Une révolution qui est mal partie
Par Hédi Béhi - "C'est une expérience éternelle. Tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser. Il va jusqu’à ce qu’il trouve des limites. Pour qu’on ne puisse pas abuser du pouvoir, il faut que par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir», notait il y a deux siècles le philosophe des lumières et le père de la théorie de la séparation des pouvoirs, Montesquieu".
L'un des présupposés de l'instauration de la démocratie dans un pays, c'est l'existence d'un Etat fort, qui en impose, qui joue pleinement son rôle de garde-fou, qui veille à l'équilibre entre les pouvoirs. Un Etat fort ? la Tunisie l'a été depuis la nuit des temps. Pour le meilleur et pour le pire. Or, ce à quoi nous assistons depuis un certain 14 janvier 2011, c'est sa déliquescence. On dit que la révolution est un accélérateur de changements. Notre pays est passé en quelques mois d’un Etat-léviathan à un Etat faible, que dis-je, un non-Etat. Son autorité est foulée aux pieds par le premier venu. Il a fini par devenir notre souffre douleur. Profitant se sa faiblesse, les forces centrifuges défient carrément l'autorité centrale, en prônant le séparatisme : l’Etat tunisien n'est plus ce qu'il était. Il n'est plus qu'une addition de corporations.
Dans le sud, un meneur, un certain Haddad, le chef autoproclamé des rebelles, n'hésite pas à dicter, et avec quelle morgue, ses oukases "à l'Etat tunisien", pour condescendre à rouvrir les vannes de pétrole, tout en agitant la menace de la sécession. En voyant des chefs de tribus discuter "d'égal à égal", avec des cadres des forces de sécurité, en ecoutant Lassaad Yacoubi décréter une énième grève des professeurs en pleine crise sanitaire je me surprends à regretter Ben Ali. "La disposition des choses" comme disait Montesquieu, n'a pas permis "au pouvoir d'arrêter le pouvoir" faute d'Etat fort.
Toisant de haut les représentants de l'Etat, ils Ils n’hésitent pas à s’arroger un droit de véto sur les décisions gouvernementales lorsqu’elles vont à l’encontre de leurs intérêts, contrôlent les administrations régionales, les hôpitaux. On ne peut plus rien faire sans leur assentiment. L'autre présupposé de la démocratie est la rationalité.
On a affaibli l'Etat à un point tel qu'il n'est plus capable de lutter contre une démocratie débridée, ni de prévenir toute tentation de bonapartisme, malgré la bonne disposition des choses" selon la formule de Montesquieu, c'est à dire la séparation des pouvoirs, c'est en toute jeunesse et en toute beauté, le retour de la dictature.
Hédi Béhi
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