News - 16.01.2013

La Constitution sous le feu roulant des critiques des experts

Bien que jugé meilleur que la mouture initiale, l’avant-projet de la Constitution a provoqué un feu roulant de critiques des experts lors de la Journée d’étude Abdelfattah Omar, consacrée à « Une lecture de l’avant-projet de la Constitution » et organisée mardi par l’Association internationale de droit constitutionnel et l’association pour la recherche sur la transition démocratique. De grands noms du droit constitutionnel y étaient présents pour donner, chacun, une lecture du texte censé servir de « contrat » pour l’ensemble des Tunisiens et donc dans lequel chaque Tunisien doit se retrouver. En face, dans la grande salle de conférences de la Bibliothèque nationale, deux personnages clés de la rédaction de la Constitution ont tenté de faire front aux « empêcheurs de légiférer en rond » : Dr Mustapha Ben Jaafar et Me Habib Khedher.

En toute logique, le président comme le rapporteur général de la commission générale de coordination et de suivi de la rédaction de la Constitution n’ont pas cessé de défendre la qualité et la pertinence du projet proposé. Les experts soutiennent le contraire en relevant d’innombrables lacunes, risques de dévoiement et autres insuffisances, qu’il s’agisse de garantie du caractère civile de l’Etat, pas du tout assuré, en l’état, d’absence de référence à l’universalité des droits de l’Homme, de restrictions de fait aux libertés pour des considérations trop vagues ou même de remise en cause de principes élémentaires comme la suprématie des traités et accords internationaux par rapport à la législation nationale, y compris la loi fondamentale. Et ce ne sont que des exemples.

Face à chaque critique, Dr Ben Jaafar relativise souvent par un « la vérité n’est ni noire ni blanche » et met en cause un « juridisme trop tatillon ». Le toujours sourcilleux rapporteur général est beaucoup moins diplomatique : « Nous écoutons volontiers les experts pour nous éclairer la lanterne mais ce ne sont pas eux qui sont mandatés par le peuple pour donner une Constitution au pays. C’est aux députés et à eux seuls, parce que élus, que revient cette charge en premier et en dernier ressort. Tout le reste n’est que liberté d’expression », assène-t-il.

Un des premiers à intervenir, l’ancien président de la Haute instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, yadh Ben Achour s’est de nouveau élevé contre le risque de glissement vers un possible retour de la dictature en Tunisie, cette fois sous un voile religieux. Pointant du doigt le refus d'admettre l'universalité des droits de l'Homme et d'inscrire la liberté de conscience et de pensée ainsi que la liberté de culte dans le Préambule de la Constitution. Si le principe d’Etat civil est évoqué dans le Préambule, dit-il, il vidé de toute sa substance par l’article 148 qui met en avant le référentiel islamique de l’Etat.

Pour Ghazi Ghrairi, professeur de droit constitutionnel et Secrétaire international de droit constitutionnel, le plus important consiste maintenant à remédier aux lacunes et anomalies relevées par les experts, estimant que le projet proposé est très en-deçà des attentes. Il a également critiqué l’article 95 qui, dit-il, ouvre la voie à la création de corps et autres organismes armés, des milices, par exemple, en dehors des forces armées et des forces de sécurité intérieures, ce qui remet fondamentalement en cause la fonction régalienne de l’Etat.

Un autre constitutionnaliste, Slim Laghmani, a traité est revenu le volet méthodologique. « Les chapitres sont imbriqués, et les articles ne sont pas dans le bon ordre, déplore-t-il, citant en exemple un chapitre consacré aux droits et libertés dans lequel on devrait retrouver tous les droits et libertés, alors que certains se retrouvent dans plus d’un chapitre ou dans un chapitre qui n’a rien à voir avec le sujet. Les libertés individuelles, sont elles aussi dispersées, parfois intercalées par des droits politiques pour les partis et associations. Il déplore aussi la mention faite des « constantes de l’Islam » alors qu’il y a des «constantes des Chiites qui ne sont pas celles des sunnites, celles des Malekites ou même celles du wahabisme »… Il récuse également avec force l’expression plus qu’équivoque d’ « épreuve de force politique » (Attadhafaa assiyessi), lui préférant « la compétition politique.


 

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1 Commentaire
Les Commentaires
Imed ben hamdene - 17-01-2013 09:47

Bravo ben jaafar. Ceux sont ces "experts" qui étaient à l'origine des problèmes dont soufre le pays aujourd'hui .

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