News - 23.11.2015

Un ouvrage sur Sidi Bou Saïd el-Béji qui fait justice des stéréotypes sur le soufisme

Sidi Bou Saïd el-Béji

Le soir du samedi 12 janvier 2013, la Tunisie est en deuil. Le mausolée de Sidi Bou Saïd, vient d'être profané et incendié. L'état de choc est général d'autant plus que ce mois de janvier 2013 a été marqué par une série d'incendies de mausolées de saints sur tout le territoire tunisien. Les Tunisiens pointent du doigt le laxisme douteux du gouvernement de l'époque avec la mouvance salafiste surtout que cette dernière a une aversion et une haine notoires à l'égard du soufisme qu'ils considèrent comme relevant  du " chirk " - associationnisme en français ", sacrilège impardonnable en Islam car il remet en cause l'unicité de Dieu.

C'était du jamais vu! C'est l'identité même de cette nation qui est touchée voir violée. Il faut savoir ce que représente Sidi Bou Saïd pour les générations successives de Tunsiens, c'est avant tout une figure emblématique du soufisme tunisien et un personnage clé de la mémoire collective de tout un peuple. Tout de même, des interrogations subsistent sur le saint homme, son vécu, son décès et son legs ?

Apporter des réponses à ces interrogations n'est pas chose aisée. Car Sidi Bou Saïd n'est ni un quidam ni un personnage historique à la trajectoire ordinaire. C'est un personnage central du courant mystique de l'Islam, le soufisme. Et le soufisme, jugé ésotérique par certains, c'est à dire compréhensible seulement pour les initiés, doit être abordé avec beaucoup de prudence. Cette prudence requise est justifiée d'abord parce que le recours aux récits transmis et véhiculés par la culture populaire sont à prendre avec beaucoup de précaution, certains d'entre eux sont faux ou bien ne sont tout simplement pas vérifiés. De même que faire une croix sur toute la culture populaire serait de l'excès de zèle injustifié et prétentieux.

De ce fait, nous devons laisser aux historiens le soin de se pencher sur la vie des saints et d'apporter des réponses claires sur leurs itinéraires. Et c'est dans ce sens que Nelly Amri, professeur d'histoire auteure de plusieurs ouvrages sur le soufisme vient de consacrer un livre à Abou Saïd Khalaf Ibn Yahya al-Tamimi el-Béji par référence à sa Béja natale, l'ancienne Béja, petite bourgade aujourd'hui disparue située non loin de la Manouba. Cet ouvrage présente le double avantage d'être à la fois très instructif, c'est un travail historique sérieux et riche en enseignements et en même temps à la portée du grand public. L'auteure a évité le style abscons des livres savants, ce qui permet à tous les lecteurs et notamment ceux qui cultivent un certain nombre de stéréotypes et de clichés à l'égard du soufisme de s'en débarrasser.

Bien entendu le livre traite de l'ascétisme du personnage, de son parcours mystique. Cependant il évoque sa formation, ses maîtres, les lieux qu'il a fréquentés, ses relations avec le pouvoir politique en place. Et Dieu sait quels ont été les rapports entre les saints et les pouvoirs successifs en Tunisie. L'auteure s’est également penchée sur les liens entretenus entre Sidi Bou Saïd et ses disciples (al muridin). Le rôle social joué par le saint homme est significatif, il montre que ces gens, toujours guidés par le bien sans jamais attendre aucune contrpartie gardent toujours un œil sur le commun des mortels et qu'ils n'épargnent aucun effort pour aider, servir et secourir tous ceux qui sont en détresse.

Au-delà du parcours de Sidi Bou Saïd el-Béji, qui nous devient encore plus familier en lisant le livre, c'est une formidable leçon d'humanisme et de savoir-vivre qui se dégage du destin de l'illustre personnage.

Chedly Mamoghli

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