Hana Ben Abda: Chawki Gaddes, une sagesse rare et une intelligence du cœur

Il y a des êtres qui traversent nos vies comme des météores bienfaisants, laissant dans leur sillage une traînée de lumière qui éclaire à jamais notre chemin. Chawki était de ceux-là. Un aîné exigeant, un ami fidèle, un frère d'âme.
En 2005, cet examen qu'il me fit passer par deux fois successives, comme pour être certain de son pressentiment, je le comprends aujourd'hui comme le moment fondateur de notre amitié. Puis, en 2011, j'ai rejoint l'Association tunisienne de droit constitutionnel : lui, secrétaire général, moi, simple membre. Je me suis vue progresser dans son bureau exécutif, portée par son encouragement constant. Des années d'un compagnonnage qui a dépassé le cadre professionnel pour devenir une fraternité authentique.
Démocrate engagé et féministe convaincu, Chawki Gaddes était un homme qui respectait les femmes, ne manquant aucune occasion de le réaffirmer dans sa vie quotidienne comme dans les grands moments de la transition qu'il espérait voir aboutir.
Président de l'Instance de protection des données, Chawki a jusqu'au bout défié l'ingratitude par le dévouement. Patriote dans toutes ses positions, il a défendu avec acharnement la souveraineté numérique de la Tunisie et l'espace des droits des Tunisiens. Il ne s'agissait pas pour lui de simples fonctions administratives, mais d'une mission sacrée au service de ses concitoyens. Il défendait nos droits à la vie privée, à l'intimité et à la dignité avec cette fervente passion qui le caractérisait.
Nous sommes nombreux à lui devoir des choses dont il ne se souvenait même pas, car il était naturellement généreux. Chawki était un homme qui donnait sans compter, qui soutenait sans fanfare, qui élevait les autres sans jamais rien attendre en retour.
Je n'ai aucun mauvais souvenir avec Chawki. Pas un seul. Cette constance dans la bonté, et cette régularité dans la bienveillance témoignent d'une âme d'exception. Il avait une sagesse rare et une intelligence du cœur lui permettant de toujours voir le meilleur des femmes et des hommes qu'il rencontrait.
Le plus cher cadeau qu'il m'ait fait était sa confiance. Cette confiance accordée tout au long de ces années, culminant avec ce douloureux et immense privilège : celui de l'accompagner dans ses derniers mois.
Six mois ont révélé un Chawki multiplié en grandeur. Face à la maladie, il n'a montré que courage, foi et optimisme. Son stoïcisme, sa sérénité, sa bonté inaltérable nous ont tous impressionnés.
Chawki m'appelait sa sœur. Ce titre, je le chérirai toujours, car être la sœur de Chawki, c'est appartenir à cette famille d'âmes qu'il a créée autour de lui, une famille faite de tous ceux qu'il a soutenus, encouragés et aimés sincèrement.
Son héritage vit en chacun de nous. Il perdure dans chaque étudiant qu'il a formé, dans chaque collègue qu'il a inspiré, dans chaque ami qu'il a accompagné. Il vit dans la faculté des Sciences juridiques, politiques et sociales de Tunis, et dans l'Association tunisienne de droit constitutionnel qu'il a servies avec tant de dévouement. Il vit dans chacune des décisions ou positions qu'il a prises au sein de l’instance pour protéger la vie privée de ses concitoyens. Un héritage que nous sommes déterminés à préserver.
Chawki, mon ami, mon frère, mon mentor, a été cette main tendue dans les épreuves. Aujourd'hui, l'épreuve est son absence. Il nous laisse “sans lui”, mais aussi riches de tout ce qu'il nous a donné.
Hana Ben Abda
Enseignante universitaire en droit public
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