En marge du 8 mars : la Tunisie, seul pays au monde à célébrer, deux fois par an, la journée de la femme
En 1977, le 8 mars est déclaré par l’ONU «Journée des Nations Unies pour les droits de la femme et la paix internationale».
Elle redouble la fête nationale de la femme tunisienne du 13 aout 1956 et fait de la Tunisie l’un des rares pays sinon le seul pays au monde à célébrer deux fois la journée de la Femme.
Depuis cette date, les droits de la femme tunisienne n’ont pas cessé d’évoluer et de connaître des avancées.
Le 8 mai 2007, à l’occasion du 50e anniversaire de la promulgation du CSP, le code du statut personnel, deux projets de loi ont été adoptés par la Chambre des députés. Le premier renforce le droit au logement au bénéfice de la mère ayant la garde des enfants et le second unifie l’âge minimum au mariage à 18 ans pour les deux sexes bien que la moyenne d’âge réelle au mariage soit passée à 25 ans pour la femme et à 30 pour l’homme.
Le 6 janvier 2014, l’Assemblée nationale constituante (ANC), adopte l’article 30 garantissant la liberté d’expression et l’article 31 la liberté d’information.
La nouvelle constitution tunisienne, adoptée le 27 janvier dernier, comporte des protections juridiques solides pour les droits de la femme, avec notamment l’article 46, qui dispose que «l’État s’engage à respecter les droits acquis de la femme, les soutient et œuvre à les améliorer». De plus, «l’État garantit l’égalité des chances entre la femme et l’homme pour assumer les différentes responsabilités et dans tous les domaines». Ce même article oblige l’État à «œuvrer à réaliser la parité entre la femme et l’homme dans les conseils élus», ce qui fait de la Tunisie un des rares pays du Maghreb et du Moyen-Orient à avoir mis en place une telle obligation constitutionnelle de la parité.
Le 23 avril 2014, la Tunisie a officiellement levé des réserves clés à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (Convention dite CEDAW).
Le 10 novembre 2015, une loi adoptée permet aux femmes de voyager avec leurs enfants mineurs sans avoir à demander l'autorisation préalable du père.
Cependant certaines dispositions discriminatoires subsistent.
Par exemple, même lorsque la garde des enfants est attribuée à la mère, c’est le père qui conserve les attributions de tutelle juridique. La mère peut perdre la garde de ses enfants si elle se remarie. Cette restriction n’est pas applicable au père.
En matière d’héritage la part de la fille est deux fois moindre que celle du garçon. D’où la proposition de loi visant à faciliter l’égalité entre hommes et femmes en matière d’héritage faite par un député tunisien le 4 mai 2016.
La possibilité d’établir une «donation entre personnes vivantes» pourrait devenir un moyen de palier à cette inégalité.
Comment tant de femmes sont aujourd’hui analphabètes et bien sûr au chômage? C’est depuis 1957 que l’école est obligatoire, mixte et gratuite ! Dans les régions « défavorisées » on aurait oublié de construire des écoles et des routes pour y accéder! En sont responsables, une longue période de mensonges et de tromperies.
Les femmes ne participent à la vie économique qu’à hauteur de 25%, sur les 1500 nominations à des postes de décision après la révolution, seules 11 ont été choisies, elles n’occupent que 34% des sièges au Parlement. Or la contribution des femmes à une transition politique pacifique a été démontrée dans plusieurs instruments régionaux et internationaux.
Malgré les lois récemment votées en faveur des femmes, nombreuses sont celles qui ne sont ni respectées, ni appliquées dans la pratique. Le rapport des forces n’est pas en faveur des femmes malgré les actions d’ONG et le combat incessant des Femmes Démocrates et de la LTDH; aussi faut-il agir pour garantir les droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels, pour les réformer et pour lutter contre les discriminations, et agir pour sauvegarder la liberté de la femme.
La liberté de la femme dans sa tenue et son comportement.
Comme le disait Frantz Fanon à propos de la femme algérienne: «Ses épaules sont dégagées… la démarche souple… les jambes sont nues, non prises par le voile, livrées à elle-même… Cette dialectique du corps et du monde est capitale dans le cas de la femme». Des voiles sont réapparus, pourquoi? Un attribut qui n’a pas de sens, comme le précise Faouzia Charfi dans son dernier livre «Sacrées questions…pour un islam d’aujourd’hui » où elle cite la sourate 24 et le verset 51, interprétation de Tahar Al Haddad: «qu’elles ne fassent pas étalage de leurs attraits physiques» le port du voile n’a pas de valeur.
Que la célébration de la femme se passe ce 8 mars 2017 dans le calme et la sérénité.
Saadeddine Zmerli
Premier président de la Ligue Tunisienne des Droits de l'Homme
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