News - 17.10.2023

Mohamed Larbi Bouguerra: Jérusalem, ville sainte universelle et centre de gravité de la Palestine

Mohamed Larbi Bouguerra: Jérusalem, ville sainte universelle et centre de gravité de la Palestine

«J’estime Jérusalem pour son passé historique, mais je ne crois pas à son avenir pour notre nation».

Albert Antébi,
Directeur de l’Alliance israélite universelle à Jérusalem (1900)

Jérusalem dans l’histoire… et ses avatars

A l’âge de Bronze, les humains s’installent sur le site de l’actuelle al-Quds/Jérusalem, à 800 mètres d’altitude, car il y a là la source de Gihôn, une bénédiction dans cette Judée aux pluies erratiques. La Mecque doit aussi son existence à l’eau du puits de Zemzem.

A Jérusalem, les fouilles archéologiques sont corrompues par les visées politiques d’Israël qui s’appuie sur la Bible pour poser les fondations et la légitimité de l’Etat sioniste. Or, les faits rapportés par la Bible ne sont pas toujours confirmés par les spécialistes. De plus, si les textes écrits sont très abondants —certains sont apocryphes— les indices archéologiques le sont bien moins.

Jérusalem - ou Urshalim (la ville de Shalim, une divinité cananéenne) ou Iliya en latin (la Maison Sainte) — est apparue dans l’histoire vers 2000 ans avant J.-C. Le géographe Mohamed al Maqdissi, né à Jérusalem en 945, désignait sa ville natale soit par al-Quds soit par Bayt al-Maqdis. Un texte égyptien mentionne Jérusalem dès le XIXe siècle avant J.-C. Selon la Bible, les règnes de David et de Salomon auraient eu lieu au Xe siècle avant J.-C.  Les patriarches hébreux en feront une ville-temple détruite par Nabuchodonosor en 587 avant J.-C. puis par les Romains en 70 et en 135 après J.-C. Preuve déjà du statut particulier de la cité, les Romains inscriront cette conquête sur un Arc de Triomphe : «Judea capta est».  Ponce Pilate —préfet de Judée de 26 à 36 ap. J.-C. — crucifiera Jésus de Nazareth à Jérusalem et l’empereur Caligula mettra sa propre statue au sein du Temple. La cité sera byzantine de 325 à 638 et on en expulsera les juifs.  Entre 635 et  638,  après un long siège, Jérusalem est aux mains du calife Omar. Bien que le siège du pouvoir soit à Damas, Mouawiya en 661 et Abd al-Malek en 685 se feront proclamer califes à Jérusalem alors qu’al-Mahdi et son fils al-Mansour y feront des séjours.  Le grand philosophe mystique al Ghazali viendra s’y ressourcer vers 1090. Un peu comme Donald Trump aujourd’hui, à l’improviste, le calife fatimide al Hakim (996-1021) ordonne la destruction du Saint Sépulcre, destruction qui a un énorme retentissement dans toute la chrétienté.  Les Croisés  font de Jérusalem  leur capitale de 1099 à 1187 puis de 1229 à 1244. Le 15 juillet 1099, ils y organisent un affreux massacre des populations civiles de toute confession. Le  roi Baudoin Ier  installe sa résidence  dans la mosquée al-Aqsa et une abbaye au Dôme du Rocher. Une grande église est édifiée par l’ordre  des Templiers dans la cour ouest de la mosquée al Aqsa.  En 1187, Saladin met définitivement fin au royaume franc de Jérusalem et reprend la ville aux Croisés. Il décapite lui-même leur chef Renaud de Châtillon. Jérusalem se couvre de médersas et le rabbin Moïse Ben Nachman construit une synagogue sur le mont de Sion en 1267. Vincent Lemire écrit: «A Jérusalem —jusqu’au retournement historique du début du XXe siècle — c’est bien l’Islam qui a permis le maintien d’une présence juive, alors que les séquences chrétiennes de l’histoire de la ville sont le plus souvent synonymes d’expulsion et d’exclusion.» La ville passe aux mains des Mamelouks d’Egypte en 1261. Le 19 décembre 1516, le sultan ottoman Sélim vient prendre solennellement possession des clés d’Al-Quds al Charif. En 1707, la ville se révolte contre le gouverneur ottoman; son naquib, le chérif Mohamed al-Husseini, chef de l’insurrection, est exécuté à Istanbul.  La ville échoit ensuite au khédive d’Egypte Mohamed Ali en 1831, mais ne tarde pas à revenir dans le giron ottoman neuf ans plus tard. En 1876, la première Constitution ottomane permet l’élection du premier député de Jérusalem, le maire Youssef Ziya al-Khalidi. En 1899, ce dernier écrira une lettre à Théodore Herzl, père du sionisme,  pour lui demander de «laisser tranquille la Palestine.» Et, en citadin de Jérusalem, il lui écrit en français: «Nous nous considérons, nous Arabes et Turcs, comme gardiens des lieux également sacrés pour les trois religions, le judaïsme, la chrétienté et l’Islam. Eh bien, comment les meneurs du sionisme peuvent-ils s’imaginer qu’ils parviendraient à arracher ces lieux sacrés aux deux autres religions qui sont l’énorme majorité?».

En 1916, les accords secrets impérialistes et colonialistes Sykes-Picot et l’ignominieuse déclaration Balfour en 1917 scellent le sort de la Palestine.  Le 9 décembre 1917, le général anglais Allenby s’installe à Jérusalem et en 1923, le Royaume-Uni reçoit de la Société des Nations mandat pour gouverner la Palestine. Les arrivées d’immigrants juifs d’Europe Centrale se succèdent et si l’Université islamique est fondée en 1915, l’université hébraïque l’est en 1918 avec l’aide décisive d’Albert Einstein qui y donnera des conférences en 1923. En 1933, les manifestations contre les Anglais font 11 morts à Jérusalem qui vivra - ainsi que le reste de la Palestine - de  1936 à 1939 la grande révolte arabe, une insurrection quasi permanente contre les Britanniques, pour l’indépendance de la Palestine et pour l’arrêt de l’immigration juive. Le soulèvement est conduit par le Grand Mufti de Jérusalem Mohamed Amine al-Husseini ainsi que par Rajib Nachabichi, Hassan Salamah…Les Anglais exercent une  répression anti-arabe féroce. Ils exécutent de manière ciblée les dirigeants palestiniens mais finissent par limiter l’arrivée des juifs ainsi que la vente des terres palestiniennes à ces derniers.  La Commission Peel, nommée pour trouver une solution, propose un partage de la Palestine qui est rejeté par les Palestiniens. Le Haut Comité arabe demande aux Palestiniens d’abandonner le tarbouch turc et d’adopter le keffieh afin de valoriser l’apport de la paysannerie et forger l’identité nationale. De son côté, l’Irgoun commet en 1946 l’attentat de l’hôtel King David qui fait une centaine de victimes.

De la fondation d’Israël à la guerre des Six-Jours

Le 29 novembre 1947, le plan de partage est avalisé par l’ONU (Résolution 181) qui déclare Jérusalem «corpus separatum» et son internationalisation pour tenir compte de la dimension religieuse spécifique de la ville. Refus arabe car le partage est absolument inique. La proclamation unilatérale de l’Etat sioniste et la guerre de 1948 ont mis fin au statut dérogatoire de la ville.

Dans son discours du 14 mai 1948 à Tel-Aviv, David Ben Gourion (alias David Grin) déclare que le nouvel Etat d’Israël «développera le pays au bénéfice de tous ses habitants, il sera fondé sur les principes de liberté, de justice et de paix enseignés par les prophètes d’Israël; il assurera une complète égalité de droits sociaux et politiques à tous ses citoyens, sans distinction de croyance, de race ou de sexe; il garantira la pleine liberté de conscience, de culte, d’éducation et de culture; il assurera la sauvegarde et l’inviolabilité des Lieux Saints et des sanctuaires de toutes les religions et respectera les principes de la Charte des Nations unies.» A la lumière des traitements infligés par Israël aussi bien à ses propres citoyens arabes qu’aux Palestiniens sous la botte des militaires dans les territoires occupés, on appréciera le crédit qu’il faut accorder aux paroles de Ben Gourion. En réalité, aujourd’hui, «l’Etat juif envisagé par les leaders de la droite israélienne est un régime théocratique, fasciste et raciste, enveloppé dans un langage expurgé.» écrit Haaretz (16 novembre 2015).  Du reste, Israël n’a pas de constitution parce qu’il est impossible de s’entendre sur une définition du juif et parce qu’il ne veut pas fixer sa frontière : pour Herzl, Israël va «de l’Euphrate au Nil» (Lire «Mémoires» de Théodore Herzl, Tome 2, p.711). 

Avant son assassinat  par les terroristes juifs le 17 septembre 1948, le comte Bernadotte, dans son rapport à l’ONU, écrit que la question la plus tragique est celle des réfugiés et de leur retour. Il fait des propositions concrètes: attribution du Néguev aux Arabes ainsi que Jérusalem qui aurait une administration internationale pour les Lieux Saints. (Ania Francos, Les Palestiniens, Julliard, Paris, 1968). Le 9 avril 1948, l’Irgoun de  Menahem Begin massacre 120 Palestiniens à Deir Yassine, un village proche de Jérusalem. Einstein et d’autres savants condamnent la visite à New York du criminel  Begin dans une lettre au New York Times. Le 7  juin 1967, Israël  prend Jérusalem puis le 11 juin, à l’issue de la guerre des Six-Jours, il s’empare  de la Vieille Ville de Jérusalem qu’il annexe le 27 juin 1967, annexion invalidée par l’ONU le 14 juillet suivant. Les ambassades gardent leur siège à Tel-Aviv. Le quartier des Maghrébins est rasé pour en faire une place face au Mur des Lamentations. Des centaines de familles sont invitées à partir et les militaires affrètent des bus pour les conduire à Amman. A Jérusalem, Israël a utilisé du napalm —comme les Américains au Vietnam— et a organisé la pénurie alimentaire. Ses soldats, sous le commandement en chef d’Yitzhak Rabin, ont tué enfants, femmes et vieillards, volé bijoux et argent et expulsé des milliers de Palestiniens, comme le décrit minutieusement le Cahier de Témoignage Chrétien n° 47 intitulé «Jérusalem et le sang des pauvres. 5-8 juin 1967» du Père Paul Gauthier et de Sœur Marie-Thérèse, témoins oculaires de tous ces crimes . Du reste, l’aumônier en chef de l’armée israélienne Shlomo Goren suggère de dynamiter le Haram Echarif et, en 1982, Alan Goodman, un juif américain, y commet un premier attentat. En 1969, un évangéliste australien mettra le feu à la mosquée al-Aqsa. Le 8 octobre 1990, a lieu le massacre de l’Esplanade des mosquées.  21 Palestiniens sont assassinés par la police des frontières en s’opposant à des zélotes juifs qui voulaient reconstruire le Temple qui était là il y a 2 000 ans. La résolution 267 des Nations unies (1969) condamne l’occupation israélienne de Jérusalem-Est. Israël n’en a cure et décide, en juillet 1980, de faire de Jérusalem sa  «capitale indivisible» par une loi fondamentale et, en 1998, il entérine le plan du «Grand Jérusalem» de Netanyahou. Fin 2003, l’Initiative de Genève - un plan de paix alternatif œuvre  des anciens négociateurs de Taba - prévoit le partage de la souveraineté de Jérusalem, capitale de deux Etats et, en 2009, l’Union européenne rappelle, elle aussi, ce même principe. Israël poursuit sa politique du fait accompli et commence, en 2002, la construction du Mur de l’apartheid isolant Jérusalem de ses banlieues palestiniennes alors que les colons s’installent à l’est de la cité, qui est exclusivement palestinienne.

Jérusalem, ville trois fois sainte

Ville de gemmes dans la Bible, Jérusalem est le premier lieu terrestre sacralisé. Adam y aurait accompli le premier sacrifice. La ville gagnera ainsi le titre de «site adamique». C’est là que «la pierre de la fondation du monde» est placée et c’est sur cette pierre sacrée qu’Abraham aurait présenté son fils Isaac au sacrifice. (Lire Jacqueline Chabbi, Le Seigneur des tribus. L’Islam de Mahomet, Cnrs Editions, Paris, 2010). Jérusalem, lieu sacré, intéressera le pouvoir omeyyade de Damas même si, en 624, la qibla est passée de Jérusalem à La Mecque. C’est au grand calife Abd al-Malik (685-705) que reviendra l’édification, en 691, de Qubbat as-Sakhra (le Dôme du Rocher) là où existait un modeste oratoire remontant au calife Omar (634-644). Entre 705 et 715, al-Walid, fils et successeur d’Abd al-Malik, construira la prestigieuse mosquée al Aqsa - la Lointaine - (al Haram Echarif) en relation avec al-Isra (voyage nocturne de la sourate XVII) et al-Mi’araj (Ascension céleste). C’est à Jérusalem que se trouve la plus ancienne construction religieuse musulmane «architecturée»- en dur, et non en terre et avec des troncs de palmier comme au début de l’Islam. «Ce monument magnifique, avec ses mosaïques byzantines, son plan octogonal et sa fameuse coupole surmontant le rocher sacré se trouvait d’emblée en rupture totale avec le modèle préexistant issu de l’Arabie tribale» écrit Jacqueline Chabbi qui parle de «ce monument prestigieux et d’une originalité totale». Et notre auteure de conclure: «Le calife aurait voulu affirmer sa suprématie sur les religions antérieures qui se réclamaient du site et par là même sur les pouvoirs dont leurs sectateurs contemporains auraient pu se réclamer contre le califat musulman.» Cette construction avait aussi pour but de supplanter les sites sacrés de l’Arabie qui résistaient politiquement aux Omeyyades. Ces derniers dépêchèrent al-Hajaj Ibn Youssèf pour mettre fin à cette opposition. Al Hajèj bombarda la Kaâba qui brûla et qu’il reconstruisit en 693. Ainsi, l’Islam aura reconnu Jérusalem comme «cité primordiale» avec pour pendant La Mecque, «cité prophétique». Le grand voyageur marocain Ibn Battouta (1304-1368), visitant Jérusalem, est émerveillé par al-Haram Echarif - «d’une splendeur extrême… son toit est de facture parfaite, recouvert d’or et de couleurs agréables». Quant au Dôme du Rocher, «c’est un des monuments les plus merveilleux, les plus parfaits et les plus curieux quant à la forme... On est impuissant à le décrire… Ses décorations sont recouvertes d’or si bien que le dôme chatoie et brille comme l’éclair.» (Voyageurs arabes, La Pléiade, Gallimard, Paris, 1995, p. 419). Ibn Battouta visite ensuite «les sanctuaires bénis de la noble Jérusalem» : la vallée de la Géhenne, le site d’où Jésus est monté au ciel, le tombeau de Râbi’a al-Badawiyya, l’église de la Dormition (tombeau de Marie), al-Qumâma (le Saint Sépulcre), l’endroit où se trouvait le berceau de Jésus… Aucun doute, Jérusalem est une ville sainte pour les trois monothéismes! Mais, actuellement, la ville est un territoire occupé. L’armée pourrait le quitter mais comment faire avec les colons-électeurs que défend le gouvernement d’extrême droite de Netanyahou.  

En ce XXIe siècle, «Jérusalem cesse d’être un simple joyau ornemental sur une couronne impériale supranationale (égyptienne, byzantine, perse, omeyyade, fatimide, mamelouke, ottomane, britannique…) pour devenir le cœur d’un double projet de construction nationale… Contrairement aux apparences… [son] destin est ouvert, si l’on veut bien admettre que l’histoire n’est jamais écrite, et celle de Jérusalem moins que tout autre.» (Vincent Lemire, p. 356-357).

Les Etats-Unis seuls contre tous?

Le 6 décembre 2017, le président Donald Trump a annoncé le transfert de  l’ambassade de son pays à Jérusalem sur les conseils de son gendre Jared Kushner  —juif orthodoxe. M. Trump voulait aussi plaire à ses 90 millions d’électeurs évangélistes blancs ainsi qu’aux lobbys et aux  donateurs sionistes.  Exemple: le couple Sheldon Adelson et Miriam Ochshorn— née en Palestine mandataire— a donné pas moins de 25 millions de dollars pour la campagne électorale de Trump.

Cette déclaration a soulevé une levée de boucliers mondiale contre le caprice intempestif de M. Trump.  Il est vrai que ce dernier  cherchait aussi à faire oublier ses graves déboires avec le FBI et la justice au sujet des ingérences russes dans l’élection présidentielle ainsi que les accusations de «comportements sexuels inappropriés» lancées contre lui par trois femmes. Le 18 décembre 2017, le Conseil de sécurité a décidé de rejeter, par 14 voix contre 1, celle des Etats-Unis, la décision de Trump mais la résolution égyptienne a rencontré le 43e veto américain. Il s’agit pour les Etats- Unis d’une véritable Bérézina diplomatique. Le texte affirmait : 1) que le statut de la ville ne pouvait se décider que par la négociation, 2) que toute décision ou action visant à altérer le caractère, le statut ou la composition démographique n’a pas force légale et est nulle et non avenue. Au tonitruant Jérusalem capitale «d’évidence» de M. Trump le  6 décembre 2017, la France et la Grande-Bretagne répondent  d’une même voix que Jérusalem est «la clé» pour la solution à deux Etats. L’administration américaine devrait méditer cette remarque de Vincent Lemire: «Jérusalem est devenue une capitale revendiquée par deux peuples, l’élément pivot du conflit israélo-palestinien, et c’est ainsi que la plupart des observateurs considèrent la ville aujourd’hui.»

Quelles perspectives après la bombe Trump?

Le 45e président des Etats-Unis a recouru à la grosse artillerie en ressortant le «Jerusalem Embassy Act» de 1995 que le président Bill Clinton avait refusé de ratifier à l’époque. Trump commet deux fautes: 1- Transformer un conflit politique en conflit confessionnel; 2- Donner le feu vert aux colons pour continuer sur leur lancée.  La gifle diplomatique encaissée par son pays,  le 18 décembre 2017, au Conseil de sécurité, a amené son  ambassadrice à l’ONU à qualifier d’ «insulte» le vote des alliés français et britannique. Mahmoud Abbas,  de son côté, a qualifié de «fou» quiconque proposerait, à l’avenir, le rôle de médiateur aux Américains dans le processus de paix - tardif réveil ! Démonstration des limites de la puissance américaine dans un monde où la Chine, la Russie —voire la France de Macron— font de l’ombre à l’hyperpuissance yankee. D’autant que «les conséquences pratiques et juridiques du veto américain sont nulles», affirme une source diplomatique au Monde (20 décembre 2017, p. 3). De plus, un membre de l’Otan, la Turquie, par la voix de son président, Recep Erdogan, se propose d’ouvrir «officiellement» une ambassade à Jérusalem-Est. Par ailleurs, recevant le roi Abdallah de Jordanie le 19 décembre 2017, le pape François a tenu à rappeler «le rôle de gardien des lieux saints du souverain hachémite». Le vice-président Mike Pence —lui-même un ardent «chrétien sioniste»— est contraint d’annuler  une tournée prévue au Proche-Orient face au refus de Mahmoud Abbas de le recevoir. Il est probable que même les soutiens américains dans les pays du Golfe ne pouvaient décemment pas accueillir M. Pence sans s’aliéner des populations opposées à une décision américaine unilatérale très pro-israélienne. Par son intervention «disruptive», M. Trump offre —apparemment sans contrepartie!— au gouvernement israélien le plus à droite depuis l’élection de Menahem Begin en 1977, la capitale dont il rêvait. Et quelle capitale ! Netanyahou —en délicatesse avec la police qui l’a interrogé à sept reprises—peut dire merci à son protecteur américain car il lave ainsi de l’affront du  cuisant échec qu’il a essuyé,  en juillet dernier, face à des Palestiniens unis, lors de  l’affaire des portiques métalliques à l’entrée du Haram Echarif.

M. Trump a peut-être assuré avec cette déclaration sa réélection en 2020 d’après les politologues mais il a de toute façon atteint un de ses  buts:  miner la crédibilité du Conseil de sécurité et fouler aux pieds le droit international.  

Il met ainsi en danger la paix et la sécurité dans le monde.

Gardons bien à l’esprit cependant que, sans la lutte du peuple palestinien, ce séisme diplomatique ne se serait jamais produit ainsi que l’isolement diplomatique croissant d’Israël - même si politiciens et militaires israéliens n’aiment rien tant que de vivre dans une citadelle assiégée.

Maintenant, il s’agit de savoir si les Arabes vont laisser l’Iran et le Hezbollah prendre seuls la défense du peuple palestinien et si Jérusalem catalysera enfin suffisamment l’unité de ses dirigeants. Aujourd’hui comme hier, «l’éparpillement des entités politiques arabes est la garantie de la sécurité d’Israël» (Abdallah Laroui, «Un problème de l’Occident», Les Temps Modernes, N° 253 bis, 1967, p. 306) :

Quant à nous, nous disons avec Nizar Kabani:
«Il est mort et enterré l’Ibn Khaldoun que nous connaissons.
Dans les profondeurs de notre Etre, l’Histoire
Est un point d’interrogation !!»
(Œuvres politiques complètes, tome 6, Editions Nizar Kabani, Beyrouth, 1999, p. 513).

Mohamed Larbi Bouguerra

 

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