Béji Caid Essebsi : Islam et non islamisme - La stabilité et la sécurité du nord et du sud de la méditerranée intimement liées
Le Président de la République a parlé haut et fort à la France mais aussi à la Tunisie et au monde, à travers l’émission « le grand rendez-vous « diffusée sur Europe un, i télé et d’autres médias français.
Beji Caid Essebsi, en communicateur et homme politique confirmé et avisé a su choisir le moment et le lieu mythique et désormais connu du monde entier, le Musée du Bardo pour expliquer sa vision et celle de la Tunisie par rapport aux problèmes de l’heure.
En choisissant le Musée du Bardo, lieu du carnage perpétré par le terrorisme aveugle et abject, le Président de la République a réaffirmé la réappropriation par la République de ce symbole de la culture tunisienne et universelle qu’il voulait par son geste purifier du sacrilège dont il a été l’objet.
Geste fort de la détermination de l’Etat dans la protection de la sécurité, de la stabilité et de la poursuite de réalisation du processus de démocratisation du pays, cibles principale des terroristes.
Parmi les idées fortes évoquées par le Chef de L’Etat, on peut souligner certaines orientations fondamentales et particulièrement la distinction claire entre Islam et islamisme. La Tunisie est le pays de l’Islam authentique et non de l’islamisme. Autrement dit, les Tunisiens sont musulmans et n’ont besoin ni d’être islamisés, ni fanatisés. Ils ont réussi, à réaliser ensemble, toutes tendances politiques confondues, une constitution civile moderne, ouverte sur le monde du vingt et unième siècle dans une Nation enracinée dans ses fondements arabo-islamiques.
L’Etat, a affirmé le Président, est en charge de protéger ces choix fondamentaux et de construire la Tunisie du vingt et unième siècle, en en adoptant les exigences des progrès scientifique et technique et auxquelles nous nous devons d’adhérer.
Et le Président Caïd Essebsi d’en venir à l’un de ses principaux objectifs : La réforme de l’enseignement qui doit épouser les mutations qui marquent le monde et permettre à la Tunisie d’accéder au progrès nécessaire à son développement et à la satisfaction des attentes des Tunisiens et notamment les jeunes de plus en plus nombreux à être marginalisés par le chômage.
Aux interrogations insistantes des confrères français qui rebondissaient sur l’annonce du Président concernant les quatre cents bourses d’études accordées par les Etats-Unis d’Amérique aux étudiants tunisiens, le Président a tout simplement répondu : Oui nos étudiants sont de plus nombreux à étudier aux Etats-Unis parce que d’abord nous voulons qu’ils aient une formation adéquate dans les prestigieuses universités américaines, ensuite parce que les Etats-Unis veulent bien faciliter l’accès de nos étudiants, à leurs universités en réduisant les contraintes à leur entrée dans leur pays et en leur accordant des bourses.
Comme jean Pierre Elkabache et ses confrères insistaient pour savoir si cela voulait dire que la Tunisie se tournait désormais davantage vers Les USA plutôt que vers la France , le Président a répondu que les difficultés rencontrées par nos étudiants pour se faire admettre et avoir des bourses en France pourraient aussi expliquer les choix tunisiens en la matière. Autrement dit, si la France et l’Europe se montraient plus accueillants pour nos étudiants, il y’aurait plus d’affluence sur les universités françaises tout aussi prestigieuses. Clin d’œil du Président : Le nombre d’étudiants tunisiens en France était pourtant (deuxième moitié du siècle dernier NDLR) le plus important par rapport aux étudiants étrangers dans ce pays ami!
Tout en exprimant sa compréhension face aux difficultés économiques qui pourraient expliquer le peu d’aides en volume que la France et l’Europe accordent à la Tunisie, le Président Essebsi a martelé que la stabilisation et l’assurance de sécurité au nord de la Méditerranée sont intimement liées à la sécurité et à la stabilité des pays du sud et notamment de la Tunisie. Comprenons qu’il s’agit là de la part du Président Essebsi de l’affirmation d’une priorité absolue : L’Europe ne peut pas ne pas tenir compte et réagir concrètement en aidant substantiellement la Tunisie.
La paix et le progrès dans la région méditéranéo-européenne est à ce prix.
Sans omettre de souligner la vague de réaction de solidarité exprimée vis-à vis de la Tunisie, le chef de l’Etat a tout de même dit que les promesses solennellement annoncées (depuis la réunion de DAVOS à laquelle il avait été invité en tant que premier ministre, il y’a trois ans NDLR), n’ont pas connu ou très peu de réalisations concrètes.
Les propos du chef de l’Etat laissent entendre une évidence : La nécessité de l’élargissement de la coopération de la Tunisie pour englober davantage les Etats-Unis d’Amérique, le Canada, l’Asie et d’autres ensembles et régions « demandeuses » de resserrement des liens avec la Tunisie. Facteur primordial dans le déploiement de notre « diplomatie économique « concept aujourd’hui à la mode dans un monde en course permanente pour les projets « gagnant/ gagnant » grâce à une diplomatie qui jure avec les protocoles d’antan et s’incruste dans le réel d’aujourd’hui exigeant l’exploration et le marketing des marchés nouveaux, l’adaptation des législations afin de faciliter l’accueil des investissements étrangers loin des complications procédurales et administratives. Pour y parvenir, la diplomatie tunisienne se doit de mieux communiquer, mieux faire connaitre notre pays et y attirer davantage la curiosité et l’intérêt des opérateurs économiques étrangers. Nos ambassades disposent désormais d’une plus grande liberté d’action pour agir et consolider leurs positions et oser des initiatives en tant qu’avant postes de la présence du made in Tunisie sur les places internationales.
Le programme économique du parti du Président accorde de l’importance à « la diplomatie économique » et beaucoup de travail reste à entreprendre dans ce domaine pour desserrer l’étau de la « domination européenne » sur nos échanges, librement consentie et acceptée par nos gouvernements successifs et par nos promoteurs pour cause de solution de facilité dictée soit disant par la proximité culturelle et géographique.
Ce n’est pas par hasard que l’on surnomme « tigres » les pays asiatiques qui trônent aux premiers rangs de l’économie mondiale. Ils y sont parvenus à force d’engagement patriotique, d’efforts et de sacralisation du travail. Certains pays comme la Corée étaient au même niveau de vie et de développement que la Tunisie pendant les années soixante. Ils ont gagné le pari du progrès par leur détermination, leur acharnement au travail et leur patriotisme.
Notre défi aujourd’hui est de gagner le même pari.
Ce n’est nullement une vue de l’esprit si, comme l’a souligné le Président, les Tunisiens unissaient leurs efforts pour restaurer et réhabiliter la valeur travail. Elle constitue, avec la réforme de l’enseignement et la consolidation de l’unité des tunisiens par la réconciliation nationale, la garantie suprême de la réussite des politiques de développement et l’arme efficace pour la lutte contre le terrorisme et la préservation de la sécurité de la Tunisie .
Mustapha Khammari
Journaliste
Ancien Ambassadeur
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