Opinions - 16.03.2019

Habib Touhami: Mes «pays», la gauche et le développement

Habib Touhami: Mes «pays», la gauche et le développement

Dans ma région natale, on n’aime pas la gauche et les femmes et hommes de gauche. C’est ainsi depuis des lustres. Il se peut que l’expérience collectiviste des années soixante ait marqué les esprits plus qu’ailleurs, mais j’en doute. De nos jours, l’hostilité de mes « pays » envers la gauche tient plus de la fantasmagorie religieuse que de la haine du collectivisme. La gauche, qu’elle soit marxiste ou non, est perçue par eux comme un nid d’horribles apostats comme si on ne pouvait être tout à la fois croyant et de gauche.

En fait, quiconque défend l’équité, l’égalité et la justice socioéconomique est soupçonné d’être un marxiste, un laïque ou un franc-maçon ; voire les trois à la fois. Ce type de raccourci est courant dans les milieux dominés par l’inculture politique et historique. Car si on observe les faits, et les faits uniquement, on constate qu’aucun parti politique tunisien ne se revendique comme marxiste, laïque ou franc-maçon. Quant aux exigences «incriminées», on admettra qu’elles ne sont pas  «sataniques», mais bien conformes à la foi musulmane. Avec un peu de discernement, on pourrait même convenir que c’est leur non-respect par certains «khalifes» qui est à l’origine d’une série inextinguible de violence et d’excommunications. Il suffit de lire La Grande sédition de Tahaa Hussein pour s’en rendre compte. Oui mais Taha Hussein a été décrété apostat par certains  «ulémas» ou prétendus tels en raison de sa mise en cause de l’authenticité de la poésie préislamique et par ricochet de la sincérité des «rouâtes du hadith». Un camarade de lycée, pourtant arabisant comme moi, continue à entrer en transe à toute évocation de Taha Hussein. 

Si je prends ma région natale comme exemple, ce n’est pas pour fustiger mes « pays » pour qui j’ai une tendresse infinie, mais pour attirer l’attention sur les dégâts électoraux et politiques de  cette dichotomie qui fait que l’on exige de l’Etat davantage d’implication et de volontarisme dans le développement socioéconomique des régions tout en votant massivement en faveur d’un parti politique ultralibéral sur le plan économique et qui conteste, de fait, tout interventionnisme de l’Etat dans le développement en général. Il y a là comme une contradiction que l’on a peine à comprendre mais que l’on retrouve aussi dans d’autres régions du pays.    

Certes, le discours, la posture et l’état des partis de gauche ou progressistes en Tunisie n’incitent pas les électeurs à voter en leur faveur, mais si les électeurs tunisiens veulent le changement,  l’équité, la remise en cause de la place de l’argent dans la société et la réduction des inégalités, il faudra bien qu’ils se décident un jour à voter en faveur de femmes et d’hommes de progrès, capables de progrès, qu’ils soient de gauche ou non. Les électeurs tunisiens sont évidemment libres de faire le choix contraire, mais ils ne devraient alors s’en prendre qu’à eux-mêmes au lieu de pester contre la démocratie, la nature, la main de l’étranger, les syndicats ou le FMI.

Habib Touhami



 

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