Béji Caïd Essebsi, En rassembleur
Qu’annoncera-t-il de substantiel aux Tunisiens ? Le discours que doit prononcer le président Béji Caïd Essebsi, dimanche 14 janvier 2018, est attendu par les Tunisiens. Non pour le bilan qu’il serait amené à dresser de ses trois années passées à Carthage depuis son accession à la présidence de la République, le 1er janvier 2015, mais pour les assurances qu’il leur apporterait. Les Tunisiens sont inquiets pour le quotidien, obnubilés par l’avenir tout proche. Dans ce champ miné de dislocations politiques, de désastre économique, de précarité aggravée et de risques sécuritaires persistants, comment le président Caïd Essebsi pourra-t-il désamorcer tant de grenades au bord de l’explosion ?
Jamais les fragilités n’ont été aussi fortes au sein même des partis politiques et de la quasi-totalité des organisations nationales. Jamais les ruptures, internes et externes, n’ont pris pareille ampleur. Jamais le gouvernement en place n’a été aussi affaibli. En un an et demi seulement, l’Accord de Carthage, scellé en juillet 2016, n’a pu résister aux premières épreuves, au risque de ne devenir qu’un vieux souvenir. Entre ceux qui appellent à le revisiter et ceux qui plaident en faveur de le compléter et l’élargir par un dialogue économique et social, à l’instar du Dialogue national qui avait sorti la Tunisie de la profonde crise de l’été 2013, la convergence n’est pas exclue.
Ce qui est certain, c’est que la situation politique, économique et sociale de la Tunisie se trouve aujourd’hui dans une redoutable impasse, si ce n’est au bord du gouffre. Le rôle salutaire que seul Béji Caïd Essebsi peut jouer pour l’en sortir s’avère vital.
L’ambiance générale dans le pays est à la morosité. Sept ans après, les dividendes de la ‘’révolution’’ tardent à être perçus. L’euphorie cède au désenchantement, la classe politique, désavouée, est rejetée, le sentiment d’exclusion et d’iniquité est largement partagé. Les familles des martyrs comme les blessés de la ‘’révolution’’ et du terrorisme s’estiment laissés à l’abandon. Les chômeurs souffrant d’un désœuvrement de plus en plus chroniques perdent espoir. Les artisans, commerçants et chefs d’entreprise se voient une fois de plus surtaxés par une nouvelle loi de finances des plus pénalisantes. Le mal est profond, sa prise en charge thérapeutique est essentiellement politique. Leaders et leadership ont aujourd’hui une dernière chance pour intervenir.
Moins de 24 mois…
Béji Caïd Essebsi en est sans doute parfaitement conscient. Il ne lui reste plus que 24 mois, pour renflouer d’ici là le paquebot Tunisie, avant l’expiration de son mandat, fin 2019. S’il a marqué la première partie de son quinquennat par l’accroissement du rayonnement international de la Tunisie, le renforcement de la sécurité, malgré les attentats subis, l’adoption de la loi sur la réconciliation administrative et les avancées pour les droits de la femme à la parité successorale et le libre choix du conjoint non musulman, il n’a pu ressouder son propre parti, Nidaa Tounes.
L’affaiblissement de ce mouvement multi-confluent, qui a renversé la donne et porté les forces du centre démocrate, BCE en tête, au pouvoir en 2014, s’est gravement répercuté sur l’ensemble de l’échiquier politique, avec toutes les conséquences qui ne profitent qu’à ses adversaires et à ses faux alliés. Premier grand perdant, le gouvernement, privé d’un soutien fort de la part du noyau dur qui l’avait hissé à la Kasbah et qui est censé constituer autour de lui la majorité nécessaire à l’ARP.
Le choix du Tawafouk avec Ennahdha, choix imposé par le verdict des urnes de 2014, a montré ses limites. Les bases y rechignent. A chaque épreuve, pour le vote d’un projet de loi essentiel, ou des partielles, comme récemment en Allemagne, la démonstration est faite de sa fragilité. Même si les deux chefs, BCE et Ghannouchi, s’y attachent ‘’par nécessité réciproque’’, cet attelage n’offre pas toutes les garanties de survie jusqu’à fin 2019.
Un front social des plus chauds
Sur le front social, Béji Caïd Essebsi parvient à entretenir le fil d’entente avec les deux principales centrales, patronale et ouvrière. Il demeure toujours accessible à leurs dirigeants, Ouided Bouchamaoui et Noureddine Taboubi, qui viennent souvent à Carthage s’épancher sur son épaule. Ce n’est pas au président de la République, au sens strict de la Constitution, qu’ils font part, chacun de son côté, des difficultés endurées, c’est l’arbitrage de son magistère qu’ils sollicitent.
L’Utica et l’Ugtt ne sont pas les seules à faire appel, à ce titre, au président Caïd Essebsi. Erigé en ultime recours, au-delà de ses attributions constitutionnelles, il se trouve obligé de recevoir de nombreux visiteurs, pour leur prêter écoute, prodiguer conseils et leur témoigner réconfort. S’il s’interdit toute immixtion dans ce qui ne relève pas de ses compétences, il ne manque pas, en cas de nécessité, d’attirer l’attention des uns et des autres par des messages souvent bien roulés, sur des cas qu’il juge importants. Ses entretiens réguliers avec le chef du gouvernement ou le président de l’ARP sont souvent l’occasion pour passer ces messages à peine codés.
Là où Béji Caïd Essebsi s’exprime le plus librement, sans se départir de son statut présidentiel, c’est lors des audiences qu’il accorde aux partis politiques, instances nationales, corporations professionnelles, composantes de la société civile, figures nationales et autres visiteurs. Autant il interroge ses interlocuteurs et les sonde, autant il ne leur cache pas son point de vue. Au risque de choquer parfois par son franc-parler décapant, il sait, quand il le veut, marquer le ton, montrer la voie.
L’effervescence électorale a commencé
Est-ce suffisant ? Les enjeux immédiats sont encore plus cruciaux. L’année qui commence est non seulement la quatrième de BCE à Carthage, mais aussi et surtout celle du déclenchement d’un long processus électoral. Dès le 6 mai prochain, les Tunisiens sont convoqués aux urnes pour choisir, pour la première fois dans un nouveau contexte, leurs conseils municipaux. Scrutin de proximité, étendu à 350 communes, et mettant aux prises 7 177 sièges, il favorisera la multiplication des listes indépendantes qui se lanceront dans la course avec les partis établis.
Le verdict des urnes, malgré les différences de contexte, sera indicateur de ce qui se passera, un an plus tard, lors des élections législatives et présidentielles de novembre 2019. D’ores et déjà, la Tunisie s’installe dans cette effervescence de pêche aux voix avec son lot inévitable de surenchère politique, de tiraillements, de financement légal et surtout occulte, d’interférences des lobbys, de tentatives d’influence étrangères et de pratiques inavouables. Les états-majors politiques s’y braqueront férocement. La course au pouvoir n’est pas bonnement pour l’exercer, mais certains postulants n’y voient que l’opportunité d’en abuser. De quoi susciter la forte désaffection des électeurs, beaucoup plus enclins à une abstention qui s’annonce massive.
Porosité des discours politiques et impératif de rassemblement
Dans quel état se trouvera la Tunisie d’ici là ? Pas besoin d’un scanner pour mesurer l’ampleur des clivages qui fracturent les Tunisiens. La déception est profonde, l’individualisme est exacerbé, la fragmentation n’épargne aucune entité. L’absence d’un projet commun, mobilisateur, capable de réunir le plus grand nombre possible de Tunisiens autour de ce qui est partagé ensemble fait lourdement défaut. La porosité des discours politiques, ici et là
Taoufik Habaieb
- Ecrire un commentaire
- Commenter
Ceci est valable à tous les niveaux qui composent l’État en Tunisie. si les responsable qui se disent politique aiment la Tunisie comme il se doit, tous sans exemption doivent donner l'exemple est diminue leur salaire pour l'exemple. Mais comme ils n'ont jamais eu un brun d'estime pour le pays, ils pensent qu'a renflouer leurs fouilles et les caisses se vident puisque, il n'y a pas de recette.Aucun de ces hommes politiques n'a eu le réflexe d'inviter les patronna étrangers et les faire des propositions pour investir dans notre pays en leur supprimant les taxe pendant un certains nombre d'années comme exemple le Maroc a fait, Mais nos irresponsables politique n'ont jamais été en harmonie avec leur conscience pour le développement de la Tunisie. C'est un exemple parmi d'autre qui auraient pu faire.