Opinions - 24.02.2025

Abdellaziz Ben-Jebria : Solastalgie des désespérés sur terre

Abdellaziz Ben-Jebria : Solastalgie des désespérés sur terre

Par Abdellaziz Ben-Jebria - J’exaltais souvent les mérites de la saison hivernale qui accueillait chaleureusement la joyeuse ambiance de la traditionnelle cueillette des olives. Cependant, l’hiver n’est pas toujours aussi réjouissant pour tout le monde, à commencer par les pauvres et les Sans-Abris qui sont privés de logements chauffés, de vêtements adéquats et de nourritures suffisantes, et qui doivent endurer d’énormes souffrances, souvent aggravées par les rigueurs climatiques propres à l’hiver. Pour ces gens-là, l’hiver est malheureusement synonyme d’une saison maudite. Mais, elle est aussi détestable pour d’autres catégories humaines qui sont abandonnées à leurs propres faiblesses, à leurs détresses, à leurs propres douleurs et à leurs propres sorts, dans l’insouciance, l’indifférence et peut-être dans la négligence de leurs proches et de leurs prétendus-amis ; bref c’est la "solastalogie" (détresse causée par l’absence de réconfort ou secours ; mot créé par le philosophe australien, Glenn Albrecht). Et pour étayer la tristesse de ce contexte social, je voudrais évoquer en cette saison qui touche à sa fin et que j’aimais pourtant bien, quelques désolantes histoires qui me tiennent à cœur, et qui se sont passées aux Etats-Unis, en France et en Tunisie. Elles diffèrent dans leurs déroulements solastalgiques, mais elles convergent vers la même fin tragique.

C’est d’abord l’histoire de Mitchell Snyder

Mitchell Snyder est un citoyen américain qui s’était dévoué pendant toute sa vie à défendre, avec acharnement, courage et persévérance, la cause des "homeless" ou sans-abris. Mitch, comme on aimait l’appeler, a grandi à Brooklyn, New York, où il était abandonné par son père à l’âge de 9 ans. Mais après des petits jobs et des passages en prison, il s’était ressaisi en s’engageant avec d’autres anciens prisonniers à se former et apprendre comment agir intelligemment et stratégiquement pour défendre, d’une manière perspicace, les misérables causes humaines en général et celle des "homeless" en particulier. Il était tellement sensible à celle-ci qu’il avait décidé de joindre l’association des sans-abris, "Community for Creative Non-Violence" (CCNV), à Washington DC. Mitch était devenu légendaire, "a man of action" (un homme d’action), lorsqu’il avait employé, en 1984, la faculté intuitive d’une bonne jugeote, et le courage endurant d’une longue grève de la faim (51 jours), pour forcer le Président Reagan à convertir un grand bâtiment fédéral vide en abri pour CCNV. Sa bonne tactique médiatique s’était avérée encore plus payante lorsque, deux jours avant l’élection présidentielle, Mitch avait aussi su bien préparer un bon segment de son passage à la célèbre émission "Sixty-minutes" du CBS-TV show pour sensibiliser l’opinion publique et en premier lieu l’administration Reagan qui avait accepté de dépenser 6 millions de dollars pour rénover le bâtiment qui devait abriter les 1200 "Homeless".

Seulement voilà qu’un soir, pendant que je regardais les informations, "News-Hour", sur la chaine publique PBS, "Public Broadcasting Service", en dinant chez moi dans ma belle Pennsylvanie, j’étais surpris de voir et d’entendre mon journaliste préféré Jim Lehrer annoncer la mort de Mitchell Snyder, découvert pendu à une corde, quelques jours après son suicide, dans sa chambre qu’il occupait dans le même bâtiment que les autres "Homeless". Il semblait que son suicide était le résultat d’une combinaison de plusieurs facteurs : il devait faire face à la déception de sa relation conjugale avec sa compagne de 15 ans de vie commune, Caroll Fennely, qui était malheureusement absente le jour de son ultime acte de désespérance ; il subissait aussi les effets délétères des problèmes impliquant certains membres des "homeless" dans la drogue ; mais sa plus grande frustration résidait principalement dans la cause même à laquelle il s’était dévoué corps et âme, pensant peut-être naïvement ou inconsciemment qu’il pouvait un jour la résoudre définitivement. Mais, il s’était semble-t-il submergé, jour après jour, semaine après semaine et année après année, d’énorme stress solastalgique qu’il l’avait manifestement accablé jusqu’à l’exhaustion, sans pour autant voir une issue finale pour ses "Homeless". Ironiquement, personne de son groupe n’a pu détecter sa détresse pour lui porter secours avant sa fin tragique. Je me souviens encore que tout le monde, aux Etats-Unis, le pleurât. Mais c’était trop tard, car il se trouvait désespérément seul et abandonné. Mitch n’avait que 46 ans, en cette année 1990.

C’est aussi l’histoire, très récente, de René Robert

René Robert est un photographe franco-suisse de renom qui avait découvert cet art à l’âge de 12 ans en faisant un apprentissage chez un autre photographe lausannois. Et c’est en rencontrant, au milieu des années 1960, une danseuse suédoise venue à Paris pour apprendre le flamenco, qu’il a découvert cette jolie danse expressive et visuelle, devenue alors sa principale photographie argentique. Il en devenait l’un des grands portraitistes en photographiant, en noir et blanc, de célèbres chanteurs et danseurs chorégraphes flamenco tels qu’Enrique Morente, Fernando Terremoto ou Rocio Molina.
Mais malgré sa notoriété, sa renommée et sa popularité, René, le célèbre octogénaire photographe qui avait immortalisé des danseurs flamencos, s’est trouvé mort le 20 janvier 2022, allongé sur un trottoir de la rue Turbigo dans le quartier parisien de la République. Il semblerait qu’après son diner, il est pris de malaise, pendant qu’il se promenait, en s’effondrant en pleine rue. L’artiste avait agonisé 9 heures durant, sur le trottoir, dans l’indifférence générale des passants, avant qu’ironiquement un sans-abri ne s’inquiète pour prévenir les secours qui le transportent à l’hôpital parisien. Mais c’était trop tard ; René mourra d’une extrême hypothermie à l’âge de 85 ans.

Et c’est l’histoire, relativement récente, d’un de mes villageois, Momo

Momo s’est laissé mourir seul chez lui dans l’isolement et l’absence d’altruisme, pendant sa retraite bien méritée au village. Je l’avais connu à Paris lorsque j’étudiais à Jussieu et j’habitais dans la rue Buffon du 5ème arrondissement. Momo travaillait à l’époque dans le beau Jardin des Plantes que je traversais presque quotidiennement puisqu’il se situe juste entre ma rue Buffon et mon Université P.M. Curie. Je me souviens encore lorsque Momo se plaignait, à plusieurs reprises, des conditions sanitaires de son travail au petit zoo du Jardin des Plantes. Il me racontait que l’administrateur lui promettait que s’il réussit, en auditeur libre, le Certificat d’Etudes Primaires (CEP), on le transférerait dans le secteur propre des archives. J’avais aidé Momo à atteindre cet objectif, mais la promesse de son patron demeurait sans suite. Momo était un homme célibataire, mais socialement discret, gentiment calme et reposé dans ses relations humaines ; nous étions de bons amis. Je regrette que le manque de compréhension socio-culturelle de la part de l’autrui familial l’ait conduit à jeter l’éponge. À l’évidence, on n’était pas à la hauteur de comprendre son désarroi, son angoisse et sa détresse solastalgiques, pour le secourir à temps.

Puis, c’est l’histoire d’Henri Tibi

Henri Tibi, un juif tunisien, de son vrai nom Robert Henri Tibismuth, est né à Tunis, en 1930. Il passait, cependant, presque tout le temps de ses premières 40 années de sa vie, à la Goulette, une proche banlieue tunisoise, multiraciale et multiculturelle, où vivaient plusieurs ethnies en paix. Ce chanteur-bohème à la mode des années 50, aimait tellement sa Goulette qu’il chantait en déambulant au long de ses rues et de sa plage, à la longueur de la journée et de la soirée, sans jamais se lasser. Puis, il avait disparu des radars, après son départ de sa Tunisie natale en 1967, pour se perdre dans les rues de Paris, puis celles de Besançon. Mais Henri continuait à chanter nostalgiquement ses tubes très touchants, dédiés, tous, à l’amitié, l’amour, et la joie de sa Tunisie d’antan ; ses chansons s’intitulent "La Goulette", "Tunis ma Verte", "Tunis, Tunis, Tunis", "Toi l’Ami Sarfati", "le Froid, l’Amour, la Neige", ou encore "Zaama ya Rabbi Haï Taïeb (ﺰﻋﻤﺔ ﻴﺎ ﺮﺒﻲ ﺤﻲ ﻄﻴﺐ)".

Henri incarnait une nature humaine pleinement romancée à son pays natal qu’il avait toujours tant aimé, tant chanté et tant adoré, et qu’il avait vitalement gardé au fond d’un cœur nostalgiquement brisé par l’amertume d’un exil forcé, les années difficiles à Paris avec ses chats, le passage à vide obligé, et l’oubli dans l’anonymat, façon Clodi-Clodo à la Nougaro. Il s’était laissé abandonner, après être délogé avec ses chats de son domicile parisien, pour atterrir finalement à Besançon, et être adopté par ses rues où il s’inspirait de Brassens en chantant ses propres morceaux d’amour toujours pour sa Tunis natale et sa Goulette éternelle.

La douce mélopée du vieux barbu Henri l’amoureux de sa Tunisie bien aimée, fut nettement stoppée en 2013 par un accident de voiture malheureux. Pourtant, il voulait retourner là-bas ! Mais, par chance, le chanteur emblématique des quartiers de la Goulette ensoleillée et des rues de Besançon brumeux, s’est miraculeusement ressuscité grâce à Yassine Redissi, un jeune réalisateur tunisien, qui s’est pleinement dévoué à l’histoire de son compatriote Henri Tibi pour lui redonner une seconde vie, en lui consacrant récemment un film-documentaire qu’il a intitulé "Je reviendrai là-bas" (نرجعلك). Après avoir lu quelques publications dans la presse écrite, j’ai vu le film, le soir du 17 mai 2023, dans le Cinéma "Le Balzac", affichant complet, dans le quartier chic des Champs-Élysées. Ce faisant, le jeune réalisateur a réussi à rassembler tous les ingrédients-humains pour créer une vraie ambiance-vivante autour d’Henri Tibi et sa vie vagabonde.

C’est à l’occasion de ses déceptions circonstancielles de la période post-révolte-printanière de 2011 que le jeune cinéaste Yassine Redessi a commencé à fantasmer nostalgiquement sur le passé multiculturel d’un temps qu’il n’avait pas connu, mais que ses parents lui avaient préalablement imprégné, pendant son enfance. Il connaissait donc, par transmission parentale, les bienfaits culturels de l’amitié et le bon-vivre-ensemble de ce temps lointain de la belle époque de la Goulette tant désirée par beaucoup d’expatriés, juifs, chrétiens et musulmans qui étaient tous ensemble bien agréablement enracinés. 

Alors, pour apaiser mon esprit, je me laisse bercer par l’éternel vagabond-chansonnier, Henri Tibi, avec ses quelques morceaux émotionnels qu’il avait chantés sans relâches pour son pays natal qu’il n’a jamais oublié jusqu’à sa dernière molécule d’oxygène inhalée.
 
Tunis ma verte patrie                               Une larme au fond des yeux
Tu gardes en toi tout mon passé                Il fait sombre et soudain c’est l’orage
Des peines, des joies, des caprices            Et dans mon cœur voilà qu’il pleut
J’ai tout connu, tu m’as tout donné          Il nous fait bien du courage
Que de souffrances et de regret                 Pour partir loin de chez nous
Est-ce la malchance ou la destinée            En emportant dans nos bagages
J’ai pleuré en faisant ma valise                 Doux souvenirs et chagrins fous
Du bateau, j’ai fait une grosse bise            Où trouverai-je cette nonchalance        
Adieu Tunis, mon bien aimé                       Dans quel pays, dans quelle cité ?        

Et c’est enfin l’histoire de Mouna

Mouna, c’est le tribun révolutionnaire des années-1960-70. Il avait une soixantaine d’années, et moi la vingtaine, lorsque je l’ai découvert, comme badaud, pour la première fois dans mon quartier parisien préféré du 5ème arrondissement. Et depuis cette première rencontre, j’ai continué à le voir, hebdomadairement, presque tous les dimanches, à "la Mouffe" (Marché Mouffetard), tout en haut sur la place de la Contrescarpe, tout en bas au square Saint-Médard devant l’église du même nom, et quelques fois à Jussieu devant mon campus universitaire. Oui, il s’agit bien du fameux Mouna-Agugui, de son vrai nom André Dupont (1911-1999).
Je suis presque certain que tous ceux et celles qui ont vécu ou étudié dans le quartier latin, et qui sont plus ou moins proches de ma génération, avaient connu Mouna ; ils l’ont probablement croisé ou entendu sa voix, de près ou de loin. C’était lui, à la barbe et aux moustaches touffues qu’il laissait pousser librement, à sa guise, pour refléter, je suppose, sa propre personnalité de philosophe-hors-norme et d’anarchiste-aux-pieds-nus ; un rebelle-sans-fortune-ni-contrainte. Je me souviens qu’on lui prêtait plusieurs attributs. Pour ceux qui appréciaient ses discours publics, à ciel ouvert, il était un pacifiste, un écologiste, et un individualiste-libertaire ; mais pour ses détracteurs, c’était un hâbleur-charlatan et un propagandiste-agitateur ; et pour les goguenards, il n’était qu’un clown-amuseur.
Je me souviens qu’au début, le voyant de loin, entouré de sa petite foule qui riait, je me suis approché pour l’écouter comme les autres badauds, croyant aussi que

Mouna était un bouffon de théâtre en plein air. Mais au fur et mesure que je m’approchais, et tout en l’écoutant attentivement, j’ai essayé de retenir les quelques mots-clés qu’il ne cessait d’employer dans son discours politique. Et depuis, l’observant et l’écoutant presque hebdomadairement, sur les mêmes places de mon quartier préféré, j’ai commencé à réfléchir sur le fond de ces mêmes mots-clés qu’il répétait, à chaque rencontre, avec l’humour qui lui était propre.
Mais quoiqu’on pensât de lui, à cette époque des années 70, Mouna avait sûrement un grand talent d’orateur politique ; il était un unique tribun public qui savait jongler avec les mots pour rendre son discours riche d’humour appréciable ; il savait aussi bien manier la langue française, à sa façon ; ce qui était étonnant de quelqu’un qui n’avait dans son bagage scolaire que le Certificat d’Etude Primaire. D’ailleurs, c’était à lui qu’on attribuait l’invention du mot "vélorution", l’anagramme de révolution ; le vélo étant son inséparable compagnon. 

Il faudrait, cependant, se rappeler que Mouna était d’origine savoyarde, et un enfant de paysans modestes. Très tôt orphelin de son père à l’âge de sept ans, puis de sa mère à neuf ans, il ne lui resta que sa tante pour le recueillir, faisant de lui un garçon de ferme, couchant à l’étable ou à la belle étoile. Puis, après de multiples petits boulots, le voilà chômeur à 17 ans ; il s’engage alors dans la Marine, mais sans succès puisqu’il fut exclu rapidement pour désobéissance à un officier. D’ailleurs, après sa mobilisation dans l’armée pour la deuxième guerre mondiale, il deviendra indéniablement antimilitariste, à la libération.
Cependant, devenu philosophe à la "Clodi-Clodo", comme chantait Claude Nougaro, et "vélorutionnaire" pour la cause prolétarienne, comme le réclamait lui-même, Mouna avait sûrement connu sa période de gloire en mai 68 à Paris. J’imagine que les plates formes qu’avait créées ce mouvement lui convenaient bien. Je n’y étais pas à cette date-là ; mais j’ai vécu l’évènement, virtuellement, grâce à mon bon Professeur d’histoire-géographie au lycée technique de Sousse. Il nous offrait, en effet, en préambule de notre cours quotidien, un exposé succin et une mise à jour de ce qui se passait à Paris avec la révolte des étudiants.
Il faudrait dire aussi qu’avant cet évènement, Mouna fut devenu communiste pour un laps un temps ; mais comme à l’accoutumé, il perdit vite ses illusions, et se rendit compte que la discipline des camarades bolcheviques dérogea à sa propre éthique, et que la pensée unique du centralisme politique le fit désobéir. N’étant fait ni pour l’obéissance absolue aux commandements, ni pour le respect du conformisme idéologique, son exclusion du PCF contribua à sa profonde déception politique du Parti Communiste. 

En outre, lorsque la Sorbonne fut envahie par des étudiants gauchistes qui commençaient à se prendre au sérieux, rêvant illusoirement de s’emparer du pouvoir, ces "Caciques Révolutionnaires” commençaient à s’aigrir, en même temps, de l’humour naïvement mordant de Mouna. Ils le qualifiaient par exemple de "folklorique" ou d’un "amuseur débilissime" ; et certains le traitait même d’un "allié du capitalisme". 

Néanmoins, militant anti-nucléaire de la première l’heure, et écolo convaincu intuitivement avant bien d’autres, il croisa, chemin faisant, René Dumont, celui qui comprit tôt les enjeux de l’écologie avant son apparition politique, Mouna s’assure de son intuition. Il s’était alors présenté à plusieurs reprises, à partir de 1974, aux élections présidentielles en tant que "Non-Candidat", selon ses propres termes, mais sous son véritable patronyme, André Dupont ; il s’était aussi candidaté aux élections législatives de Paris contre Jean Tiberi, obtenant ≈ 3% des voix, son meilleur score en 1988.

Ses slogans politiques, pendant ses campagnes électorales, étaient judicieusement choisis et richement variés d’expressions langagières qui attiraient l’attention des badauds, et qui reflétaient toujours ses habituelles et imperturbables convictions politiques tels que par exemple : "caca-pipi-taliste" ; "mieux vaut être actif aujourd’hui que radioactif demain" ; "Je suis un cyclo-didacte, la vélorution est en marche".

Toujours en vélo et accompagné de son propre journal, "Le Mouna Frères", organe "anti-capitaliste", de sa propre création, qu’il diffusait lui-même pendant des années, en scandant " Lisez le Mouna-Frères et retirez-vous dans un Mouna-Stère". Et pour essayer de le vendre, je me souviens qu’il utilisait cette astuce habile d’incitation financière à la tentation d’achat : "Si tu paies 1 franc, c’est très bien ; 50 centimes, c’est encore bien ; 25 centimes, c’est en dessous de la moyenne ; mais aucun centime, c’est nul".    

Mais je dois reconnaitre qu’avec le temps, je pense d’abord à tous les professeurs d’histoire-géo, de mon lycée technique et celui des garçons, de Sousse, qui m’avaient donné un avant-goût de la politique analytique, puis à Mouna-Aguigui qui m’avait inspiré, à force de l’écouter, le dégout d’opportunisme circonstanciel, et le principe d’un esprit critique de la politique politicienne.

J’avais perdu de vue Mouna vers la fin des années 70, lorsque j’avais déménagé du 5ème, mais il avait continué librement son propre combat politique, comme il l’entendait, en se présentant sérieusement, selon ses convictions, aux élections locales et nationale, ou en s’adressant avec son plaisir habituel, à ses badauds, jusqu’à son départ définitif juste à la fin du siècle dernier, peut-être pour ne pas voir le monde politique du début de ce nouveau siècle qui n’est guère meilleur.

Et en hommage à Mouna-Aguigui, mon premier philosophe du terrain de mon ancien quartier préféré, voici quelques-uns de ses slogans :
• L’énergie musculaire, l’énergie la moins chère.
• Priez moins, aimez plus.
• On est condamné à mort dès la naissance, c’est pas pour ça qu’on doit faire une gueule d’enterrement.
• C’est en parlant haut qu’on devient haut-parleur.
• Les valeurs morales ne sont pas cotées à la bourse.
• C’est en parlant haut que l’on devient haut-parleur.

Abdellaziz Ben-Jebria
*Earth Emotions, New Words for a New World. Glenn A. Albrecht. Cornell University Press, 2019.
 

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