Notes & Docs - 28.09.2010

Restructuration bancaire : les choix de la Tunisie

I - Pourquoi parle t-on aujourd’hui plus qu’avant de restructuration bancaire dans les pays émergents ?

  • Je crois qu’il faut chercher la réponse dans les nouvelles stratégies économiques de ces pays qui tendent à une ouverture de plus en plus grande sur l’extérieur ; ce qui suppose des exigences plus élevées demandées aux banques pour accompagner les entreprises et répondre à leurs besoins financiers.
     
  • Le développement des marchés dans cette nouvelle configuration des économies émergentes impose obligatoirement un système financier solide et efficace.
     
  • L’intégration économique dans un espace économique régional ou international est le plus souvent précédée par  l’élargissement de l’activité financière dans cet espace, en tant que complément à une base arrière locale profonde.
     
  • La recherche de gains de productivité est devenue un leitmotiv partagée pour tous les acteurs économiques et particulièrement par le secteur financier grâce à la libéralisation de l’activité bancaire et à la diversification des services financiers.

II- Comment se manifeste cette restructuration ?

Cette restructuration a pris des formes multiples qui, le plus souvent, se croisent entre elles selon les orientations stratégiques de chaque pays et permettez - moi de les rappeler:
 

  • Le désengagement total ou partiel de l’Etat du secteur bancaire.
     
  • L’accès des banques étrangères au marché bancaire local pour s’installer à coté des banques nationales.
     
  • L’ouverture du capital des banques, d’une manière totale ou partielle, aux investisseurs étrangers.
     
  • Le décloisonnement de l’activité bancaire pour unifier le concept « banque » vers une plus grande diversification
    de la gamme des services bancaires et une meilleure compétitivité sur le marché.
     
  • Le rapprochement et le regroupement pour rechercher une plus grande rationalisation des ressources (exigences de capital, les investissements de modernisation, de nouveaux métiers…).
     
  • L’extension transfrontalière voire internationale de l’activité bancaire en quête de nouveaux relais de croissance.

III- Quels ont été les choix de la Tunisie dans la restructuration de son  secteur bancaire?

Sans remonter très loin dans le passé, je peux vous dire que la restructuration bancaire a toujours répondu aux orientations stratégiques arrêtées pour l’économie nationale. A ce titre, je peux citer :
 

  • La création d’un compartiment off-shore en 1976 pour répondre aux besoins des entreprises non résidentes dans le cadre de l’ouverture progressive de l’économie sur l’extérieur. 
     
  • La création des banques mixtes tuniso-arabes pour stimuler l’investissement dans le cadre de la diversification du tissu économique à travers la consolidation du secteur industriel et le développement du secteur touristique.
     
  • La rationalisation de l’intervention de l’Etat dans le secteur bancaire à travers la fusion-absorption par la STB de la BDET et BNDT et la privatisation de 3 banques publiques (UIB, BS et BTK).
     
  • L’élargissement et la diversification de l’offre financière pour répondre à des besoins spécifiques tels que le financement de leasing et la micro-finance.

IV- Quelles sont les spécificités de l’architecture actuelle du secteur bancaire ?

Notre conviction est que la restructuration est un processus continu car, de toute configuration émergent de nouvelles priorités et de nouvelles ambitions. Il est vrai que notre système bancaire présente des atouts.

1 - C’est un système diversifié par le nombre des institutions, les domaines de ses interventions et la clientèle cible ; ce qui permet de couvrir les besoins de tous les acteurs économiques sans exclusion aucune.
Actuellement, le système bancaire tunisien regroupe 43 établissements de crédit :

- 21 banques universelles de détail disposant d’un large réseau (1250 agences) dont 3 sont spécialisées dans la micro-finance, le financement de petites et moyennes entreprises et la finance islamique ;

- 14 établissements financiers spécialisés dont 10 sociétés de leasing, 2 établissements de factoring et 2 banques d’affaire ; et

- 8 banques off-shore.

2 - C’est un système équilibré comme le montre la structure d’actionnariat partagée entre l’Etat (26,5%), les actionnaires privés tunisiens (39,1%) et les actionnaires étrangers (34,4%)
et aussi le nombre des institutions selon la nature du capital
 (5 banques publiques, 5 privées, 5 à capitaux mixtes et 6 à capitaux à majorité étrangère).

3- C’est un système fortement ancré
sur le marché local en tant que base arrière sur laquelle il peut s’appuyer pour accéder au marché extérieur avec.

- un total actif qui représente presque une fois le PIB ;

- des crédits qui sont totalement couverts par les dépôts ; et

- une forte bancarisation de l’économie comparée aux pays similaires ( soit un taux de bancarisation d’une agence pour 8400  habitants et un compte bancaire pour deux  habitants).

Mais

  • C’est un secteur qui reste fortement atomisé avec :

- 4 grandes  banques gérant 51 % des actifs du secteur et détenant chacune une part d’actifs dépassant 10%;

- 5 banques moyennes accaparant  ensemble 34% du total actif du secteur ;

- 11 petites banques partageant les 15% restants du total actif.

V- Quelles sont les perspectives de la restructuration du secteur bancaire tunisien ?

  • Le processus de reconfiguration du système bancaire tunisien constitue l’un des axes stratégiques du programme présidentiel « La Tunisie, un pôle de services bancaires et une place financière régionale».


Trois objectifs stratégiques sont  recherchés à travers cette reconfiguration  :

- Une contribution efficace du secteur bancaire dans la réalisation des objectifs macro-économiques surtout en matière d’impulsion de l’investissement et d’emploi à travers un secteur bancaire public mieux structuré, efficace et compétitif.

- Un accroissement de l’efficience et de la compétitivité du secteur bancaire en encourageant  les opérations de rapprochement et de regroupement.

- Une extension de l’activité bancaire pour atteindre les pays du Maghreb et de l’UMAO (Union Monétaire des pays de l’Afrique de l’Ouest) en s’appuyant sur des expertises évidentes.

Partant de ces choix stratégiques, certains axes ont été arrêtés dont : 

  • L’orientation vers une fusion entre la STB et la BH en visant la réalisation des économies d’échelle et un financement plus approprié des secteurs stratégiques.
     
  • La création d’un pôle spécialisé dans le financement des petites et moyennes entreprises, sous la forme d’un holding qui regroupe la BFPME, la SOTUGAR et les SICAR régionales afin d’harmoniser l’intervention  de ces différentes structures et de faciliter davantage l’accès au financement. Ce pôle vise à  renforcer l’efficacité du dispositif de création, de développement, d’innovation et de transmission des PME et ce, en offrant à la fois des services de financement, de garantie et de conseils aux promoteurs.
     
  • La création de « Tunisian Foreign Bank» suite à la restructuration de l’« Union Tunisienne des Banques »  pour renforcer sa présence en France et en Europe surtout à travers les services financiers offerts aux tunisiens résidents à l’étranger.
     
  • La création d’un pôle bancaire Tuniso-Libyen à partir
     
  • des banques tuniso-libyennes (ALUBAF-NAIB-BTL)
     
  • et l’implantation d’une structure filiale de ce pôle en Libye.
     
  • L’encouragement de toute initiative d’exportation de l’expertise  tunisienne surtout en matière de financement de l’habitat et du leasing sur la région du Maghreb et de l’Afrique et, pourquoi pas après sur d’autres marchés.
  • Faire de Tunis une place financière internationale après l’adoption du Code de prestation des services financiers aux non résidents.  .

Conclusion

Quelles sont nos marges de manœuvre  pour une restructuration utile?

  • Il est évident que toute initiative de restructuration bancaire ne doit pas éloigner le système bancaire de sa mission essentielle, à savoir la continuité de financement de l’économie  et la contribution à la réalisation des objectifs macro-économiques.
     
  • Il est essentiel que le renforcement des capacités financières des banques soit complété par un renforcement des capacités organisationnelles et institutionnelles pour une maîtrise parfaite du risque.
     
  • Il est nécessaire également de rester fidèle à notre tradition dans l’adoption des meilleures pratiques et standards internationaux en matière de régulation financière.

(*) Extraits de la communication présentée par M. Mohamed Rekik, Directeur à  la Banque Centrale de Tunisie à la clôture du séminaire organisé à Tunis par Ineum Consulting, mardi 28 septembre 2010
 

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1 Commentaire
Les Commentaires
Ali Chebbi - 10-04-2012 22:18

Je crois que cette méthode d'évaluer est confondue à celle d'une simple description dominée par une syntaxe journalistique narratif. l'auteur aurait pu nous synthétiser les forces et les faiblesses du système bancaire, sa dynamique en rapport avec la stratégie de développement économique et social ainsi que les enjeux qui en découlent. Comme si le système bancaire était exempt de toute insuffisance (ce ne sont d'ailleurs pas tous les crédits qui sont couverts par les dépôts. les créances douteuses sont à hauteur de 20% des crédits accordés selon l'une des déclarations du CA de la BCT. Soyons professionnels quand-même. les comparaisons internationales font défaut et la littérature correspondante aux critères d'évaluation des risques bancaires font aussi défaut. Si transparence y avait, (disponibilité des données statistiques sur les situations bancaires quotidiennes, comme l'impose l'art de la bonne gouvernance), ces études auraint pu être faites convenablement par les spécialistes.

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