Rachid Mekhloufi n’est plus: Un footballeur à part
Par Mohamed Kilani - Un monument du football vient de nous quitter. Rachid Mekhloufi a constitué durant plus de soixante ans une résonance très forte, en France et dans tout le Maghreb. L'enfant de Sétif, où il est né le 12 août 1936, a fait de son talent de footballeur une carrière magique. Deux saisons à l’USM Sétif avaient suffi pour le propulser en championnat de France où il ne tarda pas à s'imposer à Saint Étienne avant de séduire l'entraîneur national qui lui permet de rivaliser avec les Kopa, Fontaine, Vincent, etc.
Déjà champion de France dès sa première saison avec 25 buts à la clé, Rachid entrevoit la carrière en grand avec une perspective de premier ordre, la Coupe du monde en Suède en 1958. Mais il doit obéir avec ses camarades opérant en championnat de France à l'appel du devoir. Le 14 avril 1958, il retrouve à Tunis tout le groupe des dissidents pour former l'équipe du FLN qui parcourt le monde pour soutenir politiquement la cause algérienne. Pourtant, lui ainsi que Ben Tifour, Brahimi et Zitouni étaient promus à une participation à la Coupe du monde. Pendant quatre ans, Rachid n'a d'occupation que le football et les voyages, se présentant comme le leader de l'équipe, marquant 43 buts en 40 rencontres.
Lors du séjour de l'équipe à Tunis, les footballeurs Tunisiens ont pu se familiariser à un jeu plus performant. Abderrahmen Ben Ezzeddine reconnaît que l'équipe de Tunisie a progressé d'environ 40% dans la qualité du jeu suite aux matches disputés face aux Algériens. Il distingue dans l'éloge Rachid qui, à 21 ans, a pu mettre en ballottage Piantoni, le buteur patenté des Tricolores.
De son côté, Taoufik Ben Othman n'avait d'idole que Mekhloufi, le joueur déroutant par son jeu incisif et percutant avec un sens du but très prononcé.
Revenu en Europe après l'indépendance d3 l'Algérie en 1962, Mekhloufi transite quelques mois par la Servette de Genève avant de retrouver Saint Étienne pour six saisons couronnées de trois titres et une Coupe de France. Deux saisons comme entraîneur-joueur à Bastia (1968-70) représentent une belle transition pour la carrière d'entraîneur, de président de la Fédération algérienne de football, ainsi que d’instructeur à la CAF. En 2005, Roger Lemerre confia lors de son séjour en Tunisie que Mekhloufi avait quatre yeux. l’auteur de ces lignes favorisa leur rencontre qui a éveillé plein de souvenirs, avec une émotion perceptible chez les deux anciens protagonistes du championnat de France.
En Tunisie, Rachid qui est marié à une Marsoise, a connu deux expériences comme entraîneur de l'ASM: 1981-82 et 1992-93. La défaite en finale face à l'OB aux tirs au but l'a privé d'un trophée qu'il méritait. A la tête de l’équipe d’Algérie, il a remporté la médaille d’or aux Jeux méditerranéens de 1975 à Alger face à la France (3-2), après une demi-finale indécise face à la Tunisie.
Promu ambassadeur de l’AS St Etienne en 2013, il a œuvré pour la promotion du football, notamment en Afrique, étant convaincu que ce sport constitue un levier de développement. Ayant lui-même emprunté cet ascenseur social qu’est le football, il ne pouvait que favoriser le même chemin aux aspirants de toutes les générations et de tous les pays. Avec 151 buts, Mekhloufi est le second meilleur buteur derrière Hervé Revelli (208). En 2022, le magazine So Foot l’a classé 25ème meilleur joueur français sur une liste de mille joueur.
Au-delà de la carrière et du palmarès, Rachid Mekhloufi laisse l’image d’un homme affable, humble et très humain, ayant trois attaches : l’Algérie, la Tunisie et la France. Ses amis tunisiens le pleurent aujourd’hui tant ils gardent de lui des souvenirs immuables orientés sur le sens des valeurs, du respect de soi et de l’altruisme.
M.K.
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