News - 04.11.2012

L'état des libertés en Tunisie : faut-il s'en inquiéter ou en relativiser les dangers?

Jamais on n’avait cru, au lendemain même du 14 janvier, qu’on devait un jour se soucier de l’état des libertés publiques et individuelles, ne voyant à travers la révolution qu’une large voie ouverte à tous et dans tous les domaines. D'où le grand désenchantement au vu de tant de menaces qui s’exercent contre la transition vers la démocratie. Tel est le sentiment largement partagé par les participants à la table ronde inaugurale de la nouvelle Fondation Averroès pour la démocratie et le progrès, tenue samedi à Dar Sébastien, Hammamet. 

Abdessettar Ben Moussa, président de la LTDH et son prédécesseur, Mokhtar Trifi, Néjiba Hamrouni, présidente du Syndicat national des journalistes, Abdelbasset Belhassen, président de l’Institut arabe des Droits de l’Homme, Souad Abderrahim, élue d’Ennahdha et Samir Bettaieb, élu d’Al Massar à l’Assemblée nationale constituante, Habib Kazdaghli, doyen de la faculté des Lettres de la Manouba, Ahmed Souab, président du syndicat des magistrats du Tribunal Administratif, Mohamed Seghaier Ouled Ahmed et Khalil Hannachi, journaliste à Dar Assabah, dresseront tour-à-tour l’État des lieux, apportant des témoignages accablants. Parmi le public, Nja Mahadoui, Mustapha Kamel Nabli, Ahmed Smaoui, Chafik Gueddas, Faouzi Charfi, Abdeljélil Bédoui, Mohamed Haddar, Ali Chaieb, Nadia Chaabene, Slim Loghmani, Saida Guerrache et bien d’autres suivent attentivement les débats.
 
Abdessettar Ben Moussa a  évoqué « le lourd climat qui prévaut dans le pays et au sein de nombreuses corporations, avec la recrudescence de la violence et des abus de tous genres ainsi que l’émergence de ces comités de défense de la révolution». Evoquant le décès de Lotfi Nagedh, il a fait de sa surprise, en arrivant quatre jours après, à Tataouine, lorsqu'il a constaté à l’entrée de la ville l’existence d’une grande banderole appelant à « une journée d’éradication ».Renseignement pris, c’est grâce à la nacelle de la municipalité (passée sous le contrôle d'Ennahdha) qu’elle avait été accrochée.
 
« Si cette violence persiste, serons-nous en mesure d’organiser des élections libres et indépendantes », s'est-il demandé. Et d’ajouter : « nous voulons que l’autorité en place réussisse, conscients que nous sommes des périls qui nous guettent alors ».
 
Ces grands dangers, Abdelbasset Belhassen, les détaillera, même si Souad Abderrahim s’efforcera de les relativiser. « Les appréhensions sont légitimes, dira-t-elle, mais exagérées. Le grand signe positif, c’est la vigilance de la société civile qui exerce un véritable contre-pouvoir ».
 
Mokhtar Trifi, ancien président de la LTDH, a  son explication quant au recul des libertés en Tunisie. « Depuis les élections du 23 octobre 2011, souligne-t-il, aucune loi relative aux libertés et aux droits de l’Homme n’a été votée et les textes d’application des décrets-lois pris en la matière au lendemain de la révolution n’ont pas encore vu le jour ».
 
Néjiba Hamrouni a rappelé pour sa part qu’une année a été perdue dans des débats stériles sur des évidences et que des tentatives se poursuivent pour instituer de nouvelles autorités de tutelle sur l’information. « En l’absence d’un cadre juridique approprié et d’instances spécialisées, regrette-t-elle, nous assistons une course effrénée au lancement de nouveaux médias, sous différentes motivations, et sans respect de la déontologie. Nous sommes en train de payer le prix des dérapages de tous genres ».
 
Mohamed Seghaier Aouled Ahmed, en poète-rêveur est plus optimiste. « C’est, dit-il, une mauvaise passe comme dans un match de foot où le défenseur donne la balle, par mégarde, à un attaquant adverse. Mais la partie n’est pas pour autant perdue. Même si nous appréhendons l'avenir. L’art est cependant un pouvoir. Certains l’ignorent ou lui tournent le dos, comme Ennahdha qui ne brille pas par une créativité particulière. La question ne se pose pas pour ses adeptes. La Troïka a certes gagné, pour le moment, le pouvoir, mais elle a perdu le peuple. Aujourd’hui, il y a deux grands inconnus en Tunisie : le sacré et le peuple. Nous finirons par le savoir».
 
Habib Kazdaghli signalera que la régression des libertés dans l’espace académique et universitaire n’est pas seulement l’œuvre des nouvelles autorités au pouvoir, mais aussi de groupes internes comme l’a déjà subi la faculté de la Manouba, depuis quelques années lors de l’hommage qu’elle voulait rendre à Paul Sebagh. « Le grand réconfort, souligne-t-il, vient de la solidarité agissante de la société civile et de la communauté universitaire».
 
Samir Bettaieb, élu d’Al Massar à l’ANC, analysera les marqueurs de l’état des libertés, appelant à hisser le curseur au plus haut . «Sans exagérer les craintes, ni les banaliser », avertit-il.
 
D’autres intervenants, Slim Loghmani, Nadia Chaabane, Saida Garreche, Taoufik Ben Abdallah, notamment, iront dans le même sens, enrichissant le débat instauré par la Fondation pour la démocratie et le progrès. Ghazi Gherairi, l’un des principaux promoteurs de cette initiative, l’avait clairement indiqué dès l’ouverture de la table ronde : « Nous sommes partisans. Partisans des libertés, de la démocratie, du progrès, de tous les droits»…Hakim Ben Hammouda, clôturant les travaux, abondra dans le même sens.
 
 Pour marquer son démarrage et révéler son ADN, la Fondation Averroès pour la démocratie et le progrès a choisi une bonne rampe.
 
 
 
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