Une langue=Une nation ?
Une question me taraude depuis quelque temps :
Les partis sont-ils là pour défendre un idéal universel voire leur idéal ou pour briguer des sièges en urgence ?
Et une fois les sièges occupés ? Vont-ils nous servir une tambouille faite de compromis et de compromissions, d’idées diluées dans la recherche du consensus et une navigation à vue sans objectif humaniste ou alors une politique franche, courageuse, annoncée et empreinte d’une seule préoccupation : une société meilleure et plus juste?
J’ai le sentiment que la mollesse préside en face des extrémismes qui fleurissent faute de trouver des jardiniers avisés dans l’élimination des mauvaises herbes.
En un mot l’audace est inexistante!
J’ai le sentiment qu’une autocensure, telle une énorme araignée au plafond, paralyse le débat d’idées audacieuses et jette le discrédit rapidement sur celui ou celle qui s’en réclamerait.
Laïcité ? le déchaînement est immédiat et les encore fragiles troupes de reculer en ordre.
Héritage : trop tôt pour en parler, on attendra la prochaine révolution !
La mollesse n’est pas la tolérance ni la modération qui sont des vertus en temps de paix.
Car ne nous faisons pas d’illusions, nous sommes en guerre contre les forces obscures minoritaires qui veulent enjamber notre devenir.
Ceux qui pensent que dans ce camp des ténèbres existent des modérés se trompent lourdement : leur but est un et unique. Prendre le pouvoir en se regroupant au final et mettre une chape de plomb sur nos vies.
Or, pendant que nous nous exerçons à la mollesse et au consensus stérile en rejetant les idées fortes et justes au profit d’une bouillabaisse populiste, le fanatisme se réclamant de l’Islam gagne du terrain car faisant preuve d’une authenticité jamais défaillante et d’une audace surprenante dans son discours.
Oui, l’aile dure dérape dans les rues mais l’aile « modérée » rassure rapidement l’opinion.
Tiraillés entre une partie de notre identité tournée vers un orient encore rétrograde et se débattant avec ses pires démons et l’autre partie détournée d’un occident envié et honni, nous peinons à trouver notre voie et les réponses simplistes, rassurantes et prêtes à penser ont de plus en plus de clients.
Quelle est la solution me direz-vous ?
Il me semble que c’est en nous, encore et toujours, qu’il faudra la chercher.
Nous sommes Tunisiens certes ! Quelle est le socle de notre identité ? Pourquoi vivons-nous ensemble ou devrions nous le faire à l’avenir ? Qu’est ce qui pourrait nous cimenter au-delà des divergences inévitables de nos opinions et de notre vécu ? Qu’est ce qui transcenderait nos divergences ? Une nation.
Qu’est ce qui fait une nation ? une langue, un territoire, des mythes fondateurs (ancêtres, figures nationales/Ibn Jazzar, Elyssa,), une histoire, une culture (vestimentaire, culinaire, musicale, théâtrale, littérature, contes, poésie, ……) autant de patrimoines en commun qui constituent un ciment entre les individus.
J’ai volontairement omis la religion.
La religion me semble être le ciment le plus inconsistant pour former une nation…de nos jours.
Qu’y a-t-il de commun entre un Tunisien, un saoudien, un malais, un pakistanais, un bosniaque et un iranien ? L’islam. Cela en fait-il des membres d’une même nation ? La réponse me semble évidente.
J’ai choisi d’aborder la langue car, selon Herder, elle est l’expression vivante et organique de l’esprit d’un peuple.
La langue serait donc l’incarnation vitale et corporelle de l’esprit d’un peuple ? Le corps vivant du peuple.
Cela voudrait donc dire que la mort de ce corps est envisageable ?
Le corps sans vie du peuple : Le peuple donc, se meut et vit à travers sa langue. Il ne forme pas encore une nation mais il est en route vers son destin qu’il bâtira.
1 langue=1 nation serait donc une équation forte ?
Quelle est notre langue en Tunisie ? A Kuala Lumpur, à Menphis ou à Tokyo il nous suffit d’entendre, « chnoua » ou taoua pour identifier immédiatement l’origine géographique de celui qui émet ces mots. Ce lien universellement Tunisien est indéfectible et malgré toute la bonne volonté des apprentis dictateurs cela sera toujours. Pourquoi ? Car cette langue au fond de nous est enracinée par des liens émotionnels. Et nous savons pertinemment qu’elle est une part importante de notre immortalité. C’est pour cela que nous parlons en Tunisien à nos nouveaux nés.
Notre langue est donc le Tunisien, notre langue maternelle.
Cette langue riante, douce, chantante, légère, sarcastique, enveloppante que nous chuchotent nos parents le soir, cette langue qui nous a raconté les mythes de notre enfance.
Qui ne connaît pas l’histoire d ’oummi sissi ? Un mythe fondateur de notre identité que cette jeune dame qui trouve une piécette à terre.
Cette langue à la grammaire élaborée et au vocabulaire chatoyant et qui se prête tellement à l’ironie est notre différentiation naturelle des autres peuples, de plus nous sommes les seuls à la parler.
Celle là-même que la politique a exclu de son discours officiel car se prêtant mal à la langue de bois et marginalisée au nom d’une arabisation populiste vestige d’un panarabisme malvoyant.
Ses détracteurs, et ils sont nombreux, vous objecteront que cette langue n’en est pas une. Que c’est un dialecte. Je les renverrai aux rares ouvrages qui ont échappé au pilon et qui traitent de la grammaire, du vocabulaire et de la syntaxe Tunisienne. Quelques dictionnaires dépenaillés de la langue Tunisienne existent encore aux mains d’amoureux de cette langue.
Nous avons délaissé notre langue vernaculaire (propre au pays) et l’avons remplacé.
Par quoi ?
1. Par l’arabe littéraire. Langue du message coranique, de l’enseignement, du discours politique menteur et racoleur et d’une littérature magnifique. Une langue que parlent tous les pays arabes à quelques variantes près et que même les muezzins russes baragouinent.
En parlant d’identité, l’arabe littéraire fait il partie de notre identité Tunisienne ?
L’arabe littéraire accouché laborieusement par césarienne est devenu une langue administrative opaque et un peu véhiculaire. Il suffirait de s’exprimer dans un café, chez soi ou avec des amis dans cette langue pour susciter le rire ou l’étonnement.
Force est de constater que ceux qui parlent bien l’arabe littéraire s’expriment aisément en Tunisien, l’inverse n’est pas vrai. Qu’est ce que cela prouverait ? Qu’une bonne partie du Tunisien vient de l’Arabe littéraire. Sans plus.
L’arabe littéraire est une composante non négligeable de la langue Tunisienne mais il n’en demeure pas moins que la langue Tunisienne est notre langue vernaculaire.
2. Par le Français. Langue en voie de paupérisation et de disparition mais qui a longtemps fait partie de notre panier linguistique.
Nous oscillons donc entre deux langues officieuses et une langue officielle et parmi les langues officieuses figure notre langue maternelle et vernaculaire.
Et à mon humble avis, l’épicentre de notre instabilité identitaire commence exactement à ce niveau.
L’article 1 qui fait tellement parler de lui fut une magnifique acrobatie bourguibienne en son temps mais notre langue est le Tunisien devrait stipuler cet article. Logiquement.
Oui, il faudra à ce moment revoir les fondements de notre Tunisianité, l’enseignement, les manuels etc…
Et alors ?
L’hébreu de langue morte est devenu une langue véhiculaire de progrès après des mois de travail et de reconstruction afin de l’adapter à notre environnement ( je sais que cet exemple irrite mais attachons-nous à analyser les succès des autres).
Pour conclure ce court article, il me parait impératif de créer une commission nationale pour la réhabilitation de la langue Tunisienne car notre renaissance passe par là. Ce n’est pas le moment, hurleront les détracteurs habituels. Quand il s’agit de prendre son destin en mains, le moment est toujours opportun.
Ce travail sera une digue naturelle contre enturbannés et barbus réfractaires à la vie sur terre, purs produits frelatés de l’importation.
Il nous redonnera une voie à explorer ensemble, un idéal à atteindre ensemble celui d’une nation qui aura réinventé sa future histoire pour la gloire de ses descendants.
Cette première pierre à l’édifice de la reconstruction de l’identité Tunisienne nécessaire mais non suffisante sera l’amorce d’une réconciliation nationale inévitable.
Nous aurons reconstruit la Tunisie en puisant dans son patrimoine, en puisant dans nos cœurs.
Dr Walid Alouini
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J'ai toujours pensé la meme chose que vous . Mais osons aller un peu plus loin . Un des autres monsonges que la Tunisie vit est que les tunisiens sont des arabes . C'est ni plus ni moins que l'arnaque du siecle . Nous sommes carthaginois , berberes , latins , vandales , arabes , maurisques et mediterannéens . Nous sommes pas l'un ou l'autre mais tout cela à la fois . C'est ce qui fait l'originalité de notre pays .
En lisant bien votre message, une question m'a fortement semblé logique. Votre article traite de la langue qui définit une nation. Et pour étayer cette définition, vous avancez l'avid d'Herder. Jusque là, tout va bien. Toutefois, vous excluez la notion qu'une religion fasse une nation sur une simple constatation de votre par et en supposant que la réponse à votre question posée semble évidente. Je vous rappelle monsieur que d'après le coran, la religion peut très bien définir une nation. Je ne veux pas dire par là que nous devons nous retourner vers l'islam pour nous reconstituer une véritable nation. Mais, à mon avis, il faut très bien réfléchir à la question que vous avez posée : qu'est-ce qui définit une nation? Et si bien la réponse sera la langue, comment définissons le terme LANGUE. Parce que la vrais question est là. Mais je vous pose une autre question moi aussi : peut-on classer l'islam au même rang que les autres religions ?
Félicitations pour cette article. Sincèrement, je ne sens tunisien, méditerranéen, africain, bcp plus qu'arabe. Je parle une langue qui comporte bcp de mots arabes mais je ne suis par arabe!! Les jeunes qui émigrent illégalement vont-ils en Arabie? Les réfugiés politiques vont-il en Arabie?
Je suis professeur d'arabe. J''enseigne à Mayotte ce qu'on appelle l'arabe standard = moderne = littéral.... Je suis d'accord avec vous à certains égards. Ce qui fait de nous des tunisiens est bien la langue tunisienne, mais également notre maitrise de l'arabe moderne et du français. Nous sommes arabophones. Nous ne sommes pas arabes. je l'ai vécu à Jérusalem pour en témoigner. Désolée de le dire, mais j'étais mieux accuiellis par les tunisiens juifs que par les Palestiniens arabes et musulmans. La religion est un fait un élément secondaire de l'identité. L'islam tunisien est différend des autres islams. Nous partageons avec les autres musulmans une communauté spirituelle non nationale. Un iranien, un turc sont des musulmans, mais ils n'aiment pas être pris pour des Arabes. La langue orale est un élément de l'identité affective et la langue soutenue ( fusha) est un autre élèment de notre identité, notre identité écrite . Nous sommes tunisiens, donc méditerranéens arabophones.
ce débat sur l'identité me semble anachronique au 21e siècle. Au moment où la technologie abrège le temps et les distances, le fort d'une nation n'est pas de fixer les frontières de son identité mais de mettre en valeur sa diversité, sa flexibilté, sa capacité d'intégration des différences qui l'enrichissent et d'ouverture aux différentes cultures du monde. Et c'est cette force de la Tunisie qu'il faudra renforcer.
Bravo, pour cet article qui pose une bonne question identitére et vraiment, je suis déçue de voir le débat aprés la révolution dévie sur le probléme essentiel des tunisiens qui est le chomage la orécarité des vies de nos jeunes pour se concentrer sur la question identitaire!!! là on remet en question aussi les acquis de notre société (car je refuse de parler des acquis de la femme)...
Je crois que vos idées sont le produit de 75 ans de colonisation et de 50 ans de dictature soutenu par les puissances coloniales. Dommage Monsieur Walid Alouini.
Commentaire a Tounsi : sans oublier et pas des moindres les Phéniciens.
Votre article est un vrai baume pour le coeur, excellente analyse et beaucoup d'humanité. Un tracé simple, d'un chemin de lumière, loin de tout obscurantisme et dangereuse régression qui fragilisent le peuple tunisien, déjà bien éprouvé et malmené par la dictature.
Prétendre que la religion ne participe pas à la formation d'une identité nationale est pour le moins léger. En fait, les deux plus grands constituants de l'identité nationale sont la religion et la langue. La Tunisie est arabo-musulmane depuis quatorze siècles, au point que ces deux constituants de notre identité sont inséparables, deux faces d'une même médaille. Votre désir de fonder une nouvelle identité est vain: d'abord parce qu'un article n'a jamais fondé une identité nationale, ensuite parce que ''la langue tunisienne'' comme vous dites est une vue de l'esprit, à moins d'admettre qu'il existe une ''langue marseillaise'' en France, ''une lanugfue texane'' eux USA et je ne sais combien de langues en Angleterre. Et puis quand bien même on admettrait votre raisonnement, devrait on adopter la ''langue tunisoise'', ou celle de Sfax, ou de Jendouba ou de Tataouine?...Je pense sincèrement que ce désir '' de sortir de notre Kechra'' est en train de pousser certains à des extrêmes! Certains se prétendent cousins de Hannibal, d'autres héritiers de Saint Louis, d'autres descendants de la Kahina ou des Gaulois...et dans le même temps disent que Oqba n'a été qu'un colon!.... C'est de la Schizophrénie
Réhabiliter le dialecte tunisien, soit, mais on doit commencer par le parler correctement. Or, tel qu'on l'entend à la radio (Mosaïque en particulier), il ne ressemble plus à rien, sinon à une espèce de "tchatchouka" tuniso-franco-anglaise difficilement audible. Quant à en faire une langue nationale, cela me semble utopique, d'autant que le dialectal n'est pas une langue écrite, sauf exception pour Abdellaziz Laroui .
Excellente réflexion, je suis tout à fait d’accord. Toutefois, aux yeux de « certains », la religion est le ciment d’une nation islamique qui transcende les états : la « Umma ». Concernant la langue tunisienne, comment l’écrira-t-on ? Avec les caractères arabes ou avec ceux des textos en caractères latins et nouvelles lettres comme le 7, le 5 ou le 9 pour exprimer les consonnes gutturales ? Je vous cite l’exemple de Malte qui n’est pas un pays arabe mais dont la langue est le maltais qui est toutefois à 90% issu de l’arabe et s’écrit en caractères latins. En fait, comme l’insinue M. Tounsi, nous connaissons un véritable problème identitaire que les mêmes « certains » cités ci-dessus s’évertuent à vouloir résoudre par référence unique et exclusive à l’identité arabo-musulmane.
Cher Dr Walid Alouini, j'ai été fort séduit par votre analyse, qui brille surtout par son originalité, même si elle tient plus du chauvinisme que du simple souci identitaire. Cela dit ça n'enlève rien à la consistance de l'analyse, cependant il reste comme qui dit un petit problème qui me chiffonne: une grande partie du sud est de la Tunisie a un dialecte qui tient plus du dialecte libyen que du Tunisien. Une grande partie du sud ouest de la Tunisie, et même du centre et nord ouest, a un dialecte plus proche du dialecte algérien que du dialecte Tunisien, et quand je dis Tunisien, c'est votre Tunisie monsieur pas la mienne, car la mienne elle est uni, et ne se souci pas des dialectes que vous appelez à tort langue. Et donc quel sera la solution cher Dr visionnaire, faut-il annexer l'ouest et le sud est de la Tunisie respectivement à l'Algérie et à la Libye, parce qu'il ne disent pas chnoua ou taoua ? Arrêtez un peu Dr car si ça continue et que par malheur, votre idée prenne de l'ampleur, on verra la Suisse scindée en trois nations, ainsi que bien d’autre pays stables et enviables.
Minable votre façon de discréditer des éventuels contradicteurs (enturbannés, barbus) ça ne me donne pas envie de discuter sur le fond...
Ma mère est turque, mon père est berbère, ainsi que mon grand père qui parlait du restes, tamazigh et pas un mot en arabe; il récitait le corant sans le comprendre. Je suis marié à une française et j'ai fait avec elle 3 enfants qui parlent leur langue maternelle et le dialecte tunisiens tout comme moi qui parle dialecte et français. Qui suis je et que sont mes renfants sur le plan identitaire ?...Tunisiens bien sur! et basta. Maintenant à choisir une langue de travail, ma préférence va vers celle qui est la plus branchée dans la science et la technologie et surtout pas dans la religion car je suis déiste mais laïque. Le français pour certains c'est la langue du colonialisme. Pour moi c'est elle qui nous a ouvert l'esprit. Gardons la comme butin de guerre et ne soyons pas ingrats! Ceci dit j'ai beaucoup apprécié l'article de walid et espère que le débat sera désormais ouvert. Merci la révolution "dégage".
Bravo et mille mercis cher Dr Walid Alouini pour cette clarification si nécessaire en cette période de grande perdition identitaire. Grâce à la cohérence et la solidité de votre argumentation, et à la pertinence des références scientifiques qui la sous-tendent, j’ai fini par me convaincre, une bonne fois pour toutes, que le mythe fondateur de l’identité de ce grand et magnifique peuple tunisien ne peut être q’ Oummi Sissi. L’étendue et la profondeur de votre savoir en la matière, vous permettront un jour, que je souhaiterai proche, d’apporter votre précieux appui aux thèses de certains de vos éminents confrères qui soutiennent que notre ancêtre et saint protecteur de Tunis est bel et bien Jéha et non Sidi Mehrez, comme le prétendent quelques ignares fanatiques.
Je remercie M. Monem Lachkam. Toutefois, je me demande si le Docteur a connu des pays, des langues, autres que la "Nation" tunsienne dont il parle! Plusieurs docteurs diplômés d'universités anglophones et francophones ont soutenu des thèses ayant porté sur le "parler" de telle région... Mais, ils se trouvent qu'ils sont a-lingues!! La langue n'appartient à personnes, ni aux Docteurs ni aux "barbus". C'est pas élégant, de traiter la langue, les gens qui la parlent en ces termes, Docteur!
Cher Monsieur votre article me fait rappeller le vieux dicton suedois : L absurdite fait partie de la liberte d expression
bien vu amor, c'est vraiment du Oummi Sissi...