L'apocalypse c'est de croire que l'on peut sauver le monde, sans le changer
Tradition eschatologique et terrorisme
Un phénomène troublant peut être constaté dans les pays musulmans, l’extraordinaire résurgence au cours des dernières décennies de la croyance que la fin du monde des Hommes est proche et avec elle l’avènement de la" Grande Bataille ", prophétisée par la tradition eschatologique des religions du livre, notamment celle musulmane, l’Islam. Dans l'essor de la spéculation millénariste, est à souligner la facilité avec laquelle les événements du monde ont pu être incorporés dans l'univers intellectuel des propagandistes apocalyptiques.
Les visions chrétiennes et juives du Jugement dernier ont stimulé une réaction alarmiste en terres d’Islam, la crainte répandue de la domination judéo-chrétienne comme une impulsion stigmatique au djihad. Bien que l'écrasante majorité des musulmans du monde reste sceptique sur ce point, la conviction,par une minorité agissante,de l'imminence de l'apocalypse est une affaire à prendre au sérieux, surtout pour ceux qui s'y préparent assidûment et veulent s’acheter un ticket pour le Paradis. Une organisation apocalyptique s'est développée ces dernières décennies dans le monde musulman, avec importation massive, par des prêcheurs sans formation religieuse, de thématiques évangélistes, de théories de la conspiration mystique ou de bricolage eschatologique pour embrigader les plus vulnérables.
La dimension du phénomène est à associer à une crise existentielle de l’Etat et à une défaillance de celui-ci dans le processus de transmission des normes religieuses et de la légitimité islamique.Profitant de cette brèche, Daesh, del'acronyme arabe de « l'État islamique », a connu une progression fulgurante de sa popularité, ces dernières années ;cela lui a permis de contrôler sur la frontière syro-irakienne, un territoire d'une superficie comparable à celle de la Jordanie et d’y asseoir un califat terroriste. Cette organisation assassine offre à ses adeptes un imaginaire apocalyptique, où des chevaliers héroïques se dirigent vers le‘’combat de la fin des temps’’. Il semble d’ailleurs que ce scénario agisse comme un puissant levier de recrutement etde mobilisation de tous les désespérés de la terre pour le djihad et le suicide symbolique.
Daesh est ainsi devenu l'organisation terroriste la plus crainte, la mieux équipée en effectifs humains et en matériel et la plus riche de l'histoire de l'humanité. On sous-estime trop l'impact de sa propagande apocalyptique dans l’embrigadement de ses milliers de combattants permanents, dont au moins 4 000 jihadistes de nationalité Tunisienne et autant européenne. Ceux-ci sont en effet particulièrement motivés par la conviction de mener, sous l'étendard noir de Daesh, rien moins que la bataille de la fin des temps.Son nom « État islamique », affiche ainsi la volonté de ceux à sa tête d'établir une base territoriale conforme à leur lecture de la prophétie, puis de l’étendre coûte quecoûte, sur la based’une tradition (hadith) prophétique, dont ils prétendent la réalisation comme imminente. L'interprétation apocalyptique du hadithservant de référent, s'est accentuée en s’inspirant des évangiles apocalyptiques de Marc, Luc et Jean le Baptiste, apôtres du Christ. Ainsi, la force de la propagande de Daesh est de mêler savamment des données géographiques et/ou politiques à épopées historiques et des prophéties apocalyptiques de combat duBien et le Mal, afin de convaincre ses fidèles de leur appartenance à l'avant-garde des élus divins.Cette certitude d'avoir raison, contre l'ensemble de tous les autres musulmans,permet de consolider la pratique totalitaire de Daesh, dont les principales victimes sont lesmusulmans eux-mêmes, généralement arabes et sunnites, tombés sous sa domination et séduits par son chant des sirènes.
Au chapitre six du livre de l’Apocalypse, dans le Nouveau Testament, il est fait mention de quatre créatures célestes, venues pour signifier la fin du monde des hommes.
« Le pouvoir leur fut donné sur le quart de la terre, pour faire périr les hommes par le glaive, par la famine, par la mortalité, et par les bêtes sauvages de la terre. »
« [1] Alors je vis que l’Agneau avait ouvert un des sceaux, et j’entendis l’un des quatre animaux qui disait d’une voix de tonnerre : Viens et vois.
[2] Je regardai donc, et je vis un cheval blanc, et celui qui était monté dessus avait un arc, et on lui donna une couronne, et il partit en vainqueur, pour remporter la victoire.
[3] Et lorsque l’Agneau eut ouvert le second sceau, j’entendis le second animal qui disait : Viens, et vois.
[4] Et il sortit un autre cheval qui était roux ; et celui qui le montait reçut le pouvoir de bannir la paix de la terre, et de faire que les hommes se tuassent les uns les autres ; et on lui donna une grande épée.
[5] Et quand l’Agneau eut ouvert le troisième sceau, j’entendis le troisième animal, qui disait : Viens et vois. Et je regardai, et il parut un cheval noir, et celui qui était monté dessus avait une balance à la main.
[6] Et j’entendis une voix qui venait du milieu des quatre animaux, et qui disait : La mesure de froment vaudra un denier, et les trois mesures d’orge vaudront un denier ; mais ne gâte point ni l’huile ni le vin.
[7] Et quand l’Agneau eut ouvert le quatrième sceau, j’entendis la voix du quatrième animal, qui disait : Viens, et vois.
[8] Et je regardai, et je vis paraître un cheval de couleur pâle ; et celui qui était monté dessus se nommait la Mort, et l’Enfer le suivait ; et le pouvoir leur fut donné sur la quatrième partie de la terre, pour faire mourir les hommes par l’épée, par la famine, par la mortalité, et par les bêtes sauvages de la terre. »
Nouveau Testament, Apocalypse chapitre 6, 1-8
Dans la même lignée, c’est du recueil d’Abou al-Hussein Muslim (817-875), qu’est tiré le hadith suivant, très populaire, bien au-delà des cercles djihadistes. « L’heure dernière n’arrivera pas avant que les Byzantins attaquent A’amaq ou Dabiq. Une armée musulmane regroupant des hommes parmi les meilleurs sur terre à cette époque sera dépêchée de Médine pour les contrecarrer. Une fois les deux armées face à face, les Byzantins s’écrieront : “Laissez-nous combattre nos semblables convertis à l’islam.” Les musulmans répondront : “Par Allah, nous n’abandonnerons jamais nos frères.” Puis la bataille s’engagera. Un tiers s’avouera vaincu ; plus jamais Allah ne leur pardonnera. Un tiers mourra ; ils seront les meilleurs martyrs aux yeux d’Allah. Et un tiers vaincra ; ils ne seront plus jamais éprouvés et ils conquerront Constantinople. ».
Ce n'est pas la première fois qu'un discours apocalyptique accompagne une insurrection armée dans le Monde musulman sunnite. Rappelons qu’en 1979, un commando millénariste avait proclamé la fin des temps dans l'enceinte même du sanctuaire de La Mecque. Il faut dire aussi que l'Irak est depuis toujours associé, dans les différents recueils prophétiques, à la chronologie évoquée de la fin des temps.Mais c'est aussi le cas, en miroir, des militants chiites, qui levèrent l'armée du Mahdi (l'imam « bien-dirigé » de la fin des temps) et accusèrent al-Zarqaoui auto-proclamé calife de l’Etat Islamique d'être l'ennemijuré de ce Mahdi, soit l'Antéchrist (le Dajjal, littéralement le Faux-Prophète).
Un des cavaliers de l'Apocalypse à Sidi Bouzid, en Tunisie ?
La vague révolutionnaire qui continue de traverser le Monde arabo-musulman a cependant remis à jour le réel djihadiste au cours des mobilisations populaires de contestation. Les insurgés, qui accusaient initialement leur dictateur d'être le « Dajjal » (le Menteur), mettaient en cause les « mensonges » de la propagande officielle, mais ils ont vite abandonné cet argument polémique, même si certains ont cru, en janvier 2011, voir un des cavaliers de l'Apocalypse à Sidi Bouzid, en Tunisie.
Certains des partisans d'Ennahdha relaient avec énergie les prédictions catastrophistes des évangélistesen rapport au Mahdi El Montadhar. Les mordus de la fin des temps se rejoignent aussi dans un antisémitisme militant, puisque le seul point commun de leurs funestes scénarios est la disparition du peuple juif, par extermination ou par conversion.Il faut dire que l’islam tunisien est sous influence del’Union internationale des savants musulmans qui n’est que l’antenne des frères musulmans d’Egypte, organisation réputée terroriste et funeste. L'abandon de la révolution tunisienne a ainsi abouti à livrer le pays aux imprécateurs bellicistes et fanatiques sunnites et chiites d'une apocalypse moderne.
Le naufrage irréversible du navire Tunisie
Gardons-nous donc des illusions d'optique de cette Apocalypse en miroirs, où les fanatiques des deux camps renforcent leur propagande mortifère.Pour certains, le Covid-19, et les pandémies plus largement, signaleraient le passage du cavalier sur le cheval pâle, identifié comme la mort et la Pestilence ; il marque de son passage un tournant dans ledevenir des civilisations, un effondrement des modes de vie et du Monde tel que nous le connaissons. Le monde entier cherche par tous les moyens possibles, des solutions à une pandémie affectant toutes les structures de la société. Mais les pandémies surviennent depuis des millénaires et souvent les textes sacrés s’en emparaient pour relire les événements dans une autre perspective que celle terrestre.
La Tunisie est otage de l’ombre ;ombre passive, indolente, victime de sa passion comme la Présidence de la République. Kaïs Saïed, le Capitaine Achab tunisien, est ligoté à son gouvernail et contraint d'assister depuis les premières loges au naufrage irréversible de son navire. Il mène seul une quête de la vérité, dont le caractère allégorique se comprend au mieux en regard de la relation ambiguë qu’entretient K. Saïed avec l’idéalisme et l’islamisme.La Constitution c’est le Moby Dick de ses obsessions ; elle apparait comme une allégorie, une figure rhétorique, permettant, par l’articulation cohérente d’un ensemble de symboles et de métaphores, de marteler une idée générale, que ce soit dans l’action politique ou dans le texte. Il faut souligner à cet égard l’importance du contexte socio-politique dans cette figure rhétorique,tout comme le contexte culturel permettant son efficacité. Plus précisément, l’allégorie apparaît en temps de crise du sens, lorsque les ressources d’une tradition culturelle donnée deviennent « illisibles », et invisibles, ce qui demande d’outrepasser le sens reçu que l’on ne comprend plus. Le travail de l’allégorie apparaît en tension avec les modes historiquement convenus de compréhension dans une tentative de préserver une vérité ou de transmettre le sens.Ombres actives pour le pire, les partis de la société politique. Dans cette obscurité, il y a le ministère de la santé, avec à sa proue une tête brulée qui pêche par son incompétence et par son inconséquence et qui navigue à l’aveugle, victime des courants ; aussi le comité scientifique, comité d’experts en ignorance, qui fait n’importe quoi ou presque pour ne pas avouer qu’ils n’y comprennent rien. L’intox du Comité Supérieur de Lutte Contre le Coronavirus lors des conférences de presse hebdomadaires sur l’évaluation de la situation épidémiologique.La directrice de l’Observatoire national des maladies nouvelles et émergentes qui nourrit ses propres ambitions politique et qui se sert de la crise sanitaire comme tremplin pour son ascension, comme ont pu le faire d’autres avant elle. Le ministre du tourisme qui envisage de livrer notre pays en pâture à une nouvelle invasion étrangère, comme ce fut le cas en été 2020 pour une saison dont les résultats ont été plus que médiocres. Même le Mufti de la République est de la partie à cette curée morbide. Ce sinistre individu, payé le plus souvent à ne rien faire, a lancé une fatoua opportuniste par laquelle il prétend que la vaccination est un devoir religieux et national, croyant pouvoir justifier son salaire en concluant un marché avec Dieu. Qui est-il pour ajouter un sixième pilier à l’Islam de sa propre création, l’obligation de la vaccination. Entre la pandémie et le réchauffement climatique, avec une engeance macabre à sa gouverne, l’espèce humaine est en train de tomber de charybde en scylla et risque pour son avenir et sa pérennité.
La situation sanitaire est catastrophique avec plus de 40 nouvelles souches et variants du coronavirus, enregistrés. Des vaccins à l’efficacité relative pour ne pas dire douteuse, dont font leurs choux gras les laboratoires pharmaceutiques. Le dangerprovient aussi du variant britannique qui se manifeste au niveau de la virulence et de la rapidité de sa propagation et aussi du fait qu’il touche les plus jeunes et les enfants. Nous sommes à la veille des excès que nous connaissons de la période du mois de ramadhan, lequel mois est aussi celui du non-respect du protocole sanitaire comme l’a montré le ramadhan de 2020. Le chef du gouvernement a mobilisé toutes les potentialités du gouvernement et de l’Etat pour les préparatifs du mois de Ramadanalors que les gens sont en train de tomber comme des mouches du fait de la pandémie. Encore une inconséquence criminelle dont il devra répondre devant ses juges.
C’est un véritable scénario de fin du monde, un Armageddon programmé, le résultat du déversement du contenu de la sixième et de la septième coupe, les dernières plaies, qui doivent mener le monde à son terme, selon les termes de Jean. A l'inverse de l’adage connu, perdre cette bataille, c'est sans doute perdre la guerre.L’Europe et l’Asie font déjà face à une troisième vague épidémique, qui se présente déjà en hécatombe.Même en Tunisie, la nouvelle vague est là, pestilence frappe à l’huis attendant qui lui ouvrira le premier. Les infections se multiplient comme en témoignent les chiffres qui grimpent à toute vitesse aux compteurs. Les hôpitaux sont saturés, voire dépassés, une nouvelle fois, par la rapidité de progression de ce nouvel assaut de la maladie. A ce rythme, le pays risque de bientôt voir l’effondrement total de son pauvre système national de santé. La vaccination risque de devenir inutile, voire mutilante, avec les multiples mutations du virus qui pourraientl’immuniser contre les vaccins utilisés.
Comparer ce qu'est devenue la Tunisie à ce qu'elle aurait dû être
Je ne peux m'empêcher de comparer ce qu'est devenu la Tunisie à ce qu'elle aurait dû être. Au lieu d'aller de l'avant, elle n'a fait que reculer. Dans ces conditions, comment ne pas se remémorer les temps pas si anciens. Il y a dix ans, il y avait certes des problèmes, comme l'absence de libertés politiques, que l’on doit condamner sans réserve, mais c’était un pays en plein développement, une société en cours de modernisation, dont le niveau de vie s'élevait et dans lequel la vie était possible matériellement parlant. Aujourd'hui, plus de la moitié de la population vit au-dessous du seuil de pauvreté ; la fuite des cerveaux a produit une hémorragie irréparable au potentiel réparateur du pays. Seuls sont restés quelques bras cassés sans scrupule qui dépouillent le pays de tout ce qu’ils peuvent ; les tensions religieuses et culturelles divisent une société au bord de la guerre civile ; les minorités sont chahutées par des bandits racistes à la solde des mafias gouvernantes, et la drogue, la prostitution, la corruption ne cessent de se répandre comme une gangrène dans le tissu social. Les prix des denrées de première nécessité sont en hausse irrépressible à la veille même de ramadhan pour rendre les choses encore plus difficiles pour le peuple. Sans parler d'une répression tacite touchant toute la société, comme une chape de plomb pesant de tout son poids. La Tunisie aurait pu être le phare de l’Afrique et le leader du Maghreb arabe;elle est devenue un Etat failli, le spectre d’elle-même. Le plus dramatique, c'est que dans la foulée, deux générations ont été sacrifiées. A quelle fin ? Sans être amer, il faut envisager la rébellion de 2011 comme une expérience supplémentaire dans un pays qui est déjà passé par des phases historiques extrêmement difficiles, un passage expiatoire. Ce n'est pas la première fois que la Tunisie est à l'épreuve. Nous avons été maintes fois envahis, agressés, occupés, bafoués et nous nous sommes relevés. Certes, la crise est désormais intérieure et le remède plus difficile à envisager. Mais, si l'on ose une comparaison avec l'Europe, il y a eu, il y a quelques siècles une période où la religion étouffait la société. Cela a précédé l'avènement des Lumières et l'éclosion des droits de l'Homme
Le facteur religieux… Un frein durable au développement?
Souvent l’Occident se demande si le facteur religieux propre aux sociétés islamiques n'est pas en soi un frein durable au développement et à l’épanouissement. Il y a 10 ans, l'une des raisons pour lesquelles les Tunisiens ont accepté si facilement Ennahdha, c'était que la religion apparaissait irréfutable. Le facteur religieux offrait sans doute pour le peuple une apparence de stabilité et de crédibilité, dans une période d'agitation et de bouleversements extrêmes.Aujourd'hui, des acquis de la révolte ne persiste que quelques fragments de la liberté d’expression ;nous pouvonscertes assister à des discussions incroyablement animées, y compris sur la question de la laïcité, mais sans solutions à la clé. Mais certains commencent à vouloir la museler et la censure commence à pointer son nez. Il existe néanmoins de nombreuses voix qui s'interrogent sur la séparation de la religion et de l'Etat, malgré les menaces dont ils sont victimes. La question n'est pas taboue en soi et quand bien même elle l’aurait été, ils n’en ont que faire.
La Tunisie perd peu à peu sa neutralité et sa rationalité sensée qui forçait le respect du monde
Bourguiba, Ben Ali, Kaïs Saïed, la croyance en un homme providentiel est une constante. Il est vrai que, tout au long de notre histoire, nous avons cherché l'homme providentiel. Cela reste encore vrai aujourd'hui ; malheureusement une nouvelle culture politique se développe parmi les jeunes générations, où l'idée de la responsabilité individuelle a de l'importance.Les islamistes croient vraiment enune perspective eschatologique et, autour d’eux, gravite un cercle de dangereux illuminés qui partagent cette conviction de la fin des temps avec la venue du ‘’Mahdi’’ pour établir ‘’le seul règne juste’’. Ce n'est pas du tout un positionnement médiatique, et c'est bien ce qui est inquiétant. Il est terrifiant d'imaginer ce qui pourrait arriver si un jour de tels individus avaient accès à l'arme atomique. Le régime tunisien a suffisamment montré qu'il n'offrait plus aucune garantie internationale et ne respectait pas ses engagements internationaux. Jusqu’alors, du point de vue de ses dirigeants, la politique étrangère de la Tunisie était perçue comme un succès en termes d'extension tentaculaire de l’influence médiatrice.
L’Etat était présent sur la scène internationale et avait son mot à dire. Il était entendu et surtout écouté par les grands de ce monde. Son point de vue comptait. On sait ce qu'il est advenu de sa parole après 2011. Les choix diplomatiques du Président tunisien actuel ne vont plus dans le sens de l’intérêt de l’Etat et des tunisiens. On en veut pour preuve la position tunisiennedans le dossier Libyenqui est, le moins que l’on puisse dire, catastrophique et témoigne d’une immaturité politique.En exemple l’invitation du président turc et la conclusion d’on ne sait quels accords, ensuite, au niveau du dossier libyen, s’aligner du côté d’une des parties au conflit. Le chef de l’Etat est entouré de conseillers diplomatiques manifestement incompétents, à commencer par la Cheffe du cabinet de la présidence. Le Président enfermé dans sa tour d’ivoire, a une vision de la scène internationale étriquée,ce qui entraine le pays dans une spirale d’isolement international et de choix stratégiques contraires, non seulement à ses intérêts, mais aussi à toute logique diplomatique.Des décennies d’acquis, en matière de relations internationales et de ranking sur la scène mondiale sont réduits à néant.La Tunisie perd peu à peusa neutralité et la rationalité sensée qui forçait le respect du monde. Il n’y a qu’incompréhension de la politique internationale et des méandres de la géostratégie qui gouvernent la politique mondiale, alors que la Tunisie dispose de nombreux experts qui pourraient se charger de conseiller les décideurs de l‘Etat en la matière.
Des intérêts sous-tendus par des relations économiques et commerciales, ainsi que politiques et sécuritaires, avec les instances internationales et les régions du monde à même d’aider la Tunisie sont en jeu. Sur ces différents points, la Tunisie n’a enchaîné que des mauvaises options. Les choix et les positions de la diplomatie tunisienne ont été doublement erronés. Ils prouvent une irresponsabilité majeure, la Tunisie s’étant miseà dos la quasi-totalité de la communauté internationale et ne s’étant préservé aucun allié.Il faut dire aussi que la diplomatie tunisienne est depuis quelque temps, en partie, confisquée par certains tenants de la classe politique, notamment le président du parti islamiste Ennahdha. La chancellerie tunisienne ne semble pas saisir le sens des faits et des événements internationaux et se soumet aux choix dictés par les représentants islamistes de Tunis.
On imagine mal plus d’impairs de la part de ceux qui parlentau nom et pour le compte du peuple, sur la scène internationale.La diplomatie tunisienne a été portée absente à diverses manifestations internationales importantes, comme le sommet de Berlinsur la Libye auquel elle a pourtant été invitée. Absence tunisienne notamment au forum économique Russie-Afrique tenu le 24 octobre 2019 à Sotchi, au forum de Paris sur la paix, organisé le 12 novembre 2019. Absences incompréhensibles de kaïs saied au sommet de Davos en janvier 2021, et à celui de l’Union africaine en février 2021, tous deux pourtant en virtuel (visio-conférences). Le 23 décembre 2020, la Tunisie a manqué l’occasion de siéger à la Cour Pénale Internationale. Le candidat tunisien ainsi que le poste de magistrat à la CPI n’ont apparemment suscité l’intérêt ni de la présidence, ni du Chef du gouvernement, ni même celui du ministère des affaires étrangères.
Il en a été de même pour le poste de Commissaire de l’UA pour l’éducation, la science, la technologie et l’innovation. La présidence et le ministère des Affaires étrangères, jusqu’au dernier moment n’ont présenté aucun candidat, risquant de faire perdre à la région du Maghreb l’opportunité d’occuper ce poste, sans l’intervention de l’Algérie. Ajoutons dix mois de vacance inédite à la tête de l’ambassade de Tunisie à Paris. Autant d’actes qui donnent l’impression que les autorités tunisiennes agissent de manière brouillonne, qui agrandissent et approfondissent le fossé en train de se creuser entre la Tunisie et tous ses partenaires internationaux et qui aggravent l’isolement du pays, du fait des attitudes incompréhensibles de sa diplomatie et de sa politique étrangère.Les chancelleries occidentales,comme les Organisations internationales, sont décontenancées.
Le président voyage peu, est en guerre contre une partie du ministère des Affaires étrangères et rechigne à recevoir les ambassadeurs étrangers à Carthage au point que pour le Quai d’Orsay, Tunis ne répond, parfois, plus.Il faut dire que la rareté de surface de contact en politique étrangère ne rassure pas les partenaires, comme l’analyse la diplomatie française, qui reconnaît que de prime abord se dégage l’impression d’une diplomatie tunisienne qui navigue à vue par excès de défiance.Il est manifeste qu'un gouvernement schizophrène et paranoïaque crée des crises un peu partout pour tenter de regagner la légitimité qu'il a perdue à l'intérieur. Les dérives diplomatiques des clans au pouvoir ne se limitent pas au soutien à la Libye, ou à la cause palestinienne, elles vont jusqu'à l'Amérique. Quoiqu’il en soit, il ne s'agit en rien d'une vision permettant de défendre nos intérêts nationaux. Durant plus de six décennies,la Tunisie s’est imposée comme modèle dans le monde, et il a la chance de pouvoir capitaliser sur le legs de ceux qui se sont succédés à sa tête, pour donner à la diplomatie tunisienne l’envergure souhaitable, défendre les causes justes avec l’humanisme qui a toujours été le sien et agir à l’international conformément à la neutralité positive du pays. Cela nécessite de désigner des porte-voix inspirants et compétents et de développerun dispositif diplomatique performant et complet.
Mettre en échec l’Islamisme fondamentaliste extrémiste qui pollue notre image et dégrade nos acquis si durement gagnés
Dans tous les cas de figure, si le régime veut survivre, il doit absolument mettre en échec l’Islamisme fondamentaliste extrémiste qui pollue notre image et dégrade nos acquis si durement gagnés ; il faut combattre ces idées noires qui n’apportent que malheur et désolation. La République Tunisienne ne peut pas perdurer dans un monde où l'on parle des droits de l'Homme ou de la démocratie, sous la menace d’un basculement vers un régime théocratiquerétrograde et obscurantiste. Tous ces principes démocratiques et libertaires sont du cyanure pour les islamistes.Dans les mois à venir, un jeu politique et diplomatique peut s'engager, mais, au final, il ne faut pas se faire d'illusion. On ne peut entrevoir aucune raison pour laquelle les islamistes accepteraient un changement de comportement pour faire leurs ces principes qu’ils exècrent. Cela provoquerait, de manière certaine, leur chute. Ils ne peuvent plus revenir en arrière. Dans ces conditions, la diplomatie ne pourra que tourner en rond une nouvelle fois. Comment voulez-vous que les vassaux de Al-Qaradawi et de cette « Piovra » qu’est l’Union internationale des savants musulmans, dont le but reste l'exportation de l’Islamisme obscurantiste, puissent s'asseoir un jour à la même table que le président d’une démocratie ou d’un Etat Laïque ? Même si la concorde revenait au pouvoir, le comportement du régime resterait identique, car le vrai décideur c'est le parlement et celui-ci est un fief des frères musulmans, de cette ‘’Internationale terroriste’’. J'ai bien peur qu’une nouvelle fois la course à la terreur ne continue pendant ces temps à venir.
Tracer une ligne rouge définitive sur la question de la religion
Si l'on veut avoir une chance de réussir, il faut d'abord tracer une ligne rouge définitive sur la question de la religion, car, jusqu'ici, cette ligne floue n'a cessé de bouger. Ensuite, il faut accepter l'idée que, si le régime doit changer un jour, ce devra être le fait du peuple lui-même conscient, informé et éduqué sur le fait politique et non par une intervention extérieure ou la violence aveugle. La majorité de nos concitoyens n'en peuvent plus de ce système, ils sont excédés par le ridicule politique qui tue leur conscience citoyenne ; toutes les informations qui parviennent à filtrer prouvent qu'il existe un profond désir de démocratie laïque. Si on veut forcer le régime à changer d'attitude, ce n'est pas par la pression extérieure que l'on y arrivera, mais par la revendication sociale intérieure et le jeu de la saine société civile. Celle-ci doit accepter son rôle car elle a un devoir moral d’assurer sa fonction réelle de contre-pouvoir et d’inspirante. Or, depuis trente ans, nous n'avons presque pas vu de vrai dialogue libre entre le monde politique, le peuple et la société civile. Il n'y a eu presque aucun échange avec les forces d'opinion démocratiques. Tout ce que nous avons pu avoir, c’est cet ersatz de dialogue qu’ils appellent ‘’dialogue national’’ ; une instance aseptisée où peuvent se rencontrer les parrains qui tiennent l’Etat à la gorge. Il n’en ressort que des ententes personnelles servant les intérêts des plus influents, des demies teintes, des demies mesures et des compromis scabreux et le peuple sera toujours le perdant de l’histoire.
J'ai beaucoup réfléchi aux campagnes de désobéissance civile en Afrique du Sud ou à l'exemple des dissidents dans l'ancien bloc de l'Est. Je veux m'inscrire dans un scénario de changement en proposant une voie qui soit légitime et la moins coûteuse pour la société tunisienne. On ne bâtira pas notre avenir sur un règlement de comptes. La mission de ma réflexion est de fédérer les véritables forces démocratiques de ce pays, où qu’elles se trouvent, afin d'instaurer une démocratie laïque réelle, réaliste, fondée sur de vraies valeurs et d'assurer la réconciliation nationale sur la base de la seule qualité d’être Tunisien.
Monji Ben Raies
Universitaire, juriste et politiste
Enseignant en droit public et sciences politiques
Université de Tunis El Manar
Faculté de Droit et des Sciences Politiques de Tunis
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