Lutte anti-cancer : A quand un plan tunisien efficient? Une urgence vitale
La célébration, le 5 février de chaque année, de la journée mondiale contre le cancer, nous interpelle en Tunisie quant l’ampleur de cet ogre, décimant des milliers croissants de ses victimes par an. La modestie des ressources allouées à la recherche, la prévention, notamment le dépistage précoce, la prise en charge et l’accompagnement, complique davantage la situation. Ni les budgets, ni les effectifs, du ministère de la Santé ne sont à la mesure des risques encourus et des malades atteints. Dépistage non systématique dans les unités de soins de santé primaire publiques, délais excessifs d'accès aux soins, prise en charge limitée: l'épreuve de milliers de familles est insurmontable. Les disparités entre les régions est affligeantes. Même face au cancer, les Tunisiens sont inégaux! Est-ce acceptable!
Le thème de l’année 2019 se veut en engagement déterminé : Je veux, je vais ! Chacun est en effet se porter volontaire et solidaire pour contribuer à son niveau, à cet impératif effort de lutte contre le cancer. Officiellement, les statistiques ne sont pas à jour. Les trois registres de morbidité (Tunis, Sousse et Sfax), ne sont pas, pour différentes raisons, actualisés. Selon le dernier rapport de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), 7300 cas de décès ont été déplorés en 2014, soit 4500 hommes et 2800 femmes. A début 2019, on doit certainement avoir dépassé les 10.000. Tout indique cependant que près de 40% des cas de décès seraient ‘’évitables’’ grâce à un travail soutenu de sensibilisation aux facteurs de risques, de dépistage précoce et de prise en charge efficace.
Pour cette année, l’action de sensibilisation entreprise par la Direction de Soins de Santé de Base relevant du ministère de la Santé repose sur des séminaires médicaux organisés les 4 et 5 février, et une journée grand public, ce jeudi 7 février à la Cité des Sciences, à Tunis. Le thème choisi est : ‘’Sachez choisir les aliments qui vous protègent.’’
Revoir l’ensemble du plan anti-cancer
Depuis 2006, la Tunisie a engagé des plans quinquennaux successifs anti-cancer. Le premier couvrait la période 2006 - 2010, le deuxième, la période 2010 - 2015 et l’actuel, les années 2015 -2019. A les lire, et surtout le dernier, c’est un véritable mur de lamentations quant aux insuffisances restées à ce jour guère comblées. On y lit notamment que ‘’le profil épidémiologique de la Tunisie a beaucoup évolué, avec le passage d’une situation caractérisée par une prédominance des maladies transmissibles et carentielles telles que les maladies à transmission hydrique et le paludisme, la malnutrition protéino-énergétique qui ont considérablement reculé, à celle des maladies non transmissibles (MNT), aujourd’hui prédominantes. Les maladies cardio-vasculaires sont la première cause de mortalité des adultes, suivies par le cancer, les accidents et les traumatismes. Les données des registres régionaux des cancers en Tunisie, n’étant pas actualisées pour diverses raisons, les dernières publications sont relatives à la période 2004-2006 pour la région du Nord, 2003-2007 pour le gouvernorat de Sousse et 2000-2002 pour le gouvernorat de Sfax, nous avons préféré utiliser les estimations de l’OMS de GLOBOCAN 2012. (...) Le cancer du poumon est la première cause de mortalité chez les hommes, suivi du cancer colorectal et du cancer de la vessie. Chez les femmes, le cancer du sein vient en tête, suivi du cancer colorectal et des leucémies.
Des insuffisances à combler d’urgence
Le rapport 2015 - 2019, déplore une série de lacunes
Au niveau de la prise en charge :
- Il existe une hétérogénéité entre les quatre facultés de médecine
- L’organisation actuelle de l’enseignement de la cancérologie dans les facultés de médecine ne valorise pas la discipline et serait à l’origine d’un manque d’efficacité :Le volume horaire de cancérologie générale est insuffisant ; la cancérologie générale est rattachée à d’autres thèmes. La cancérologie spéciale enseignée au sein de certificats par organe et localisation
- La demande de services de cancérologie est importante et ne cesse de s'accroître.
- Les établissements existants ne sont pas en mesure de bien répondre à cette demande, ni de faire face à l’augmentation future de l’incidence du cancer, comme en témoignent les temps d’attente pour les soins qui sont relativement élevés, en particulier pour la radiothérapie.
- Les structures existantes sont les suivantes :
- Institut Salah Azaiez
- Service d’oncologie médicale : 7
- Hôpital de jour: 4
- Services radiothérapie : 2 + 1 (en cours)
- 8 machines publiques, 8 machines privées
- Services de chirurgie d’organes
- Cliniques
- Formalités de PEC (chimiothérapie) lentes (3 à 5 semaines)
- Radiothérapie : Problèmes de place sur les machines disponibles :
- 6 semaines (Sfax)
- 5 à 6 mois (ISA, Sousse)
- 2 à 3 semaines en privé
- Délais pour la chirurgie : 3 à 5 semaines
- Le nombre de paramédicaux spécialisés dans la prise en charge des cancers demeure insuffisant
- Absence de paramédicaux spécialisés en carcinologie
- Existence d’un master « soins infirmiers en soins palliatifs » à Sousse (2 promotions)
- Insuffisances au niveau des soins de support
- Il existe uniquement une micro unité à l’ISA (3lits) non fonctionnelle par manque de personnel.
- Insuffisances au niveau de la qualité et de l’équité des prestations de soins
- La liste des interventions prises en charge par la CNAM est très limitée (2/19).
- Il existe une inégalité des soins entre les indigents et les affiliés sociaux (pour les médicaments spécifiques et les appareillages).
- La recherche sur le cancer souffre d’un manque flagrant en ressources aussi bien humaines que financières. Il existe également un manque de coordination de cette recherche.
- Ecrire un commentaire
- Commenter
La bonne question n'a pas été posée. J'ai cancer que je soigne dans le privé et je sais de quoi je parle. Quand un radiothérapeute du secteur public, professeur de son état déclare un million deux cents milles dinars de gains au fisc cela veut dire quoi? Cela veut dire qu'il détourne par tous les moyens les malades et les ressources humaines vers le secteur privé. J'ai plusieurs cas dans mon entourage à qui on a fixé un RDV dans 6 mois à l'institut Salah Azzaiez, la même personne lui a proposé un RDV dans la semaine à la clinique Ettaoufik. Quand la chimiothérapie est source de revenue. Quand les laboratoires privés offrent 4 et 5 fois par an des voyages en Amérique pour nos chers médecins, pourquoi selon vous. Un réseau qui vous prend par la gorge, le médecin, le chirurgien, le radiothérapeute, le fabriquant de médicaments...vous êtes un gibier pour eux. Voilà pourquoi la cancérologie est en retard, parce que tout le monde s'est enrichi en milliards sur le dos des malades.