du document, elle prend le soin de répondre aux observations des participants à la procédure, y compris les Amicus curiae (littéralement « les amis de la Cour »), en application de la Règle 103 du Règlement de procédure et de preuve de la Cour. Notamment, elle demande à la Chambre préliminaire I de confirmer que le "territoire" sur lequel la Cour peut exercer sa compétence en vertu de l'article 12, paragraphe 2, point a) du Statut de Rome, comprend la Cisjordanie, y compris la Cisjordanie orientale Jérusalem, et Gaza.
Cette position intervient à la suite de l’annonce de la Procureure du 20 décembre 2019, « qu'au terme d'un examen préliminaire approfondi, mené en toute indépendance et objectivité, de l'ensemble des renseignements fiables qui sont en la possession de son Bureau, ce dernier est parvenu à la conclusion que tous les critères définis dans le Statut de Rome pour l'ouverture d'une enquête étaient remplis ».
Au total, quelque 11 groupes d'une ou plusieurs victimes, 31 États parties (de 8 États directement, et de 2 organisations internationales qui comprennent 23 États parties, aux côtés de plus de 30 autres États non parties), et 33 universitaires ou organisations (individuellement ou en groupe) ont communiqué leurs observations à la Cour. Une variété de perspectives et de points de vues, divergents parfois, qui vont certainement enrichir le débat devant la Cour et constituer les fondements d’un décision finale sur les crimes présumés en Palestine.
Pour rappeler brièvement l’historique de la saisine de la Cour et de l’examen préliminaire de la situation en Palestine, le 1er janvier 2015, le Gouvernement palestinien a déposé une déclaration en vertu de l'article 12-3 du Statut de Rome reconnaissant la compétence de la CPI pour les crimes présumés commis « sur le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, le 13 juin 2014 ». Le 2 janvier 2015, le Gouvernement de la Palestine a ainsi adhéré au Statut de Rome en déposant son instrument d'adhésion auprès du Secrétaire général de l'ONU.
Le 22 mai 2018, le Gouvernement de l’État palestinien a déféré au Bureau du Procureur la situation en Palestine depuis le 13 juin 2014 [sans préciser de date d’échéance], et a demandé au Procureur, en vertu des articles 13-a et 14 du Statut, l’État palestinien « d’enquêter, conformément à la compétence temporelle de la Cour, sur les crimes relevant de la compétence de cette dernière qui [avaie]nt été commis, qui se poursuiv[ai]ent ou qui ser[ai]nt commis ultérieurement sur le territoire de l’État palestinien ».
Le 24 mai 2018, la Présidence de la Cour a assigné la situation en Palestine à la Chambre préliminaire I.
Le 22 janvier 2020, la Chambre a reçu la "demande de l'Accusation en vertu de l'article 19(3) du Statut pour une décision sur la compétence territoriale de la Cour en Palestine" (la "demande du Procureur").
Le 20 février 2020, la Chambre préliminaire I a rendu sa décision sur les demandes d'autorisation de déposer des observations conformément à l'article 103 du règlement de procédure et de preuve. Elle y ordonne la Procureure de présenter une réponse consolidée à toute les observations sur la demande du Procureur présentées conformément à la décision du 28 janvier 2020 et la présente décision, qui ne doit pas dépasser 75 pages, au plus tard le 30 mars 2020. Finalement la Procureure a déposé ses observations le 30 avril 2020 après extension des délais.
Dans ce document, la Procureure s’en tient essentiellement et seulement à la question de la compétence territoriale de la Cour en Palestine et de confirmer que le "territoire" sur lequel la Cour peut exercer sa compétence en vertu de l'article 12, paragraphe 2, point a) du Statut de Rome, comprend la Cisjordanie, y compris la Cisjordanie orientale, Jérusalem, et Gaza. La Procureure développe un argumentaire détaillé en cinq points, dont nous allons tenter de résumer l’essentiel ici, en y joignant un certain nombre d’observations. Ce résumé n’est pas exhaustif et ne reprend pas tous les arguments ; il ne constitue pas non plus un commentaire des observations de la Procureure.
A. Il n'y a aucune raison d'exiger que le Procureur reporte sa demande de décision sur la compétence jusqu'à ce qu'elle ait présenté une demande au titre de l'article 58, et la Chambre devrait se prononcer rapidement sur le fond
L’article 58 du Statut est, en effet, relatif à la « Délivrance par la Chambre préliminaire d'un mandat d'arrêt ou d'une citation à comparaître ». Le Procureur ne demande pas à la Chambre préliminaire de vérifier qu’il y a une base raisonnable pour poursuivre (ce que la Chambre à déjà fait sur la base de l’article 53 (1) [Critères d’admissibilité d’une affaire pour l’ouverture d’une enquête], mais de s’assurer si la Cour est compétente pour connaître de l’affaire relative au « Territoire occupé palestinien » portée devant elle sur la base du critère de recevabilité établi dans l’article 19 (1) et (3) du Statut [Contestation de la compétence de la Cour ou de la recevabilité d'une affaire]. Donc, il ressort de ce premier point qu’elle demande à la Chambre de se prononcer sur la recevabilité de l'affaire conformément à l'article 17 du Statut relatif aux questions relatives à la recevabilité.
Dans son raisonnement, la Procureure établit une distinction claire entre les critères de recevabilité et de compétence de la Cour, qui sont établis par les articles 12, 13, 17 et 19 du Statut, et le critère d’admissibilité de l’enquête ou des preuves définis à l’article 53 (1). Le critère de recevabilité et de compétence est différent, en effet, et est supérieur au critère d’admissibilité précédemment appliquée par la Procureure.
Cette distinction est logique car les règles de compétence de la Cour priment sur tout autre considération. Celles-ci ne doivent pas êtres liées à des actes de procédure, telle qu’une citation à comparaître ou un mandat d’arrêt, ou alors à un examen préalable sur le fond, car la compétence est une question préjudicielle en matière pénale qui exige un renvoi devant un organe compétent pour en décider en premier lieu.
B. L'adhésion au Statut n’est pas constitutive de la qualité d'État comme question de droit international général, mais oblige les organes de la Cour à traiter tous les États parties sur un pied d'égalité en tant qu'États, aux fins du Statut
Le problème est, en effet, relatif au droit pour la Palestine de se prévaloir de son adhésion au Statut de Rome pour demander la poursuite des crimes commis sur son Territoire occupé. La question concerne les régimes d’adhésion au Statut de Rome, qui découlent des articles 12 et 125 du Statut. La Procureure est d’opinion, à juste titre, que les questions de capacité à adhérer aux traités sont mieux résolues par les États eux-mêmes. La qualité d'État en droit international public ne résulte pas de l'adhésion à un traité. La Cour doit ainsi appliquer les principes et règles du droit international, y compris les principes établis du droit international des conflits armés en application de l’article 21 (1) (b) du Statut.
Les organes de la Cour (y compris le Procureur) ne doivent pas se laisser entraîner dans les décisions politiques concernant l'adhésion aux régimes des traités. Comme toute juridiction, d’ailleurs, la CPI ne peut se départir des règles essentielles qui dirigent son activité de tribunal, même lorsqu’elle examine de façon préliminaire certains cas. En conséquence, et conformément aux articles 1er et 5 du Statut de Rome, la Cour ne peut se prononcer que sur une question juridique (et non politique) relevant de sa compétence. Par conséquent, les organes de la Cour sont tenus d'accepter la qualité d'État partie de cette entité à toutes les fins prévues par le Statut et ne peuvent substituer leur propre évaluation à celle du dépositaire et des États parties.
En effet, la "détermination finale qu'une entité est un État partie n'est pas faite par le dépositaire" mais "par les États parties". En effet, aux termes de l'article 77(2) de la Convention de Vienne sur le droit des traités de 1969, les États peuvent s'opposer à l'acceptation par le dépositaire de l'instrument d'adhésion d'une entité, et que la question doit alors être portée "à l'attention des États signataires et des États contractants [au traité] ou, le cas échéant, de l'organe compétent de l'organisation internationale concernée", en l’occurrence l’Assemblée des Etats Parties en ce qui concerne la CPI.
La non objection d’un Etat partie à l’adhésion d’une autre entité ne créée qu’une situation de fait et non de droit. Or dans le cas de l’espèce, aucun État partie n'a utilisé les mécanismes du Statut pour contester l'adhésion de la Palestine au Statut de Rome, ce qui crée une obligation erga omnes c’est-à-dire opposable à l’égard de tous les Etats parties.
Quant au principe de « l’or monétaire » ayant posé la question de l'absence de consentement à la juridiction devant la Cour Internationale de Justice « C.I.J. » d'un Etat tiers au procès dans une affaire datant de 1954, la Procureure note qu’il ne peut s'appliquer à la CPI, car la responsabilité internationale ou la légalité du comportement d'une partie non étatique ne peut jamais constituer "l'objet même" de la procédure de la Cour. La Cour juge les individus et non pas les Etats.
Le principe de « l'or monétaire » est étroitement lié au concept de responsabilité internationale. Selon l'arrêt de la CIJ (1954) dans l'affaire de l'or monétaire enlevé de Rome en 1943, la CIJ ne devrait pas exercer sa compétence pour statuer dans une affaire entre deux parties, lorsque les intérêts juridiques d'un tiers "ne seraient pas seulement affectés par la décision, mais formeraient l'objet même de la décision".
Ce principe ne peut être appliqué à la CPI, car elle ne juge pas la responsabilité internationale des Etats quelles qu’en soient les circonstances ou les causes, mais juge seulement la responsabilité pénale internationale des individus sur la base des crimes de l’article 5 du Statut. Aussi, faut-il rappeler le célèbre dictum du jugement de Nuremberg que « ce sont des hommes et non des entités abstraites qui commettent les crimes dont la répression s’impose, comme sanction du droit international. (…) ».
Aux fins d’établir la juridiction de la Cour (recevabilité et compétence), il faut distinguer donc entre l’objet du litige (la poursuite es actes incriminés) et l’intérêt et la capacité d’agir. L’objet du litige n’est pas de savoir si la Palestine a acquis la capacité juridique en tant qu’Etat en adhérant au Statut de Rome pour pouvoir déférer une situation devant la CPI, en l’occurrence le pouvoir de conclure des traités, mais de permettre à la Cour d'enquêter et d'engager des poursuites à l'encontre de ressortissants de pays tiers, quelle que soit leur qualité officielle, sur le territoire des États parties.
C. La Palestine est un État aux fins du Statut en vertu des principes et règles pertinents du droit international
Là le problème était posé par rapport aux conditions juridiques d’existence et de reconnaissance de l’Etat palestinien sur la base des critères de la Convention de Montevideo concernant les droits et devoirs des Etats, adoptée par la septième Conférence internationale américaine, signée à Montevideo, le 26 décembre 1933. Les critères de Montevideo sont de quatre : « (1) Population permanente, (2) Territoire défini, (3) Gouvernement, (4) Capacité à établir des relations avec d’autres Etats. Ils "ne sont ni exhaustifs ni immuables" et "d'autres facteurs peuvent être pertinents, notamment l'autodétermination et la reconnaissance, tandis que le poids relatif accordé à ces critères dans des situations particulières peut très bien varier.
En effet, comme l’ont noté plusieurs observations soumises à la Cour, les critères de Montevideo ont été appliqués de manière moins stricte dans certains cas. Ainsi, a-t-on observé que dans les cas où le droit des peuples à l'autodétermination est reconnu, les entités revendiquant le statut d'État ont été reconnues comme telles bien qu'elles n'aient pas rigoureusement rempli les critères de Montevideo, notamment dans le cadre de la décolonisation.
En outre, la reconnaissance n’est pas une condition d’existence de l’Etat dont la création reste de nature objective. La formation de l’Etat est un simple fait de la conjonction de ses trois éléments constitutifs. Ces faits sont, cependant, de nature juridique, « c’est-à-dire de fait à la réalisation desquels le droit attache des conséquences déterminées ».
Dès lors que la formation d’un état résulte de la réunion objective des trois éléments constitutifs, il n’est nul besoin d’une procédure formalisée, telle que l’adhésion à l’ONU pour la constater par un organe tiers. « L’adhésion à une organisation internationale ne fait que créer des obligations juridiques réciproques à l’égard des Etats parties, elle n’est en aucun cas constitutive du statut de l’entité ». Certains Etats, avait (eu) une existence juridique parfaite avant même d’adhérer à l’ONU (exemple, la Suisse en 2002). Par conséquent, la qualité d'État et l'appartenance à une organisation internationale, en l’occurrence l’ONU, ne doivent pas être confondus.
Quant à la reconnaissance, la Procureure note qu’elle ne peut avoir totalement un caractère discrétionnaire, dès lors que : (1) l’existence d’un Etat est une donnée objective à caractère juridique ; (2) le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes implique un droit à l’autonomie et par conséquent la reconnaissance d’un droit à la constitution d’un Etat (indépendance), auquel le droit international attache de conséquences effectives. La reconnaissance produit ses effets indépendamment de la question de savoir si l’Etat reconnu exerce effectivement sa souveraineté sur le territoire et la population qu’il prétend contrôler.
D’un autre côté, il convient d'appliquer les critères de Montevideo de manière moins restrictive à la Palestine, aux fins du Statut de Rome et ce pour les raison additionnelles suivantes : (1) le droit du peuple palestinien à l'autodétermination et à un État indépendant et souverain ; (2) les conséquences de certaines pratiques contraires au droit international dans le territoire palestinien occupé ; (3) le nombre important de reconnaissances concernant la Palestine ; (4) le fait que le territoire palestinien occupé n'est pas terra nullius (« territoire sans maître ») et ne peut être considéré comme relevant de la souveraineté d'un autre État ; et (5) le statut de la Palestine en tant qu'État partie et l'objet et le but du Statut de Rome. Actuellement, la souveraineté sur le territoire occupé ne revient pas à la puissance occupante mais à la population sous occupation, a relevé la CIJ dans son Avis consultatif sur le mûr de séparation israélien de 2004.
Sur le plan du droit international, le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ou à l’autodétermination fait désormais partie du jus cogens, c’est à dire les normes impératives du droit international, opposable à tous (avec un caractère erga omnes), y compris la puissance occupante, auxquelles aucune dérogation n’est possible. C’est sur cette base que la CIJ avait conclu dans son Avis de 2004, que le peuple palestinien ne peut être privé de son droit à la libre détermination. En outre, la violation de cette règle constitue une violation grave du droit international.
D. Les accords d'Oslo ne font pas obstacle à l'exercice de la compétence de la Cour
Dans ses observations la Procureure rappelle que les "Accords d'Oslo" (Les principaux accords sont les suivants : la Déclaration de principes de 1993 sur les arrangements intérimaires d'autonomie ("Oslo I"), l'Accord Gaza-Jéricho de 1994, l'Accord intérimaire de 1995 ("Oslo II"), le Protocole d'Hébron de 1997, le Mémorandum de Wye River de 1998 et le Mémorandum de Charm el-Cheikh de 1999"), ont réglementé un transfert progressif de pouvoir à l'Autorité palestinienne sur la plus grande partie de la Cisjordanie (à l'exception de Jérusalem-Est) et de Gaza. En effet, les "Accords d'Oslo" visaient à donner effet au droit du peuple palestinien à l'autodétermination et à un gouvernement autonome en Cisjordanie et à Gaza par étapes.
Les accords d'Oslo sont à considérer comme un transfert ou une délégation de la compétence d'exécution. D’ailleurs, selon ces accords, Israël conserverait "sa seule compétence pénale" sur les infractions commises dans des territoires ne relevant pas de la compétence générale de l'Autorité palestinienne (comme les colonies) mais aussi la zone C et les infractions commises par les Israéliens.
Les accords d’Oslo ne remplacent pas la compétence plénière des représentants du peuple palestinien, et n'empêchent pas l'exercice de la compétence de la Cour. Le principe de complémentarité implique que, dans le cas où Israël ne poursuit pas les actes incriminés, il revient à la Cour d’exercer sa compétence sur la base de articles 11(2), 12 (2) (a), 13 (c) et 14 (1) du Statut. De plus, la communauté internationale a reconnu les limites juridiques de l'autorité d'Israël sur le territoire palestinien occupé. La Procureure note, par exemple, qu’en novembre 2019, la CJCE a statué que "selon les règles du droit international humanitaire, ces territoires [occupés en 1967] sont soumis à une juridiction limitée de l'État d'Israël, en tant que puissance occupante, alors que chacun d'eux a son propre statut international distinct de celui de cet État".
L’article 12 (2) du Statut n’exige pas que la Cour exerce sa compétence sur le territoire d’un Etat sur lequel ce dernier exerce sa compétence pénale, mais seulement sur le territoire de l’Etat. De plus, dans certains cas, les législations internes n’incriminent pas les actes visés à l’article 5 du Statut. Le but du Statut de Rome est, en effet, de combler cette lacune, en établissant des critères alternatifs à l’exercice de la compétence de la Cour dans le but de lutter contre l’impunité.
E. La compétence territoriale de la Cour comprend le territoire palestinien occupé
Sur cet élément, la Procureure considère que l’'étendue de la compétence territoriale de la Cour en Palestine ne présuppose pas une détermination des frontières de la Palestine en tant que telle ; elle vise plutôt à délimiter la zone territoriale dans laquelle le Procureur peut mener ses enquêtes sur les crimes présumés tout en délimitant son champ d'application extérieur (extraterritorial) compte tenu du territoire d'autres États.
Les positions des parties devant d’autres juridictions, notamment la CIJ, n’ont pas d’effet sur les critères de compétence de la CPI. La Cour, n’étant pas compétente pour juger les différends entre les Etats, un différend frontalier ne devrait pas empêcher la Cour d'exercer sa compétence, d’une manière générale, puisqu'il existe certains endroits qui se situent sans aucun doute sur le territoire de la Palestine, nonobstant son statut en tant qu’Etat.
Faut-il préciser aussi que la Cour n’exerce sa compétence que sur le territoire étatique et non sur les territoire où elle exerce une juridiction ou des compétences fonctionnelles (exemple : Zone économique exclusive « ZEE »). D’ailleurs, le principe de la territorialité de la compétence juridictionnelle de la Cour est en conformité avec la Convention Montego Bay sur le droit de la mer (1982). Cette dernière interdit aux Etats parties d’établir des peines privatives de liberté en ZEE. Cependant, il y a lieu de constater, qu’en dépit de ce principe, certains Etats étendent leur compétence territoriale en matière pénale au-delà de leurs limites frontalières maritimes pour poursuivre et réprimer des actes de terrorisme, par exemple.
Enfin, la Procureure affirme que la position de l'Accusation dans le cadre d'un autre examen préliminaire selon laquelle le "territoire" de l'article 12(2)(a) du Statut "comprend les zones relevant de la souveraineté de l'État" est conforme à sa position dans la présente requête. Elle conclut notamment que, dans les circonstances actuelles, la souveraineté sur le territoire palestinien occupé réside dans le peuple palestinien sous occupation.
Au final, il revient à la Chambre préliminaire de rendre sa décision dans les prochains mois sur la compétence territoriale de la Cour en Palestine. Cette décision est très attendue dans une affaire qui trépigne maintenant depuis cinq ans, tant les enjeux sont énormes pour les parties au procès, pour la Cour elle-même, mais aussi pour les Etats non-parties, les ONG et surtout les victimes. Les arguments ne manquent pas de solidité pour voir une décision autorisant l’ouverture d’une enquête prise dans ce sens. Mais l’épisode judiciaire des crimes commis en Palestine n’est qu’à ses débuts même s’il dure depuis 2015. Il faut s’attendre à ce que des exceptions d'irrecevabilité ou d'incompétence soient renvoyées à la Chambre préliminaire avant la confirmation des charges. D’autres réactions à l’endroit de la Cour et de ses organes ne sont pas à exclure non plus. Après la confirmation des charges, ces exceptions seront renvoyées à la Chambre de première instance. De plus, il peut être fait appel des décisions portant sur la compétence ou la recevabilité devant la Chambre d'appel conformément à l'article 82 du Statut, pour espérer par la suite une décision finale sur le fond. Ce que certains ont appelé « la patate chaude » aura sans doute sorti la Cour de cette prudence dans une situation qui est devenue le talon d’Achille de l’humanité, du droit pénal international et, d’une manière générale, de la lutte contre l’impunité. Affaire à suivre donc. La Cour en sortira sans doute grandie malgré l’exposition et les pressions politiques.
Haykel Ben Mahfoudh
Professeur de droit international public
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