Les Journées de la Charte universitaire: Quelle charte, pourquoi et comment ?
Notre Université a connu la très forte croissance de plusieurs indicateurs principaux comme l'effectif des étudiants, le nombre d’établissements universitaires, l’effectif des diplômés et l’activité de recherche scientifique. Elle s’est également caractérisée par l'éclatement géographique, la diversification académique et celle des filières de formation.
Cependant, cette augmentation quantitative et cette diversification se sont accompagnées d’une dégradation de la qualité de la formation dispensée. L'université, qui a été un facteur d’ascension sociale pendant les 25 premières années de l’indépendance forme aujourd’hui des diplômés dont beaucoup sont au chômage. La présence de pôles d’excellence dont les étudiants sont brillants, à côté d’institutions où la formation souffre de nombreuses lacunes et qui forment des diplômés dont le taux de recrutement reste faible, est un autre paradoxe de l’Université tunisienne qui nous interpelle fortement.
En dépit des efforts fournis, beaucoup reste encore à faire pour atteindre les normes internationales rapportées à la taille de la population. Le rythme effréné de la croissance de l’université a également entraîné de nombreux dysfonctionnements au détriment de la qualité et de l’efficacité scientifiques et parfois de l’éthique. Les normes de la vie académique et même les règles éthiques et déontologiques se trouvent, par là même, de moins en moins respectées et les processus d’amélioration de la performance de moins en moins maîtrisés.
Ces écarts par rapport à la norme scientifique, et parfois à la déontologie, se sont parfois transformés en violation des libertés académiques aussi bien par le pouvoir politique que par certaines parties mues par des considérations religieuses, idéologiques ou politiques , ce qui a engendré une levée de boucliers et une résistance stoïque menée par les partisans d’une vision de l’Université qui fait du respect des libertés académiques une règle et de l’autonomie de l’institution universitaire une loi indispensable pour la bonne gestion, la bonne gouvernance de l’Université et le progrès d’une nation.
Les universitaires et la société ont engrangé les dividendes de cette lutte avec la constitutionnalisation toute récente des libertés académiques. Les lois futures sur la vie universitaire doivent confirmer ces acquis pour couper court aux velléités d'interprétation restrictive de la Constitution de 2014, émanant des nostalgiques de l'asservissement de l'Université.
C'est dans ce contexte où les universitaires sont appelés à trouver les solutions pour l'amélioration de la qualité de l'enseignement et de la recherche et à renforcer, pour ce faire, l'autonomie de l'institution universitaire tant au niveau de sa gestion et de son fonctionnement que par rapport aux idéologies et aux courants politiques, que l'Association tunisienne de défense des valeurs universitaires ( ATDVU) a initié un projet ambitieux d'élaboration d'une Charte universitaire selon une démarche, une pédagogie et une méthodologie qui ont pour objectif la participation de toutes les parties prenantes à l'université ( les enseignants-chercheurs, les chercheurs, les étudiants, le personnel administratif et ouvrier, leurs syndicats, leurs associations, leurs représentants aux instances de gestion, les personnalités indépendantes du monde universitaire) à cette oeuvre et la diffusion la plus large possible des valeurs universitaires.
Dans un environnement socio-économique, institutionnel et politique qui a connu des mutations profondes, l'ATDVU estime, dans cette étape cruciale de notre histoire, indispensable la réaffirmation de principes généraux et le renouvellement des règles de fonctionnement pouvant garantir à la fois la crédibilité pédagogique et scientifique de notre université, son indépendance par rapport aux idéologies, sa bonne gouvernance et le progrès de la Nation.
Il s'agira également d'adopter les valeurs conçues pour instituer des pratiques universitaires conformes à l'éthique et à la déontologie et éviter toutes sortes de dérapages. La Charte universitaire réaffirmera également les règles générales issues des normes universelles et de notre tunisianité.
Ce projet intitulé « Les Journées de la Charte universitaire » verra la participation de toutes les parties concernées à un cycle de séminaires, de tables rondes, d'ateliers, à des travaux de commissions, à des enquêtes, à des sondages d'opinion dont les étapes seront fixées par le bureau directeur de l'ATDVU et par un comité de pilotage représentatif créé à cet effet. Le projet comportera également un cycle de formation destiné au personnel administratif et ouvrier, aux étudiants et aux jeunes enseignants et chercheurs.
La première étape de ce cycle intitulée « Journées de la Charte: Quelle Charte universitaire,pourquoi et comment ? » aura comme sous-titre « introduction au débat et propositiotns inaugurales » et se déroulera pendant les journées du 26 et 27 février 2015. Les intervenants seront appelés à faire l'état des lieux à l'Université et des valeurs universitaires dans tous leurs aspects (état de la formation, de la recherche, état de la législation au regard des libertés universitaires et par rapport aux normes internationales de qualité et d'efficience, problèmes de gouvernance, d'éthique etc.) afin de suggérer les orientations de la charte envisagée pour renforcer les aspects positifs ou pour remédier aux dérives, Il y aura aussi des propositions inaugurales pour la conception, la composition de la Charte et pour certains aspects de son contenu .
Le cycle s'achèvera par une cérémonie solennelle de signature de la Charte dont la date sera fixée par les organisateurs et qui pourrait coïncider avec la célébration de la Journée mondiale de l'éducation le 5 octobre 2015, Les étapes intermédiaires seront définies à la suite d'un large consensus au sein du comité d'organisation qui s'inspirera, des recommandations recueillies au cours des débats qui les auront précédées.
Habib Mellakh
secrétaire général de l'ATDVU
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