La route vers une Tunisie libre indépendante et démocrate
L’histoire de notre pays nous a appris que l’ouverture à l’autre et l’esprit de tolérance sont une source de richesse alors que le fanatisme, le despotisme et l’intolérance sont liés aux heures les plus sombres de notre histoire. La tyrannie n’a fait que bloquer l’esprit créateur et réduire le potentiel humain. Elle a souvent été accompagnée de pratiques sectaires. Ainsi, comme on peut le constater en lisant notre histoire depuis l’antiquité, les nouveaux conquérants porteurs de nouvelles civilisations ont essayé de faire table rase de celles qui les ont précédées en détruisant le bon et le mauvais. Nul ne peut compter le nombre de richesses intellectuelles et monumentales irremplaçables qui ont été perdues. Notre histoire devrait nous servir de leçon pour ne pas reproduire les mêmes erreurs. La révolution tunisienne est un moment extraordinaire qui nous a montré la force et la volonté d’un peuple de se battre pour sa dignité et se débarrasser de ses chaînes mais il faudrait maintenant qu’on soit vigilant pour sauvegarder les acquis de ce combat. Pour nous reconstruire, nous ne pouvons pas tout détruire et faire table rase du passé. Nous devons au contraire s’attacher à sauvegarder ce que notre peuple a su construire de bien durant ces dernières décennies. Toutefois, il faudrait qu’on opère une réelle analyse de tous les dysfonctionnements qui ont paralysé le pays car un bon diagnostic permet toujours de donner les meilleures solutions. Sur le plan économique, il faudrait qu’on garantisse une meilleure redistribution des richesses au niveau des régions. La moitié du pays vit dans la misère et souffre de terribles injustices alors qu’elle recèle d’importantes sources de richesses. Il faudrait prévoir un plan national pour remédier à ce problème et favoriser les investissements non plus en se contentant de mesures fiscales mais en améliorant les infrastructures routières, ferroviaires, aériennes, médicales, éducatives, de santé … En somme, augmenter l’attractivité de ses régions pour faire de la Tunisie un centre international pour les affaires et une destination privilégiée. Mais pour se sentir concerné par ce projet socio-économique-culturel, le Tunisien doit être un citoyen à part entière qui jouit de tous ses droits, qui est aussi conscient de ses devoirs. L’Etat doit le protéger et œuvrer pour le bien commun et non pas en faveur d’intérêts particuliers. Le citoyen tunisien doit pouvoir se référer à une justice indépendante quand ses droits sont lésés et s’exprimer dans une presse indépendante mais responsable où la liberté d’expression et l’indépendance devraient être garanties. Pour traverser avec succès cette période de transition et éviter de tomber dans l’anarchie, ou pire encore, dans une nouvelle dictature, nous devons faire confiance à la justice pour juger toute personne qui a commis un délit ou un crime à l’encontre de notre peuple mais cette justice transitionnelle ne doit pas passer par des règlements de comptes ou une chasse aux sorcières. Elle doit être juste et conforme au Droit. Et j’insiste sur le fait que chaque citoyen tunisien qui a toujours accompli ses devoirs, a le droit, sinon le devoir, de demander des comptes devant la justice pour toute affaire qui concerne les dépassements qui ont été commis.
Conscients que les idées, les idéologies et les intérêts des uns et des autres divergent, il nous faut en vue de cela établir des règles de vivre ensemble sur la base des valeurs de tolérance, de compréhension et d’ouverture qui ont animé notre histoire et en restant fidèles aux valeurs arabo-musulmanes qui constituent notre identité. Toute forme de racisme et discrimination doit être combattue, qu’elle soit basée sur la couleur, le sexe ou encore sur l’appartenance ethnique et religieuse. Nous devons établir de nouvelles règles de fonctionnement basées sur la confiance et le respect de l’être humain qui garantiraient les droits de chacun selon les principes de la bonne gouvernance car la Tunisie a aujourd’hui besoin de toutes les compétences et de toutes les énergies, pour bâtir un véritable Etat de droit et une démocratie qui se fonde sur les principes de justice, de tolérance, de compréhension et d’ouverture. Ainsi, les règles démocratiques et le principe des élections doit fonctionner dans toutes les institutions du pays et à tous les niveaux, c'est-à-dire non seulement en politique mais aussi dans les corporations professionnelles. Ainsi, chaque responsable devra rendre compte à ses électeurs et sera sanctionné par les votes s’il n’est pas compétent.
Il ne faut pas oublier aussi que l’apprentissage et la culture sont la meilleure arme contre l’obscurantisme. Un peuple cultivé est un peuple responsable qui fera toujours les bons choix. Dans le cadre d’une démocratie, il faut soutenir et renforcer la société civile ainsi que toutes les actions culturelles. Toutefois, il est impératif de nettoyer et de réformer toutes les associations qui se sont multipliées ces deux dernières décennies et qui n’ont fait que servir le régime en place et défendre des intérêts individuels. Notre peuple a tellement souffert de ce fléau qu’il faudrait garantir l’indépendance des associations par rapport aux partis politiques et des intérêts privés.
N’oublions pas aussi que c’est grâce au savoir qu’un peuple peut évoluer. C’est pourquoi nous devons faire de la connaissance une valeur primordiale. Afin de pouvoir suivre l’évolution rapide du monde et nous imposer dans le monde du savoir, il faudrait instaurer l’obligation de formation continue dans tous les domaines et dans tous les corps de métier.
Au niveau économique, il faudrait établir un plan de développement global dans le cadre duquel pourrait s’inscrire différents projets. Le plus important, ce n’est pas seulement de faire des projets mais de faire des projets structurés, intégrés dans une vision de développement globale et surtout, qui seraient régionalement intégrés avec une vision socio-économique-culturel. Nous avons un petit pays et un marché intérieur limité, par contre nous avons une position géographique stratégique. Nous sommes à la croisée de l’Europe et de l’Afrique, de l’Asie et du continent américain. Nous devons non seulement nous ouvrir à tout le continent africain mais aussi jouer notre rôle de pont entre l’Afrique et l’Europe, l’Amérique et l’Asie. Pour faciliter les échanges entre la Tunisie et le reste des continents, il faudrait établir des liaisons aériennes directes avec plusieurs pays et multiplier les échanges culturels qui vont de pair avec les échanges économiques. L’enseignement supérieur privé pourrait jouer dans ce cadre un rôle essentiel. Nos facultés privées accueillent beaucoup d’étudiants qui viennent de différents pays d’Afrique et il faudrait encourager ce mouvement par sa mise à niveau pour assurer la qualité. A titre d’exemple, le Maroc offre à peu près les mêmes services que nous au niveau de l’enseignement et en plus, il offre des lignes aériennes directes en direction du reste de notre continent. Si nous ne faisons pas la même chose, nous verrons nos possibilités se réduire et nous ne serons pas compétitifs. Le même raisonnement est valable pour les autres secteurs.
Pour finir, je souhaiterais lancer un appel aux médias pour qu’ils commencent à traiter des véritables dossiers de la transition démocratique et du développement économique. En effet, le modèle économique que va suivre la Tunisie, les réformes de la justice, de la fiscalité, de l’enseignement et de la santé, la promotion de la culture et la sauvegarde du patrimoine, sont des questions qui concernent tous les citoyens et il faudrait des débats publics transmis dans les médias pour qu’on puisse trouver ensemble la voie à suivre.
La Tunisie moderne a été construite par des hommes et des femmes de bonne volonté qui ont fait de notre pays ce qu’il est aujourd’hui et c’est grâce à toutes ces compétences que nous devons rester confiants dans l’avenir. Il faudrait qu’on mette de côté tous nos différends idéologiques et politiques et travailler main dans la main pour sauvegarder nos acquis, en acquérir d’autres et faire en sorte que notre chère Tunisie rayonne dans le monde entier. Soyons solidaires pour sauvegarder l’intérêt général qui doit passer avant toute autre considération.
Prouvons et renforçons notre citoyenneté par l’accomplissement de nos devoirs civiques et même fiscaux.
Rejeb Elloumi
Président de l’association tunisienne pour la sauvegarde des musées et des sites archéologiques
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Toutes mes félicitations.Le bien fondé de son origine ne peut être que constructif.Je vous fais confiance,j'approuve vos idées simples ,profondes et sans démagogie.J'ajouterais peut être l'obligation de combattre la corruption qui a sévit notre société à tous les niveaux. Encore une fois,je partage votre analyse et vos suggestions citées à titre indicatifs,puisque son champ d'intervention est beaucoup plus large.