Opinions - 02.07.2015

Opter pour le concept français de la défense opérationnelle du territoire (DOT)

En vue de sortir de l'ornière terroriste :opter pour le concept français de: La  défense  opérationnelle  du territoire (DOT)

Les dernières évolutions de la scène sécuritaire rappellent que notre pays est plus proche de la sonnette d'alarme que du cri de victoire. Même si une voix gouvernementale évoque souvent le bond "qualitatif" dans l'action des services de sécurité, il faudrait aussi prendre acte de l'évolution "quantitative" des actes de terreur ciblant et transformant des endroits paisibles en zones de guerre. La présence d'éléments terroristes dans les parages d'un point sensible, comme un grand hôtel pour touristes, est déjà un échec sécuritaire.

À présent et compte tenu de la dégradation de la sécurité aux plans local et régional avec une multinationale terroriste à nos portes, la question qui taraude plus qu'un, de façon plus insistante que jamais, est la suivante : La Tunisie fait- elle le maximum pour contrer la menace sécuritaire qui la guette ?

Cette problématique se traite , à mon avis , à deux niveaux:

  • Au niveau de la frontière
  • À l'intérieur du territoire national

1/ - La Sécurisation  Des Frontières

Pour faire face à la menace qui émane de la poudrière libyenne et surtout aux visées géopolitique et géostratégique de la nébuleuse terroriste dénommée DAECH , les forces armées tunisiennes ont conçu et mis en place un dispositif défensif étalé sur les frontières sud- est. Il ne s'agit peut-être pas de vrai ligne Morice ou Bar lev mais de mesures suffisamment acceptables dans le cadre d'une confrontation directe. Sauf que, dans le cas de figure, le monstre né dans les laboratoires du Quartier Général de la CIA, que rien ne semble l'arrêter dans sa lancée, ne mène pas un combat symétrique et classique mais il penche pour la stratégie asymétrique ; ajoutons à cela, des frontières poreuses et loin d'être hermétiques compliquant la tâche de nos unités militaires.
Devant cette conjoncture cruciale où le front libyen constitue la priorité des priorités, l'idéal serait d'intervenir pour contrer la menace avant qu'elle ne nous atteigne de plein fouet. Toutefois, il se trouve que ce genre d'intervention limitée et éclair, à l'instar de la Blitzkrieg allemande, exige des aptitudes et du know - how militaires hors de portée.
Deux options nous sont offertes : Le choix de mener l'intervention de manière unilatérale ou de procéder dans un cadre multilatéral en se joignant à la future coalition, qui ne tardera pas à intervenir, selon l'article 7 de la charte Onusienne, en Libye, pays livré aux seigneurs de la guerre et à la horde barbare.
 
Notre pays a le choix d'agir avec réalisme et pragmatisme s'il souhaite préserver sa souveraineté, son intégrité territoriale et sa sécurité nationale.
Par ailleurs, il convient de faire les deux constats ci- après:

  • Avoir affaire à EL Quaida ou à DAECH , ce n'est pas avoir affaire à Katibet Okba. En d'autres termes, nous n'avons plus affaire à un terrorisme " tunisien ". Le terrorisme ne s'est pas internationalisé idéologiquement seulement ; il s'est internationalisé sur les plans du commandement, de l'endoctrinement, du recrutement et sur les plans tactique et logistique.
    Or, une stratégie conçue pour éradiquer quelques " égarés " des maquis locaux, n'est pas forcément adaptable à un terrorisme sans frontières.
  • Une année après sa proclamation ( le 28 juin 2014 ) sur les territoires conquis à cheval entre l'Irak et la Syrie , DAECH semble en mesure de survivre des années grâce à ses ressources financières et ses capacités militaires. Outre le pétrole, il extorque des fonds, collecte des impôts et vend des biens pillés lors de ses conquêtes.

Au plan militaire, il bénéficie de l'expérience de ses fondateurs, dont nombre sont   d'ex-officiers et membres des services de sécurité de l'ancien régime. Il s'appuie aussi sur un large réservoir de recrues, notamment de combattants étrangers, et sur un stock considérable d'équipements, d'armes légères, d'artillerie, d'armes antichars, de blindés... Etc .

2/- La défense opérationnelle du territoire (DOT)

La décision de faire appel à la réserve de l'armée est salutaire à plus d'un titre. Je l'ai suggéré à plusieurs reprises depuis la prolifération des actes terroristes. Les unités de l'armée d'actives ont en besoin.
Maintenant, quid de ces renforts précieux à part compléter les tableaux des effectifs et de dotations de certaines unités déployées sur les frontières et étoffer leurs rangs afin d'être numériquement en mesure de reprendre l'initiative.

Je crois que le moment est propice pour la création d'une organisation à la française dite : La Défense Opérationnelle du Territoire. Il s'agit d'une conception nouvelle destinée à défendre l'intérieur du territoire national dans laquelle la participation de la réserve militaire ainsi que la participation civile sont accrues.

Les enseignements de la seconde guerre mondiale, notamment le combat des maquis, puis ceux de la guerre subversive menée par ses anciennes colonies ont amené la France à créer en 1962 la DOT. Le concept en vigueur est celui actualisé en 1973 et le décret qui constitue sa charte  précise ce qu'est cette DOT .

Définition de la DOT 

"C'est une des formes de la défense militaire destinée, en liaison avec les autres forces de défense, à assurer la liberté et la continuité de l'action gouvernementale ainsi que la sauvegarde des organes essentiels à la défense de la nation ".

En clair, cela se traduit pour nous comme suit :
Organiser un nouveau Corps autonome en mesure de garantir l'intégrité des organes de décision gouvernementale ( Ministère , siège de gouvernorat , institutions publiques...), préserver ceux essentiels à la vie de la nation (Secteurs de l'énergie, de télécommunications, de transport, de l'alimentation ....) et sécuriser certaines installations vitales à l 'économie nationale  ( banques, ports et aéroports ...)
 
Opter pour une telle organisation c'est garantir le triple avantage suivant:

  1. Permettre aux unités militaires de se concentrer sur le cœur de leur métier, à savoir le combat, la valorisation du terrain pour contrer toute attaque adverse, le développement de leurs capacités physiques, techniques, intellectuelles et matérielles et aussi leur faire bénéficier de quelques moments de répit. La crise risque de s'éterniser.
  2. S'opposer aux actions terroristes à l'intérieur du territoire
  3. Mener des opérations de résistance en cas d'invasion

La DOT n'est pas un état d'exception puisque les pouvoirs dont elle peut entraîner ne sont que des pouvoirs de droit commun.
La DOT n'est activée que sur décision du gouvernement. Elle peut s'appliquer sur tout ou partie du territoire national. Sa mise en œuvre entraîne les trois conséquences suivantes:

  • Le Commandement désigné de la DOT devient partie intégrante du Commandement Supérieur Interarmées
  • Les plans de défense préalablement établis sont immédiatement exécutés                                  
  • Les besoins opérationnels primordiaux sont mis à la disposition

Si la menace reste ponctuelle (quelques terroristes menaçant quelques points sensibles), l'application de ces dispositions pourra être aussi limitée que possible de manière à ne pas troubler toute la vie du pays

Composition de la DOT

La Garde nationale est la composante majeure de la DOT avec ses escadrons mobiles, ses pelotons de renseignements et ses commandos d'intervention rapide.
C'est pourquoi le découpage du territoire en zones de défense devrait faire coïncider les limites de ces espaces avec celles des arrondissements relevant du Corps de la Garde nationale .
 
Quant à l'armée, elle participe à la DOT essentiellement par les réservistes locaux sélectionnés et instruits dans leurs zones d'action éventuelles .

La population civile sera appelée à contribuer à la recherche du renseignement par le biais des Comités de vigilance constitués à cette fin et rattachés à la DOT .

Évidemment ce papier n'est qu'une esquisse de cette nouvelle conception qui, le cas échéant, fera l'objet d'une étude exhaustive par une commission au sein du nouveau Centre des Études Stratégique de l'armée tout récemment constitué. Il pourrait constituer une piste sérieuse à explorer en matière de lutte antiterroriste .

En guise de conclusion, je dirais que le moment est venu de se prendre en charge, de compter sur soi et de se battre pour empêcher que ce qui se trame et a pour nom le pire, ne survienne.
Le feu est partout autour de nous, mais on continue de se dorloter : " il est encore loin ! ". Si nous continuons de laisser faire, si chacun attend que les autres commencent, le pays s'écroulera et DAECH qui n'est plus loin de nos frontières et dont les bases morales sont déjà solidement installées en Tunisie nous réduira à l'esclavage. On surveillera peut-être du ciel, de terre et de mer les voies et pistes menant à notre territoire oubliant que le monstre est déjà là , dans nos murs, sous l'aspect de quelques dizaines de jeunes et de moins jeunes qui n'attendent que le moment de faiblesse propice pour s'habiller de noir et commencer à décapiter et à charcuter .

Nous n'avons plus de temps à gaspiller et il n'y a aucune raison de ne pas profiter de l'expérience des autres. La DOT française en est un exemple.

Le Colonel (r) Mohamed Kasdallah

 

 

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