Face aux pénuries, la Tunisie peine et ne rit pas
Par Monji Ben Raies - En Tunisie, la fin d’année est placée sous le signe des pénuries et de l’inflation. Le pays est fracturé et embourbé dans une crise économique et sociale exacerbée par les conséquences de la crise sanitaire. L’État est au fond du gouffre, traversant une crise économique, sociale et financière telle qu’il n’en a jamais connue auparavant, depuis son indépendance. C’est, pour ainsi dire une chronique d’un effondrement de l’Etat annoncé. La société politique et la société civile sont, quant à elles, toutes à leurs querelles, indifférentes à ces questions ; leurs interrogations ne s’engagent pas sur ce débat-là, préférant une question qui apparemment leur tient plus à cœur, celle de faire ou de s’opposer à ce que la présidence élabore une Constitution taillée à sa mesure pour ses ambitions. La majorité des Tunisiens n’a plus aucune confiance dans la classe politique, toutes tendances confondues, tant elle considère qu’elle a collectivement échoué à faire progresser la Tunisie et à la sortir de l’enfer de la corruption et de l’arbitraire du pouvoir. L’instabilité politique du pays a largement pesé sur sa situation économique et sociale.
La crise tunisienne, caractérisée par une croissance en berne depuis plus de dix ans (+0,5 % par an en moyenne) et une forte inflation (6,8 % par an), a en outre été aggravée par la pandémie de Covid-19, qui a mis le pays à l'arrêt et l'a privé d’indispensables recettes touristiques (jusqu'à 20 % du PIB et environ 400 000 emplois en jeu). Le chômage est passé de 15 % avant la pandémie à près de 22%, avec une forte proportion de femmes et de jeunes. Un cinquième des 12 millions d'habitants du pays sont considérés comme pauvres et/ou vulnérables, vivant avec moins de 5,5 dollars par jour, ce qui a nourri des mouvements de protestation. Les autorités ont dû encore creuser la dette, qui approche déjà les 100 % du PIB, pour payer une armada prohibitive de fonctionnaires (18 % de la population active), accroissant de plus de 15 % le déficit budgétaire. Et en plus, la Tunisie va devoir rapidement faire face à des échéances ; elle doit rembourser 4,5 milliards d'euros dans l'année en cours et a besoin d'un supplément de 5,7 milliards d'euros pour boucler le budget de cette année, alors que celle-ci ne fait que commencer.
Atteintes au droit à l’eau et au patrimoine hydrique
Le droit à l’eau est reconnu au niveau international, par l’Assemblée générale des Nations unies, comme un droit fondamental de l’homme, « Essentiel au plein exercice du droit à la vie et de tous les droits de l’homme » (résolution, juillet 2000).
Le droit fondamental à l’eau découle du droit à un niveau de vie suffisant, tel qu’il est défini dans le Pacte relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Il est indissociable du droit au meilleur état de santé physique et mentale susceptible d’être atteint, ainsi que du droit à la vie et à la dignité. Il est à rappeler que la mise en œuvre de ce droit demeure insatisfaisante au niveau national et que trop de personnes vivant en Tunisie n'ont pas accès à l’eau potable. Et même lorsque ce droit est assuré, la SONEDE s’arroge le droit arbitraire d’en disposer comme si l’eau était sa propriété et comme une marchandise soumise aux lois du marché. Or le droit à l’eau a été défini par l’ONU comme étant « le droit à un approvisionnement suffisant, physiquement accessible et à un coût abordable, d'une eau salubre et de qualité acceptable pour les usages personnels et domestiques de chacun » (Comité des droits économiques, sociaux et culturels, CODESC, Observation générale n° 15 sur le droit à l'eau, E/C. 12/2002/11, paragraphe 3, adoptée le 20 janvier 2003). Afin de pallier les défaillances techniques du réseau, des coupures d’eau planifiées ont été mises en place affectant des régions entières sur de longues périodes, donnant lieu à une violation des droits humains à l’eau et à l’assainissement.
Depuis le début de la crise sanitaire, la situation empire, et des coupures plus régulières, planifiées ou sans préavis, sont opérées, y compris à l’hôpital. Les conséquences sont désastreuses pour la population sur sa santé, son hygiène et la vie des personnes les plus vulnérables. Au-delà de l’impact socioéconomique de ces coupures d’eau, l’impact sur les institutions publiques, les services de santé (coupures d’eau à l’hôpital, avec trace de polluants dans l’eau du robinet) et les établissements d’éducation (fermeture d’écoles lors des coupures d’eau) sont immenses. Le prix de ce service défaillant est lui aussi problématique du fait que les usagers reçoivent des factures d’eau s’élevant parfois à plusieurs centaines de dinars, alors même que l’eau leur avait été coupée durant de longues périodes. S’ajoute à cela que de nombreuses familles se voient obligées d’acheter des bouteilles d’eau, dont le coût est plus onéreux, alors que ces coûts sont inaccessibles pour une grande partie de la population, dont un tiers ou plus vit sous le seuil de pauvreté.
Toute la population d’une région a été privée d’eau pendant plus de trois jours. Pour toute excuse, la SONEDE avait diffusé toujours le même communiqué laconique et insipide, à savoir : « La Société Nationale d’Exploitation et de Distribution des Eaux (SONEDE) annonce qu’une coupure et une perturbation au niveau de la distribution de l’eau potable sont enregistrées…. Ces perturbations résultent d’une panne survenue (…), sur le canal principal de la station de traitement d’eau. La distribution de l’eau potable sera rétablie progressivement, dès le parachèvement des travaux de réparation ». Ces coupures dans la distribution de l’eau potable, sont devenues répétitives ; on les retrouve, le 4 juillet 2018, dans les quartiers de Tunis, Nabeul et Ben Arous, le 17 novembre 2020, dans la banlieue nord de Tunis, le 27 mai 2021, dans les régions hautes du Sahel, les 10 et 11 août 2021, à l’Ariana, le 18 octobre 2021 dans les délégations de la région du Grand Sfax, les gouvernorats de Sousse, Monastir, Mahdia et Sfax, le 26 août 2021 et le 6 décembre 2021 dans le gouvernorat de Bizerte et le 6 janvier 2022, dans tout le gouvernorat de Bizerte. Parfois, la SONEDE invoque le stress hydrique, le manque d’eau, ou le réchauffement climatique pour s’exonérer de sa responsabilité. Mais ces phénomènes qui existent bien, ne sont aucunement derrière les défaillances criminelles de la SONEDE.
Il ne pleut pas moins que d’habitude, la consommation en eau des ménages tunisiens n’a pas augmenté de manière si considérable, tout comme la demande globale en eau potable du pays. C’est en réalité l’incompétence et la défaillance totale des dirigeants et du personnel de la SONEDE qui est en cause. Le service rendu est devenu déplorable et le personnel ne travaillent plus ou trop peu. Il y a aussi un manque d’entretien fautif des barrages (qui ne relève pas de la SONEDE), l’absence d’investissements en raison des recrutements massifs de personnel, lequel devient pléthorique et grève l’ensemble du budget ; le manque d’entretien des équipements et notamment des stations de pompage ; la surexploitation inconsidérée des nappes phréatiques, qui est imputable au ministère de tutelle.
Une pénurie d’eau absolue et une dégradation de l’écosystème
La Tunisie se trouve aujourd’hui dans une situation de pénurie d’eau absolue, avec moins de 400mètres cubes par habitant par an ; parallèlement d’autres critères sont alarmants, comme la productivité de l’eau ou l’empreinte eau. C’est une situation, qui dure depuis plus de 30 ans, et qui s’est accompagnée par une dégradation de l’écosystème qui a impacté la disponibilité et la qualité de l’eau. Il est impératif de traiter le problème de l’eau en considérant cet élément sous toutes ses formes, et en y associant étroitement la question de la sécurité alimentaire. On évalue les ressources en eau de la Tunisie à environ 5 milliards de m3. La plupart des réserves, qu’il s’agisse d’eaux souterraines ou d’eaux de surface, se trouvent, pour 49 % au nord, puis pour 33 % au centre, et leur taux d’utilisation a atteint plus de 117 %. Quant aux eaux souterraines profondes, leur volume avoisine les 1 400 millions de m3 et elles sont concentrées principalement, pour 60 % dans le sud, avec un taux d’utilisation d’environ 120 %. L’agriculture s’approprie au moins 80 % de l’eau prélevée, l’industrie 5 %, le tourisme 2 %, et les 13 % qui restent vont à la consommation courante et à l’usage domestique.
Une gestion focalisée sur la marchandisation de l’eau
On ne peut créer un marché sans demande… Et pour que le prix de la marchandise augmente, il faut créer la rareté. C’est en économie une logique intégrée, purement idéologique. Certes le climat joue un rôle, mais il ne faut pas séparer les phénomènes les uns des autres. Les changements climatiques ne signifient pas seulement la rareté de l’eau, mais parfois son abondance. La Tunisie peut être menacée par un excès d’eau dû à des inondations récurrentes causées par des précipitations exceptionnelles, devenues de plus en plus fréquentes, comme ces dernières années. Il s’agit donc, à proprement parler, d’une crise de gouvernance et non d’une crise de ressources. Alors, l’utilisation politique du discours de rareté, avec force chiffres et statistiques à la clef, est devenu un prétexte pour masquer les vrais problèmes de l’eau en Tunisie. Lorsque les coupures d’eau ont lieu dans plusieurs régions, les responsables réitèrent l’argument du seuil de pauvreté hydrique, sans expliquer la signification des nombres qu’ils avancent. Le phénomène du gaspillage de l’eau en est l’exemple le plus marquant, qui est en partie causé par l’état physique des infrastructures et des réseaux de distribution de l’eau. C’est ainsi que, par exemple, les barrages de rétention perdent environ 20 % de leur capacité de stockage en raison de leur comblement par la sédimentation du fait du manque d’entretien. Ces ouvrages sensibles nécessitent des visites régulières, notamment après de petites crues ou des tempêtes ayant pu endommager l’édifice ou la végétation riveraine.
Ces dernières années, le phénomène d'envasement s'est amplifié en raison de l'accroissement des apports pluviométriques et de l'érosion due notamment à la destruction des haies et des talus et à la déforestation. L’élévation du fond des barrages par envasement entraine des pertes dommageables de l’eau par débordement. D’autre part, le pourcentage d’eaux gaspillées par d’autres causes, comme les fuites, se situe aux alentours de 30 % pour les réseaux de la Société Nationale d’Exploitation et de Distribution des Eaux (SONEDE) et dépasse 40 % dans les canaux d’irrigation agricole. La gestion de l’eau et des ressources naturelles est aussi une affaire politique et sociale. L’appropriation du dossier de l’eau par les pouvoirs publics et les organisations nationales et internationales au détriment de la société civile, ne peut qu’accroître les problèmes de l’eau en Tunisie. Les politiques de fuite en avant sur la gestion des ressources en eau risquent d’aggraver les difficultés du secteur dans les années à venir.
Par ailleurs, seuls 8% des eaux usées sont traitées et réutilisées, en raison d’un problème de qualité et de seuil de confiance, nécessitant un changement de culture à ce niveau, pour y remédier. Il est, par ailleurs, important de réformer la réglementation du secteur, sachant que le code de l’eau est encore bloqué au niveau de l’ARP, notamment au niveau des questions relatives aux infractions des sondages illicites. La situation est grave et des solutions existent, mais il faut accélérer le rythme de leur exécution, compte tenu de l’aggravation rapide de la situation. Mais en dépit de l’urgence, les mises en œuvre piétinent, notamment sur la nécessité d’optimiser l’exploitation de l’eau par rapport aux spéculations agricoles, et surtout de porter la question de l’eau à un plus haut niveau du débat public. Il s’agit d’une question de souveraineté nationale qui doit être débattue par tous les acteurs.
La Tunisie n’est pas uniquement sous stress d’eau, mais plutôt en pénurie et la sécurité hydrique doit désormais faire partie de la sécurité nationale ; un changement de politiques nationales, mais aussi l’éducation du comportement du consommateur, auxquels doivent contribuer tous les acteurs nationaux sont nécessaires.
Dans tout le pays les coupures répétées de l’eau courante, jusqu’à l’exagération, entraine l’exaspération de la population, jusqu’à l’angoisse et l’affliction de la privation accentuée par l’injustice de la surconsommation de certains secteurs. Pourquoi les cafés ne sont pas privés d’eau, par exemple ? Il y a d’abord la réalité de la question de la gestion de cette précieuse ressource stratégique et ensuite celle de l’entretien des conduites et des canalisations. Le manque d’eau chronique avive la colère de la population, dans tout le pays, au point que des manifestations spontanées éclatent sporadiquement. Les alertes citoyennes peuvent parfois paraître excessives, mais en manifestant, les citoyens pointent du doigt un très grave risque qui devrait engager l’ensemble des Tunisiens, concernant les coupures d’eau ; surtout que le nombre d’alertes, d’usagers privés d’eau, a significativement augmenté, en partie en raison de la vétusté des installations, entraînant d’importantes pertes d’eau par d’importantes fuites.
En effet, dans certaines régions, entre 30 et 50% de l’eau qui passe dans les conduites et canalisations est perdue, selon l’observatoire tunisien de l’eau. La Société nationale d’exploitation et de distribution des eaux (SONEDE), entreprise publique relevant du ministère de l’Agriculture et des Ressources hydrauliques, gère environ 60 000 kilomètres de conduites d’acheminement de l’eau. Alors que le maintien en bon état du réseau, avec une durée de vie, moyenne, acceptable, nécessite le renouvellement annuel de 1 100 kilomètres de conduites, la SONEDE n’en renouvelle qu’entre 120 à 150 kilomètres par an. Mais la cause, plus profonde, à ces pénuries à répétition est le manque d’entretien des puits et des barrages de rétention ; leur envasement croissant entraine une baisse importante dans les réserves à laquelle s’ajoute une baisse notable des niveaux des nappes phréatiques, en période de sécheresse, dans certaines régions, engendrant des chutes des débits de pompage. Cette situation va certainement s’aggraver dans les années à venir sous l’effet du changement climatique et du réchauffement, du fait qu’aucune mesure n’est envisagée pour faire face à cette situation. A l’horizon 2030, la Tunisie pourrait subir une baisse des ressources en eaux conventionnelles, c’est à dire en eaux superficielles, les retenues par les barrages et les lacs, les nappes d’eaux souterraines, estimée à environ 30% à 40% en moyenne. S’ajouterait, suite à l’élévation attendue du niveau de la mer, les pertes d’environ 50% des nappes phréatiques côtières par salinisation, soit près de 200 millions de mètres cube par an.
D’autre part, le recours à des sources d’approvisionnement en eaux non-conventionnelles, par le recours à des stations de dessalement de l’eau de mer, ne saurait être une réponse adéquate. L’un des remèdes serait la réduction de la consommation en eau dans les secteurs qui font une consommation excessive des ressources disponibles, comme celui du traitement du phosphate ; lorsqu’on sait qu’il faut environ 16 millions de mètres cube d’eau pour traiter 12 millions de tonnes de phosphate, soit la fourniture en eau potable des habitants de la région de Gafsa pendant deux ans, la déduction est logique. Dans le secteur de l’agriculture, sachant qu’elle utilise70 % des ressources hydriques du pays, il serait nécessaire de cultiver des produits moins gourmands en eau et de réorienter les exportations sur ces nouveaux produits. Il sera certainement nécessaire de multiplier et accentuer les recours à des sources non conventionnelles, comme le dessalement de l’eau de mer, en multipliant le parc des stations.
Pénuries alimentaires et hausse des prix
La Tunisie est aussi en proie à des pénuries alimentaires et à une hausse des prix qui touchent certaines denrées et des produits de première nécessité comme le pain et l'huile végétale. Celle-ci, en effet, fait l'objet d’une spéculation à grande échelle de la part des grands distributeurs du marché, constitués en un lobby mafieux pour instaurer un monopole dans ce circuit. L’huile subventionnée est écoulée sous le manteau dans le cadre d’un circuit de distribution parallèle, alors que dans les rayonnages et les étals c’est un produit trois fois plus cher qui est disponible et non accessible au citoyen moyen. Il en est de même avec le sucre, les œufs et la farine ou la semoule. Alors que l'inflation continue de s'élever, et que les prix ne cessent d'augmenter, le président tunisien Kaïs Saïed, poursuit ses invectives colériques, affirmant qu'il poursuivrait tous ceux qui spéculent sur ces produits. Mais il est clair qu’il ne fait peur à personne, ou peut-être s’agit-il d’un simple effet de manche, entre soutien politique et coup médiatique ; toujours est-il que les criminels de tous bords, sans foi ni loi, continuent leurs petits trafics sans lui accorder le moindre crédit, tant il est vrai que la corruption aussi peut être la clé de l’impunité. Il est impensable que des Tunisiens puissent indifféremment affamer d’autres Tunisiens, leur retirant véritablement le pain de la bouche.
L’approvisionnement en œufs est aussi perturbé depuis plusieurs semaines et la pénurie se fait sentir dans les rayons des commerces sur fond de lenteur de la réaction des pouvoirs publics. Le gouvernement montre journellement son impuissance à faire face au phénomène, très présent, de la spéculation sur des produits dont le prix est, théoriquement, plafonné par décision règlementaire. Ou, peut-être s’agit-il d’un écran de fumée pour camoufler un fait accompli, celui de l’augmentation du produit considéré, afin de tester en temps réel et sur le terrain la réaction de la population.
Notre gouvernement avait, par ailleurs, assuré que les prix du pain n’allaient pas augmenter. Il n’en demeure pas moins que certaines boulangeries se sont substituées au ministre du commerce pour majorer unilatéralement le prix du pain vendu dans leurs échoppes de manière illégale. Et qu’ont fait les autorités ? Rien ! Encore un cas d’impunité couverte par les pouvoirs publics. Par ailleurs, une rumeur avait été lancée qui laissait entendre que le pays serait menacé d’une pénurie de pain prochaine, en raison du stock limité en blé tendre. C’est une information inexacte et trompeuse proférée pour dissimuler le fait que l’Office des Céréales, comme plusieurs autres institutions étatiques, traverse une crise financière importante, liée à la situation économique du pays, sans qu’une crise d’approvisionnement en blé tendre ne soit réelle.
Ces dernières années, les grands distributeurs du secteur retiendraient et stockeraient systématiquement certaines marchandises de première nécessité pour créer le manque afin que les prix puissent être gonflés dès la réinjection du produit concerné sur le marché. Pour réaliser ce forfait, les bateaux qui arrivent aux ports avec leur chargement de marchandises ne sont pas déchargés et laissés en attente en rade, au moment où la demande est importante, créant artificiellement une pénurie.
Pharmacies et hôpitaux manquent de médicaments en Tunisie. Certes, le pays connait parfois des problèmes de stocks de médicaments. Mais cette fois, la situation est impardonnable et relève de la négligence criminelle. La Pharmacie centrale, organisation gouvernementale qui importe en Tunisie tous les médicaments provenant de l’étranger, accuse des impayés auprès des laboratoires pharmaceutiques internationaux qui retardent alors leurs livraisons ou les suspendent en attendant le recouvrement des sommes dues. Le stock stratégique de médicaments de la pharmacie centrale est passé de trois à un mois, et des médicaments indispensables manqueraient dans les salles d'opération des hôpitaux ou pour les soins de maladies endémiques et chroniques des citoyens. De son côté le ministère de la Santé, continue de mentir et martèle sans cesse qu'il n'y a pas de rupture de stock. On en arrive à se demander si le non-règlement de ces problèmes n'est pas voulu et ne s'intègre pas dans une politique publique bien précise. Quel est alors le prix de la vie humaine, de ces vies que l’on sacrifie sur l’autel du profit en holocauste au dieu argent ou à celui du pouvoir ?
Nous avons besoin d’aide!
Priver de soins des personnes malades, affamer des populations, priver d’eau une région pendant un temps qui semble une éternité, est une véritable tragédie aux proportions immenses. Mais dans notre esprit et dans l’esprit de nombreuses personnes qui croient aux droits de l’Homme et à la vertu de la citoyenneté, la véritable tragédie réside dans la façon dont notre gouvernement nous traite. Notre gouvernement néglige ses devoirs élémentaires. Il néglige à chaque fois d’avertir et informer la population sur les véritables motifs de certaines décisions qui impactent et grèvent la qualité de sa vie ; et c’est dans la langue de bois et un flot de paroles démagogiques qu’il s’exprime pour proférer des prétextes, qui ne sont finalement qu’un amas de mensonges éhontés et criminels. Ce sont les mêmes personnes qui ont prêté serment de nous protéger et de défendre nos intérêts qui sont ouvertement et directement responsables du désastre que nous vivons et dont les pénuries chroniques dont souffre le pays n’est que la partie émergée de l’iceberg. Alors que se passe-t-il quand nos dirigeants ne savent plus diriger ? Que nos gouvernements ne savent pas gouverner ? Bien des désastres auraient certainement pu être évités et beaucoup de vies sauvées. Mais les personnes qui avaient le pouvoir de les empêcher les ont utilisés dans leurs propres intérêts, pour des raisons d’une bassesse inhumaine.
Pour l’instant des gens meurent, d’autres sont privées de leur minimum vital, que ce soit en médications, en eau potable, en électricité, en logement ou en éducation. Nous avons besoin d’aide ; et nous pouvons voir que nos gouvernants ne sont pas ceux capables de nous la fournir, se préoccupant plus de cacher leurs mensonges que de venir en aide aux citoyens dans la détresse.
Monji Ben Raies
Universitaire, juriste internationaliste et politiste
Enseignant et chercheur en droit public et en sciences politiques
Université de Tunis El Manar
Faculté de Droit et des Sciences politiques de Tunis
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