Tunisie-Allemagne: 68 Ans d’Amitié, Un Héritage à Renforcer pour un Avenir Commun
Par Brahim Jeguirim - En 2024, la Tunisie et l’Allemagne célèbrent 68 ans d’une amitié solide, bâtie sur des valeurs de respect, de solidarité et de coopération. Depuis l’indépendance tunisienne en 1956, reconnue très tôt par l’Allemagne, ces relations se sont intensifiées à travers des échanges diplomatiques et des partenariats stratégiques, tissant ainsi un lien unique entre les deux nations. Aujourd’hui, face aux défis mondiaux, cette amitié constitue une base précieuse pour relever les enjeux contemporains et bâtir ensemble un avenir prospère.
Un moment marquant de cette relation s’est déroulé en décembre 1969, lorsque Willy Brandt, fraîchement élu en octobre comme Chancelier de la République Fédérale d’Allemagne, a effectué un voyage historique de 15 jours en Tunisie. Il a choisi de commencer son séjour à Djerba, une île qu’il connaissait bien pour y avoir déjà séjourné, et a résidé à l’hôtel Ulysse Palace. Brandt y passa les fêtes de fin d’année, mais ce séjour ne se limita pas à un simple repos. Accompagné de ses ministres, il a tenu plusieurs conseils de ministres dans ce cadre splendide méditerranéen, transformant ainsi son séjour en un événement politique et diplomatique de premier plan. Après cette étape à Djerba, il s’est rendu à Tunis pour rencontrer le président Habib Bourguiba, consolidant ainsi les bases d’une coopération stratégique entre les deux nations. Ce voyage illustre l’importance qu’accordait Brandt à la Tunisie, une relation qu’il n’a cessé de cultiver au fil de sa carrière. Il est, en effet, le seul dirigeant allemand à avoir visité la Tunisie à cinq reprises, un record dans l’histoire des relations bilatérales.
Cette amitié a également été portée par des figures influentes comme Hans-Jürgen Wischnewski, ministre d’État et proche conseiller de Brandt. Surnommé «Ben Wisch» pour ses liens étroits avec le monde arabe, il considérait la Tunisie comme sa «seconde patrie». J’ai eu l’honneur de l’accompagner lors de plusieurs visites officielles, et il me confia souvent combien cette relation lui tenait à cœur. Dès sa jeunesse, en tant qu’étudiant, il s’était engagé en faveur de l’indépendance des pays du Maghreb – la Tunisie, l’Algérie, et le Maroc – représentant une jeunesse allemande ouverte aux aspirations des peuples en quête de liberté. Son engagement, à l’époque, lui valut même des menaces de la part des services secrets français, preuve de son soutien indéfectible. Pendant plus de vingt ans, Wischnewski a œuvré à renforcer les liens traditionnels entre la Tunisie et l’Allemagne, dans un esprit d’amitié et de respect mutuel.
Ce partenariat exceptionnel s’est aussi illustré par des visites de haut niveau. En avril 1968, le président allemand Heinrich Lübke se rendit officiellement en Tunisie, réaffirmant le soutien de l’Allemagne au développement du pays. En novembre 1978, alors que le président Habib Bourguiba recevait des soins à Bonn, il fut honoré par les visites successives du président Walter Scheel et du Chancelier Helmut Schmidt. Ces gestes de solidarité symbolisaient l’amitié profonde entre les deux pays.
Plus récemment, le président Frank-Walter Steinmeier, alors ministre des Affaires étrangères, se rendit en Tunisie en avril 2014 et en janvier 2015, confirmant une fois de plus la solidité de cette relation. En mars 2017, la Chancelière Angela Merkel visita également Tunis pour explorer de nouveaux axes de coopération face aux défis d’un monde en constante évolution.
Depuis les années 1960, l’Allemagne et la Tunisie ont noué une coopération stratégique dans le domaine du développement, cherchant à favoriser l’épanouissement et l’amélioration durable des conditions de vie en Tunisie. Cette collaboration s’est concentrée sur des projets de formation professionnelle, la création d’emplois, ainsi que le soutien aux secteurs d’avenir comme les technologies et les services de base, particulièrement dans les régions les plus vulnérables. Un accent particulier est mis sur l’insertion des jeunes et des femmes dans le marché du travail. En soutenant les PME, la coopération allemande contribue à renforcer leur compétitivité et à stimuler l’innovation, jetant ainsi les bases d’un développement économique durable pour la Tunisie.
Aujourd’hui, cette amitié se manifeste également dans des domaines clés comme l’éducation, les sciences et l’économie. L’Allemagne est devenue une destination prisée pour les étudiants tunisiens, qui y poursuivent des études dans des secteurs de pointe tels que l’intelligence artificielle, les énergies renouvelables et l’ingénierie. Ces jeunes bâtissent un pont humain entre nos deux pays, incarnant une ambition partagée pour un avenir commun. Par ailleurs, les échanges universitaires intensifiés ces dernières décennies permettent aux générations de s’imprégner des valeurs allemandes de rigueur, d’innovation et de progrès.
À l’occasion de cet anniversaire, il est essentiel de célébrer non seulement 68 ans d’histoire, mais aussi de se tourner résolument vers l’avenir. Les générations passées ont forgé cette alliance avec détermination et vision. Aujourd’hui, nous avons l’opportunité de poursuivre ce chemin et de faire honneur à ce que nos nations ont déjà accompli ensemble. En cultivant cet héritage d’amitié et en y apportant un regard renouvelé, la Tunisie et l’Allemagne peuvent écrire de nouveaux chapitres, portés par une volonté commune de prospérité partagée et de paix durable.
Brahim Jeguirim
Ex-secrétaire général de l’association d’amitié tuniso-allemande
Germaniste
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