La nouvelle guerre d’Israël contre Gaza: Le risque d’un embrasement majeur du Moyen-Orient
Par Mohamed Ibrahim Hsairi - Unanimes sont les observateurs et les analystes qui disent que, désormais, il y a un avant et un après-opération "Déluge d'Al Aqsa", spectaculairement menée le 7 octobre 2023 par le Hamas contre l’occupant israélien. Unanimes également ceux qui considèrent qu’il est difficile de prédire les développements à venir à la suite de la guerre totale et sans merci qu’Israël continue à mener contre Gaza. Mais ce qui est évident, c’est que les cartes au Moyen-Orient sont en train d’être rebattues.
De mon point de vue, si l’on prend en considération les déclarations des dirigeants israéliens sur les objectifs de leur cruelle offensive (l’éradication du Hamas en réduisant "en cendres tous les endroits où il est basé", le transfert des habitants de Gaza au Sinaï et la prise en charge de sa sécurité pour une "période indéterminée"…), il est à craindre que le Moyen-Orient tombe dans un long cycle d’instabilité et de turbulences. En effet, la guerre contre Gaza risque de s’étendre à d’autres fronts, et le Moyen-Orient pourrait devenir le théâtre périlleux non seulement du conflit entre Israël et les Palestiniens, mais également de l’affrontement entre Israël et l’axe de la résistance arabe et islamique et, au-delà, de la rivalité entre les Etats-Unis et l’Occident d’un côté et la Chine, la Russie et le Sud global de l’autre.
De fortes menaces
La tension sur le front libanais ne cesse de monter. L'escalade militaire entre Israël et le Hezbollah menace, à tout moment, de dégénérer, d’autant plus qu’Israël n’arrête pas, depuis quelques mois, avant même le "Déluge d'Al Aqsa", de menacer de "ramener le Liban à l'âge de pierre".
A ce propos, il faut noter que Yoav Gallant, le ministre israélien de la Guerre, vient de prévenir que "ce que nous faisons à Gaza, nous pouvons aussi le faire à Beyrouth si le Hezbollah franchit une ligne rouge".
Quant à Benyamin Netanyahou, Premier ministre, pour qui "la guerre à Gaza est une question de vie ou de mort", il a affirmé que Hassan Nasrallah "commettrait l'erreur de sa vie s'il provoquait une guerre", et il l’a menacé d’une destruction inimaginable pour le Hezbollah et pour le Liban, au cas où il déciderait d’aller vers la confrontation.
Pour sa part, Eli Cohen, ministre israélien des Affaires étrangères, a affirmé qu’Israël "sait comment clôturer ses comptes au bon moment, et résoudre ce qu'il faut résoudre au moment opportun…".
Plus grave, Nir Barkat, ministre israélien de l’Economie, a menacé qu’Israël ne se contentera pas de "couper la tête du serpent" si le Hezbollah entre en guerre, mais qu’il ciblera l’Iran même. Et d’ajouter: "Israël a un message très clair à ses ennemis. Regardez ce qui se passe à Gaza, vous recevrez le même traitement si vous nous attaquez, nous vous effacerons de la surface de la Terre".
Il va sans dire que ces déclarations, combinées à la multiplication des agissements belliqueux et des agressions de l’armée israélienne contre le Liban et la Syrie, font planer sur le Moyen-Orient le spectre d’une conflagration par la provocation d’une nouvelle guerre régionale.
Un engagement total des Etats-Unis
D’aucuns estiment que les Etats-Unis et leur président Joe Biden qui a qualifié les attaques du Hamas de "mal à l'état pur", et qui a soutenu, corps et âme, Israël et sa cruelle guerre sur Gaza en disant que le soutien des États-Unis à Israël est "gravé dans le marbre et inébranlable", verraient d’un bon œil la guerre s’étendre, au moment venu, au Liban, voire à l’Iran…
Fort du soutien américain qui va de l’aide budgétaire à la livraison de matériel et au déploiement d'armements dans la région, ainsi que de la reconnaissance par Washington de son droit de répondre, voire de son devoir de riposter à l’attaque du Hamas, Israël pourrait être tenté, une fois qu’il aurait fini la destruction de Gaza et le massacre de ses habitants, de provoquer un embrasement de la région qui servirait et ses propres intérêts et les intérêts des Etats-Unis, car il interviendrait à un moment où le monde est en train de se redessiner et où l’ordre unilatéral qui lui a été longtemps imposé par Washington est en train d’être défait.
La Chine à l’action
Dans ce contexte, il faut tout d’abord noter que les Etats-Unis estiment que la Chine n’a pas voix au chapitre dans les affaires du Moyen-Orient qui doit, coûte que coûte, rester leur chasse gardée.
Or Pékin a commencé, ces derniers temps, à consolider et diversifier ses relations avec les pays de la région et à "se mêler" de plus en plus de ses affaires. C’est ainsi que le président chinois a coprésidé lors de sa visite en Arabie Saoudite, en décembre 2022, deux sommets, le premier avec les pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG) et le second avec l’ensemble des pays arabes.
En outre, Pékin a réussi, en mars 2023, à réaliser la réconciliation entre l’Arabie saoudite et l’Iran et dit régulièrement vouloir apporter sa contribution au processus de paix israélo-palestinien, qui est au point mort depuis plusieurs années.
Mécontents de ces développements, les Américains semblent avoir besoin de rappeler à la Chine que le rapport de force est encore en faveur des Etats-Unis et de leurs alliés.
L’Iran en point de mire
Pour ce faire, et voyant la main de Téhéran derrière le "Déluge d'Al Aqsa" qui a causé le déraillement du train de la normalisation, et qui a fait voler en éclats l'idée que le processus de normalisation israélo-arabe allait pacifier la région, il n’est pas exclu qu’ils cherchent à frapper l’Iran ou du moins quelques cibles iraniennes. D’ailleurs, le déploiement de deux porte-avions en Méditerranée orientale visait à montrer leur capacité de dissuasion, non pas face au Hamas ou au Hezbollah, mais surtout face à l'Iran.
A cet égard, un parallèle doit être fait avec la guerre provoquée en Ukraine qui a permis aux Etats-Unis de faire de ce pays, depuis le 24 février 2022, le théâtre périlleux de leur rivalité avec la Russie. A la faveur de cette guerre, ils ont pu, entre autres, redonner vie et même d’élargir l’Otan qui était, selon l’expression du président français Emmanuel Macron, en état de "mort cérébrale", de ressouder le rang des pays occidentaux face aux pays émergents, de mettre fin à la tendance de l’Europe à se démarquer de la politique américaine et surtout d’entraver le retour en force de la Russie sur la scène internationale…
Une guerre provoquée au Moyen-Orient pourrait être une réponse bienvenue à la situation, car elle serait susceptible de contrecarrer les aspirations et de perturber la mise en œuvre des projets de la Chine dans cette région si vitale pour la pérennité de son essor économique.
Il faut rappeler à ce propos que le projet de corridor économique reliant l’Inde, le Moyen-Orient et l’Europe est conçu comme une riposte à l’initiative chinoise de la route de la soie. Annoncé en grande pompe quelques jours avant le 7 octobre, ce projet n’a de sens que si Israël est intégré à un Moyen- Orient pacifié et en pleinne croissance économique.
Il sera donc nécessaire d’anéantir, autant que possible, toutes les composantes de l’axe de la résistance et à leur tête l’Iran qui, faut-il le souligner, constitue une pièce maîtresse de la Route de la soie.
Washington et Pékin
Et, consciente des desseins hostiles des États-Unis à son égard, il n’est pas fortuit que la Chine ne cesse d’appeler son rival américain à considérer les relations sino-américaines avec plus d'objectivité et à gérer les différends existant entre les deux pays d’une façon plus rationnelle, car, comme l’a affirmé le président chinois récemment, "les relations entre la Chine et les États-Unis sont les plus importantes au monde", et "la façon dont la Chine et les États-Unis s'entendent face à un monde en plein bouleversement sera déterminante pour l'avenir et le destin de l'humanité".
Mohamed Ibrahim Hsairi
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