Laroussi Amri: Arabité, berbérité, ...et discours idéologiques sur "l'identité"
Par Laroussi Amri - Une publication sur Facebook m’a interpellé. Elle résume les plats tunisiens et les ventile selon leurs origines qui sont d’après cette publication diverses : turques, juives, romaines, berbères, andalouses. Nous savons tous que les traditions culinaires font partie des discours identitaires du moment que l’on veut montrer nos appartenances diverses selon une approche du gout, des plats, etc. La saveur, en tant que composant important dans toute civilisation, a elle aussi un fonds identitaire. Ce qui a attiré mon attention, c’est l’absence de plats d’origine arabe, maltaise, islamique, etc.
Je ne peux m’empêcher de porter le débat à son niveau de fécondité et dépasser le niveau lambda. Je voudrais pointer ici les fréquentes publications dans les réseaux sociaux (Facebook, Twitter, etc.) qui prétendent présenter les produits de civilisation qui ont eu cours en Tunisie à travers son histoire et font l'impasse de ce qui est arabe et mettent en relief ce qui est prétendument berbère. Je commence par dire que je n'ai aucun problème avec les composantes de ma personnalité et je les revendique toutes, africanité, arabité, islamité, judaïté, berbérité, (et quelque part européanité méditerranéenne) et même davantage.
Ces publications exposées sur les murs de Facebook s'inscrivent dans la nouvelle/ancienne "culture" de déni de toute arabité et de valorisation d'une berbérité mise au service de projets identitaires en formation, mais douteux. Personnellement je ne trouve pas sain de pousser toute une "classe " d'intellectuels" tunisiens devenus, au fil des événements et des débâcles arabes, montés contre tout ce qui est arabe (même si les données sociologiques et historiques confortent les esprits simples dans ce sens), à s'engager tête en avant, griffes dehors, dans des projets identitaires construits idéologiquement donc fallacieux. Facebook est un des lieux de joute les plus prisés pour ce genre de propagande que des cyber-activistes exagérément francophiles (peut être bien appartenant à des réseaux de piégeage culturel et médiatique) utilisent pour piéger des élites et des intellectuels peu formés à l'esprit critique et à la lecture à travers les mots, sous les mots, au- dessus des mots et en filigrane. C'est malheureux de constater qu'une grande partie de l'élite tunisienne tombe dans ce panneau pieds joints et mains liées. Regardez bien, il y a une dualité qui émerge: tout ce qui est arabe est mauvais, ce qu'il faut promouvoir c'est la berbérité. Entre les deux: un monstre surgit habillé en costard-cravate, bon chic bon genre.
Il prend l'allure d''un Albert Camus humaniste, d'un Victor Hugo fustigeant un parlement déviant, ou bien un Marat sinon un Robespierre haranguant les foules de la Révolution française, avec en surimpression, la liberté portant le drapeau français. Bref tout un discours qui cible le profil d’intellectuel tunisien (progressiste, "moderniste" ou de gauche...); de sorte que la solution à trouver, l'alternative, pour tout problème identitaire est là: sous la forme de proposition de dessous de table. Le "génie" colonial français est encore là. L'interdépendance, la Métropole ne l'imagine pas seulement dans le transfert inégalitaire des marchandises (export/Import, avec une balance commerciale déficitaire au profit de la France depuis 1956 à 2021), elle la programme aussi pour dompter les âmes, hypnotiser les esprits et les faire aimer et pour certains esprits totalement perdus, adorer le monstre.
Le nombre des royalistes plus que le roi fait légion parmi les intellectuels tunisiens. Ils sont à tous les niveaux à défendre la France (sans distinguer celle des progrès et des lumières de celle de la domination et du jacobinisme) toutes griffes dehors, les yeux exorbités prêts à l'insulte et à en venir aux mains dès que tu parles des tes ancêtres, de ta spécificité, de ta langue ou de tes habitudes. Leurs arguments jouent sur des variations et des références: ceci est andalous, ceci est juif, ceci est romain, ceci est berbère, ceci est turc... Et l''impasse est faite, sans broncher ni coup férir sur tout ce qui est islamique et tout ce qui est arabe. Là on nous prépare à une guerre civile pluriséculaire entre appartenances diverses alors que la solution, est simple, on est ouvert à toute civilisation sans esprit de clocher ni dogmatisme. Le fin mot, le mot de la fin : on a intérêt à sortir de ces discours sur l'appartenance et l’identité. On est fils du siècle, fils de l'époque fils des apports scientifiques et techniques, fils des réformes et des révolutions, et nous y œuvrons, qui améliorent les conditions de vie des hommes et des femmes pour un bonheur toujours renouvelé.
Laroussi Amri
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