Mohamed Salah Ben Ammar: Dimanche votons pour la démocratie
A l’instar de beaucoup de mes compatriotes, peut-être même une bonne majorité, je me pose la question de l’utilité d’aller voter ce dimanche et dans le contexte actuel ce dilemme est légitime.
J’ai regardé les trois émissions télévisées qui étaient censées mieux nous éclairer sur le profil des 26 candidats. En réalité ils n’étaient que 24 (9 +8+7) puisque le favori des sondages est en prison et l’ancien secrétaire général de Nida est à l’étranger. Ah le fameux de Nida! Pas moins de 8 candidats sur les 26 en sont issus, ou ont eu un lien organique avec lui. Le parti de Youssef Chahed chef du gouvernement en congé électoral nous en fait voir des vertes et des pas mures. Le candidat nous a lui-même rappelé, à Tozeur, il y a quelques mois à l’occasion des élections municipales que c’était son politique. Autre originalité locale sur les 26 candidats retenus au moins 15 ne représentent que leur personne. En d’autres termes si par accident l’un d’eux est élu, il devra constituer une équipe, penser aux alliances, se positionner pour les législatives…Qui pourra s’allier à Ennahdha et Ennahdha pourra s’allier à qui? Nous ne le savons pas encore mais depuis 2011 et sauf l’intermède de 2014-2015, elle a toujours été présente au gouvernement! Sur les 26 candidats 14 ont occupé de hautes fonctions depuis 2011, de président de la république à gouverneur et ministre, le plus souvent dans une coalition hétéroclite, Troika ou Nida-Ennhadha actuellement.
Malgré des efforts louables les trois émissions télévisées n’étaient pas équitables, la méthode adoptée a fait le jeu de ceux qui étaient à l’aise à l’oral (évidemment quand on fait de la politique il vaut mieux l’être). La meilleure illustration est la candidate Abir Moussi. Elle ne croit ni en la révolution ni même en la démocratie mais elle a parlé avec beaucoup d'aisance et de culot a tenté de s'approprier l'héritage de Bourguiba (que la dictature qu'elle soutenait a mis en prison du 07 novembre 1987 au 06 avril 2000 et a privée la nation des funérailles qu'il méritait). La forme de l'émission a aussi lésé les candidats de la première émission, le tirage au sort a favorisé les candidats de la troisième émission. Disons que le premier débat a servi de leçon aux autres candidats qui ont vite fait de profiter des failles méthodologiques existantes. Mais il n’y a pas que du négatif, ces débats nous ont enfin permis de toucher du doigt ce que quelques initiés savaient, certains candidats anciens ministres sont entrés dans la vie politique pour d’autres raisons que la profondeur de leur réflexion politique! Toujours est-il en raison de la forme adoptée, 90 secondes pour répondre, le seul candidat qui avait un programme chiffré et lisible n’a pas pu l’exposer. Autre constat personnel, un seul candidat a été fidèle à l’esprit des fonctions de président de la république telles que définies la constitution. Les autres au lieu de répondre aux questions posées balançaient des slogans, parfois des idées de projets, souvent incohérentes et inapplicables. Dans ce contexte il était facile aux candidats de détourner les questions gênantes et d’aller sur les sentiers battus: assurer sécurité intérieure et qui serait contre? Evidemment nos « immenses réserves de pétrole » doivent être protégées des prédateurs aux yeux bleus! Et la cause Palestinienne et la Syrie… Enfin Hamma en agitateur sur le retour a eu la palme de la séquence la plus mouvementée de ces émissions (c’est dire), en déclarant que la corruption était à sa gauche, il a théoriquement provoqué 5 candidats mais à priori un seul s’est senti visé.
Pour finir, on retiendra de cette animation médiatique, que même si les explications sont différentes, les 24 candidats étaient d’accord sur les échecs de l’équipe gouvernementale actuelle, tous sans exception. Malheureusement nous n’avons pas eu des débats d’idées et cela ne pouvait pas en être autrement, c’était des joutes oratoires courtoises où les candidats ont souvent refusé de répondre aux questions posées pour s’égosiller sur des sujets consensuels, mais je pense que nous avons quand même réussi à éliminer quelques intrus.
Malgré tout, et bien plus, nous n’avons pas le choix, il nous faut aller voter dimanche 15 septembre. L’abstention n’est pas une option car plus que jamais notre pays a besoin de tous ses enfants qu’ils soient en Tunisie ou à l’étranger.
Dr Mohamed Salah Ben Ammar
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