Hommage à ... - 20.06.2011

A Hatem Zghal, l'ami parti sans dire au revoir

A Hatem Zeghal, l’ami parti sans dire au revoir

Il n’aura pas savouré longtemps la chute de la dictature contre laquelle il s’était battu depuis sa prime jeunesse, endurant à 20 ans, la prison avec ses camarades de Perspectives. Hatem Zghal, philosophe, militant irréductible pour la liberté et la démocratie vient de s’éteindre. Son compagnon de lutte, Abdelhamid Larguèche lui rend hommage.

Tu es parti sans dire au revoir, sans même avertir, toi qui était si présent avant et après la révolution ; présent dans notre vie, présent dans l’amitié, dans la pensée et dans l’action.

Présent par ta sagesse et ta parole incisive. Tu nous as accompagné depuis le premier jour de la révolution discrètement mais profondément.

Nous avons rédigé ensemble le premier appel aux intellectuels de Tunisie pour qu’ils s’engagent dans la révolution de leur peuple et quelques heures avant ta mort tu mettais le dernier point au texte qui appelle le pays à un véritable consensus national.

Tu n’as raté aucun des moments forts de cette étape cruciale de notre histoire. Tu as fondé l’Initiative Citoyenne avec ses textes et son esprit hautement civils. Tu as désigné à cette révolution et à nous même les limites au-delà desquelles tout devient aventure et débordement. La valeur citoyenne était à la base de ta pensée et de tes propositions pour l’action.

Pour celles et ceux qui ne t’ont pas connu avant la révolution et qui t’ont apprécié respecté et aimé tu incarnais l’humilité, la sobriété et la lucidité.

Je dis simplement que ton parcours mérite qu’on s’y attarde un instant. Nous allons bientôt en témoigner amis, élèves, famille et compagnons.

A 20 ans tu étais déjà en prison pour ton combat pour les libertés avec Gilbert Naccache, Mohamed Charfi, Noureddine ben Khedher et d‘autres parmi les jeunes militants de « Perspectives ».
Michel Foucault, ton professeur de philosophie ne manqua pas d’attirer l’attention de la jeunesse française de mai 68 sur l’exemple à suivre de ces militants tunisiens qui se lancèrent dans un combat inégal avec courage et détermination.

Puis vint le temps des désillusions idéologiques et tu gardas tes convictions intactes pour t’investir dans les champs du savoir et de la philosophie et nous faire redécouvrir à la lumière de la métaphysique et de toute la philosophie grecque depuis Aristote les écrits des philosophes et des savants arabes ; tes amis parmi les académiciens comme Rochdi Rached, Ahmed El-Hasnaoui, Mohamed Ali Halouani, Salah Kchaou et d’autres témoigneront  de cet apport ainsi que d’autres de tes collègues et de tes étudiants de l’université tunisienne. Mais le devoir académique n’empêcha pas le citoyen d’être toujours là, éveillé et averti, dans les batailles syndicales et les combats démocratiques.

Et comme tout intellectuel patriote tu as toujours pétitionné lorsqu’il le fallait et dès 2001 tu as joint ta signature aux  nôtres dans le Manifeste des libertés qui mettait à nu le dictateur en lui disant  « monsieur le président tu as aboli la politique et tu as privatisé l’état s’il te plait va-t-en, ne te représentes pas en 2004 ». Dix ans après, la jeunesse a eu raison de Ben Ali, elle l’a chassé dans cette révolte exaltante et tu étais là pour vivre ce moment et accompagner la jeunesse de ton pays.

Tu es parti, on n’a plus rien à te dire sauf : « c’est trop injuste, ton départ est si précipité, si brutal, nous espérons trouver suffisamment de ressources pour continuer le chemin que tu as si bien semé de roses et d’espoir ».
Adieu Hatem

Abdelhamid Larguèche,
Mounir Kchaou

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8 Commentaires
Les Commentaires
Pr Ahmed JDEY - 20-06-2011 21:46

Hatem ZGHAL est parti sans retour; mais il a laissé des traces incontournables et mémorables; exemple d'intégrité, d'humilité, de sagesse, de savoir académique, il n'est pas inaperçu dans notre université comme ailleurs; ceux qui l'ont connu, j'en fais partie, apprennent beaucoup de lui; syndicalistes, militants politiques, universitaires de plusieurs horizons s'en rappellent non sans regret; certains de ses étudiants, j'en connais, l'ont pleuré;il avait pleinement sa place dans l'agora universitaire, syndicale et politique; l'histoire a voulu qu'il vive pleinement et à ses manières un certain vendredi 14 janvier 2011; il s'y trouvait en s'y identifiant; n'oublions pas qu'il est philosophe imbu d'histoire sociale tunisienne; il y croyant profondément; il y contribua par les moyens du bord, non sans difficultés et obstacles mais aussi avec espoir et confiance. Pr Ahmed JDEY, Historien, Université de Manouba.

Lamaïs - 21-06-2011 10:53

Merci à Abdelhamid Larguèche et Mounir Kechaou de cet hommage rendu à Hatem Zghal combien regretté par tous ceux qui l'ont approché. Que dire de sa famille, de ses amis et tous ceux qui croient en la liberté de pensée enrichie de créativité et jointe à une éthique inébranlable. Hatem a été l’intellectuel lucide et humble. La richesse, la profondeur et la diversité de ses connaissances ne l'a pas départi de sa modestie naturelle. Il est resté sans cesse à la recherche de la vérité et jamais enfermé dans les certitudes. Quand il discute, il enrichit son interlocuteur de son apport intellectuel et stimule sa réflexion et son esprit critique. En gardant son esprit ouvert aux idées de l'autre, il fait de la discussion une construction intellectuelle innovante, une opportunité de mutualisation des savoirs et d’examen critique des opinions qui co-évoluent tout en restant diverses. Installé dans cette posture, il était capable d’apprécier l’importance du bon sens ordinaire et d’engager une discussion profonde avec ceux qui n’ont comme référence que la spontanéité de l’expérience immédiate et la mémoire du vécu. Il était le critique incisif de l’irrationalité et celui sans concession de l’immoralité tout en restant avenant et respectueux de l’Homme. Il était sélectif dans ses relations et néanmoins affectueux, réceptif et toujours généreux. Hatem tu nous as quittés, nous qui voyons en toi l'intellectuel aux maintes qualités. Tu demeureras irremplaçable, toi qui nous a tant apporté, que nous avons tant aimé! La plaie de ta perte restera toujours ouverte dans nos consciences.

Maalla Taha Abderrafie - 21-06-2011 16:36

J'invite la communauté intellectuelle en Tunisie d'encourager et d'aider la famille du penseur Hatem Zghal, de proposer un prix universitaire qui porte de son nom.

Mohamed Ali Halouani - 21-06-2011 17:01

Merci Abdelhamid, merci Mounir d'avoir trouvé des mots émouvants et vrais pour rendre hommage à notre regretté Hatem. Une grande perte qui ne fait que raviver la flamme citoyenne d'un peuple meurtri.

Amel - 22-06-2011 20:16

C'est trés touchant et il restera présent à travers ses étudiants et ses amis dans ces moments critiques qui traverse notre pays

zemzemi mohsen - 23-06-2011 09:24

Personne ne peut dire ni au revoir ni avertir

zribi zouhir - 23-06-2011 19:08

Je remercie ses amis qui ont bien illustré la personnalité de si Hatem. ,J'ai connu Si Hatem au lycée ELHAii à Sfax ( 15 novembre), j'ai d'excellents souvenirs de si hatem qui était notre jeune professeur de philo. Il était attaché à des principes et des idéaux citoyens. Il était un militant du savoir Je salue son âme. Je souhaite que l’université de Sfax et de Tunis crée un prix au nom de ce militant du savoir. zz

ali bennasr - 24-06-2011 19:16

Comme beaucoup de ma génération du Lycée El HAÏ, j'ai connu Hatem Zghal comme professeur de philo, mais aussi comme militant de gauche, révolutionnaire et profondément humain. Hatem était pour nous, plus qu'un professeur, c'était un modèle rebelle, on se souvient de ses défenses acharnées des élèves et de leur droit à la parole, des altercations avec son oncle qui était directeur du Lycée et une figure politique de Sfax.

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