Taoufik Chaïbi: La passion d’entreprendre… avec talent et du cœur
Il aura toujours cultivé l’art de la performance, certes dans la rigueur de la gestion, mais aussi et surtout le sens de l’humain et la joie de vivre. Taoufik Chaïbi, qui vient de disparaître le 5 juillet dernier à l’âge de 86 ans, a été l’un des grands bâtisseurs de l’économie tunisienne. En cinquante ans d’intense engagement entrepreneurial, il a développé un groupe (Utic) qui s’est imposé parmi les plus significatifs. De l’industrie à la distribution en passant par l’électromécanique, le tourisme, l’emballage et les cosmétiques, ce sont aujourd’hui, réunies en six pôles, pas moins de 30 sociétés employant plus de 8 000 salariés et affichant des enseignes de premier plan.
Si l’hypermarché Carrefour, le premier du genre ouvert en Tunisie (en 2001), ou les hôtels Ulysse, Athénée et Ithaque sont les plus visibles dans leurs secteurs, la Sotradies, la Stem, la chaîne de parfumerie Point M, Car Pro (Suzuki) et bien d’autres entreprises constituent des points phares. Une bonne gouvernance instituée depuis des années, la transmissions a déjà été effectuée. Ses deux fils, Nabil et Khélil, sont aux manettes.
Secrets d’un accomplissement
Cette passion d’entreprendre, sans cesse entretenue par Taoufik Chaïbi et couronnée de succès, repose sur des fondamentaux. Et beaucoup de talent. Né à Tunis le 20 mars 1936, au sein d’une famille originaire d’El Hamma, il a su bénéficier d’un alignement des planètes, en s’investissant pleinement dans ses études, puis le travail.
Les fondamentaux sont solides. D’abord, une fibre sociale héritée de son père, SadokChaïbi. Fonctionnaire au ministère de la Justice et militant syndicaliste, secrétaire général de la puissante Fédération générale des fonctionnaires tunisiens (Fgtf) et compagnon de Farhat Hached, il fera partie des cofondateurs de l’Ugtten 1946. Taoufik Chaïbi en gardera une proximité sincère avec les travailleurs, une écoute attentive de leurs préoccupations, et l’élan spontané d’apporter secours et de prêter main-forte. Ces valeurs innées marqueront tout son parcours et constitueront le socle de la culture de l’entreprise de son groupe.
Cette fibre sociale a été consolidée par des études poussées d’ingénieur et une première expérience dans les mines. Une formation solide qui forgera le sens de sa démarche scientifique, rationnelle, structurée et bien organisée.
Savoir choisir
A ces deux préalables précieux s’ajoutera,chez TaoufikChaïbi, un flair bien développé : celui de savoir choisir les bonnes opportunités qui se présentent, les bons partenaires internationaux à associer à ses projets et les bons collaborateurs à s’adjoindre. Ce sont là de véritables secrets de réussite. «Un autre facteur, personnel, y a également contribué, nous confie l’un de ses proches amis, M’hammed Ali Souissi : le bonheur que lui a toujours procuré son épouse Nébila Ben Osman. Elle lui a donné trois enfants merveilleux, Nabil, Khélil et Amel, et a toujours œuvré pour lui permettre de se consacrer à son travail en toute sérénité.»
Il faut beaucoup de courage pour quitter une confortable situation dans le secteur public et entreprendre en pleine déroute économique en 1967, pour monter sa propre entreprise, Al Maaden, spécialisée dans la fabrication des tubes métalliques. Sans hésiter, mû par cette passion d’entreprendre, Taoufik Chaïbi a eu l’audace d’en prendre le risque. Ne pas se fermer sur soi et inviter des partenaires étrangers de renom à s’associer avec lui au capital - souvent à hauteur de 20% - a été pour lui un principe cardinal.
S’entourer des meilleurs collaborateurs parmi les grosses pointures issues des secteurs public et privé a été source de renforcement. Leur faire confiance et leur déléguer quasiment les pleins pouvoirs a constitué une véritable leçon de management. Avec la création du conseil de surveillance, Taoufik Chaïbi intervenait surtout aux deux moments les plus forts du cycle de l’entreprise : lors de l’établissement du budget annuel, puis lors de l’examen des comptes de l’exercice. A mi-parcours, il porte un regard attentif sur des besoins de financement ou de grandes décisions à prendre pour des questions imprévues. Le reste de la gestion, c’est à ses équipes d’assurer au quotidien.
Un domaine de prédilection: l’hospitalité
Le seul domaine où Taoufik Chaïbi aimait aller au détail du détail, c’est celui de l’hospitalité, à travers l’hôtellerie. «Lorsqu’il construisait un hôtel à Djerba, confie à Leaders M’hammed Ali Souissi, il tenait à aller chaque semaine sur le chantier, suivre de près la construction, la décoration, l’ameublement, attentif au moindre recoin, comme s’il construisait sa propre maison, ou habiter chacune des chambres. La cuisine aussi l’intéressait de près : a-t-on trouvé un bon chef ? Quel sera le menu tunisien proposé ? Quel large choix gastronomique sera offert aux clients? Il était toujours dans une perpétuelle interrogation, en quête d’excellence.»
Audace ne veut pas dire témérité
Très courageux, Taoufik Chaïbi aimait relever les défis : créer, restructurer, mettre en place de bonnes équipes et de bonnes pratiques. Entrepreneur visionnaire, Taoufik Chaïbi savait créer des entreprises etaussi s’en défaire si besoin est. Il avait eu l’idée de monter une grande minoterie ultramoderne implantée à Mareth. Les conditions fixées plus tard par les pouvoirs publics pour les prix des céréales l’ont convaincu de la céder. A contrecœur, certes, mais sans regret.
Cultiver une vaste oliveraie à Sidi Yaiche, pas loin de Gafsa, sur 1000 ha, avec une variété innovante de plants d’oliviers permettant une bonne récolte et autorisant une cueillette mécanisée était aussi une autre aventure à tenter. Il s’y mettra, avant de se décider quelques années après à passer la main à d’autres investisseurs de l’oléiculture.
La joie de vivre
S’il ne s’encombre pas de détails, Taoufik Chaïbi s’est toujours distingué par ses qualités humaines, tant sur le plan professionnel que personnel. Très proche de ses employés, il tenait à partager avec eux leurs joies et à compatir à leurs peines, la main toujours tendue pour célébrer un évènement, soutenir des études, prendre en charge des frais médicaux et autres. Dès qu’il s’agit de maladie, il était prompt à agir, mobilisant son vaste réseau d’amis médecins en Tunisie et à l’étranger, se chargeant de prendre lui-même les rendez-vous, et assurant un suivi continu de l’évolution de l’état de santé du malade. Pour plaisanter, ses amis diront qu’il a fini par devenir un grand spécialiste de la prise en charge médicale.
Son vrai bonheur, en fait, était d’être utile mais aussi de se retrouver parmi les siens, sa famille et ses amis. TaoufikChaïbi, d’un commerce agréable, savait recevoir et rendre visite. Il aimait savourer de bons moments festifs et amicaux. Tolérant, accessible, profondément serviable, il incarnait, au-delà de la réussite professionnelle, la joie de vivre et le bonheur de partager.
Allah Yerhamou.
- Ecrire un commentaire
- Commenter
son pére était un grand nationaliste et militant convaincu et il travaillé au palais de justice et il était un youssefiste comme la majorité des gens d'el hamma sa ville natale feu sadok chaibi a bien aidé les combattants par plusiuers moyens