Aleca- Nouveau round Tunisie-UE ce lundi : Tout doit changer
Curieuse coïncidence ! Au moment même où le sort du gouvernement Youssef Chahed se décide ce lundi matin à Carthage, un nouveau round de négociations entre la Tunisie et l’Union Européenne dans le cadre de l’Accord de Libre Echange Complet et Approfondi (ALECA) commence à la Kasbah. Les deux négociateurs en chef respectifs, Hichem Ben Ahmed secrétaire d’Etat au Commerce extérieur, du côté tunisien et Ignacio Garcia Bercero, Directeur à la Direction Générale Commerce (DG Trade), au nom de la Commission européenne auront à faire avancer ce processus. Les symboliques de cette rencontre ne manquent pas, mais les termes des débats ont changé. Tunis et Bruxelles doivent en être conscients et se les dire en toute franchise. L’Europe n’est plus l’Europe et la Tunisie n’est plus la Tunisie. Une nouvelle approche est indispensable, de part et d’autre.
Pour les symboliques, les illustrations ne manquent pas. Le débat crucial à Carthage sur les nouvelles priorités de la Tunisie et le nouveau gouvernement avec ou sans Youssef Chahed pour les conduire n’altère en rien l’avancement des autres dossiers. Aussi âpres que puissent être les dissensions au sommet, le pays fonctionne. Déjà porté sur le départ, Chahed s’était rendu à Bruxelles, le 24 avril dernier pour des entretiens de haut niveau. Sa plus grande satisfaction serait de recevoir, aux côtés du président Béji Caïd Essebsi, le 22 juillet prochain, le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker qui viendra maintenir cette dynamique. Sous de bons augures s’annoncent donc, en apparence, ce nouveau round de négociations. Le ministre des Affaires étrangères, Khemaies Jhinaoui, s’était félicité à l’issue de la tenue le 15 mai dernier à Bruxelles de la 14ème session du Conseil d’association « de la décision commune de fixer un agenda de négociations ambitieux sur l'ensemble des chapitres en vue de conclure les négociations dans les meilleurs délais. »
Une Europe fragilisée
En dénonçant l’accord nucléaire et faisant planer de lourdes pénalités sur les entreprises y compris européennes qui continueront à travailler avec l’Iran, le président Donald Trump, affirme la nouvelle ligne de conduite américaine à l’égard de l’Europe : l’abandon de toute défense et de tout soutien. Pire, la menace des intérêts économiques. L’arrogance de Trump s’ajoute au nouveau statut d’interlocuteur majeur incontournable que représente désormais la Russie de Vladimir Poutine. Prise en étau entre Washington et Moscou, « l’Europe se voit comme un oiseau fragile ». L’Italie, marquée par la montée du populisme, miroitant une sortie de la zone euro, devient une « métaphore de la détresse de l’Europe », qui n’est en fait que « l’expression superlative d’une colère qui se fait entendre partout » au sein des pays de l’Union comme le souligne nombre d’observateurs. On est loin de cette Europe-puissance, tant rêvée.
Une Tunisie face à de nouvelles exigences
Quarante ans après la mise en place du programme de coopération entre la Tunisie et l’Europe, la situation a beaucoup changé dans le pays, encore plus depuis 2011. Cette profonde mutation, accélérée durant les sept dernières années a fait naître un contexte nouveau et des attentes nouvelles que l’Union européenne ne semble pas avoir suffisamment pris en considération. Bruxelles continue à user des mêmes paradigmes et ordonnancer les négociations sur l’ALECA sur la même approche désuète. « Officiellement, les intentions sont nobles, relève un économiste tunisien. En fait, l’Europe veut trop tirer sur la corde en sa faveur. La vision même ne tient pas compte de la nouvelle donne, en Tunisie et au sein de l’UE. L’Europe est des plus protectionnistes »
Donald Trump fournit à cet égard un jugement sans appel. « Le marché de l’UE est plus fermé que celui de la Chine » avait-il à Emmanuel Macron en le recevant récemment à Washington, et de lui affirmer qu’il entendait « l’ouvrir au pied de biche », comme le rapporte L’Obs (N°2794).
Une approche à changer
Sans prendre conscience des fragilités qui la menacent et des renforcements salutaires qu’elle doit édifier d’urgence, l’Europe risque de se retrouvée de plus en plus fragilisée et esseulée. La liste de ses priorités est longue, parmi elles doit s’intégrer en bonne place sa position sur les pays partenaires « privilégiés », la Tunisie en tête. L'Europe y gagner à tousn les niveaux. Les avanatages qu'elle tirera de la Tunisie sont multiles. Non seulement au niveau sécuritaire (contrôle de l'immigration clandestine et lutte contre le terrorisme), mais aussi compétitivité pour ses entreprises délocalisées en Tunisie, compétences tunisiennes recrutées en Europe, opportunités commerciales pour les biens et services, gateway pour la future Libye, et pour l'Afrique... L'avancée démocratique en plus.
Le concept-même de l’ALECA et ses dispositions « techniques », sont à revoir totalement. "La Tunisie ne peut subir aucune pression et mérite largement plus et mieux", affirme un spécialiste des relations tuniso-européenne.
Le temps qui lui reste au pouvoir, le gouvernement Youssef Chahed doit avoir la perspicacité de le dire en toute franchise à l’Union européenne et d’exiger un statut nettement plus avantageux. Le négociateur en chef tunisien, Hichem Ben Ahmed doit être instruit de l’indispensable nouvelle approche à exposer à son homologue européen Ignacio Garcia Bercero.
A moins que ce nouveau round ne soit destiné qu’à s’ajouter à ses précédents…
T.H.
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Commentaire le 28 Mai 2018 Si Hichem Ben Ahmed, Cher M. Le Secrétaire d’Etat au Commerce extérieur, C’est bien de négocier l’ALECA, mais cet accord concerne en grande partie l’Agriculture, et donc, vous êtes vous entouré des compétences qu’il faut pour préparer les contreparties tunisiennes qui doivent bénéficier à ce secteur et à nos agriculteurs ; tout comme l’UE pensent à son agriculture et ses agriculteurs. L’occasion est très importante pour qu’une vraie stratégie tunisienne soit formulée et présentée. Ce nouveau round ne doit pas s’ajouter à ses précédents, et que les représentants Tunisiens n’y vont plus sans une vision et avec des dossiers vides ; alors que dès le 1er round, l’UE avait 22 dossiers ficelés qu’elle se proposait de discuter ! En face, les Tunisiens avaient prétendus ‘’venir pour écouter’’…, n’ayant ni un vrai Plan ni une véritable Stratégie à court, moyen et long terme pour mettre son agriculture au diapason des agricultures européennes avec qui elle devra entrer en compétition ! Ce qui est gravissime. En tout cas, il n’est plus temps de tergiverser encore, ou de jouer aux attentistes ; le pays et son agriculture en péril doivent savoir aujourd’hui comment avancer, même si l’UE n’avait pas une proposition d’ALECA. Notre stratégie devant prendre en considération, que nous avons beaucoup à apprendre des expériences extérieures, et qu’une collaboration minimale est nécessaire avec toutes sortes de bailleurs de fonds et amis de la Tunisie pour sortir notre agriculture de l’ornière ! Enfin et même si le gouvernement actuel ne semble pas avoir besoin des anciennes compétences, de plus en plus rares dans le pays et qui s’énorguellissent d’avoir contribué à la construction de la Tunisie de l’Indépendance durant plus de 50 ans ; je suis prêt à mettre la main à la pâte, sous la forme qui vous semble la meilleure, pour préparer quelque chose qui soit à la hauteur des besoins du pays et de sa cheville ouvrière que sont ses exploitants agricoles (taillables et corvéables à merci jusqu’à présent….) et qui soit compatible avec des négociateurs qui ménagent et planifient concrètement ce qui va dans notre intérêt tout en restant ‘’gagnant-gagnant’’ avec le partenaire. Malek Ben Salah – Ancien DG de la Production Végétale – malekbensalah38@gmail.com