Salah Hamdi - Les relations tuniso-chinoises et l’après Covid-19: Opportunités pour la Tunisie
Par Salah Hamdi - Ce n’est pas la première fois que j’écris au sujet des relations tuniso-chinoises. Je me rappelle particulièrement de deux analyses de fond publiées en 2016 et 2017 : (La Chine et le Nouvel Ordre Eurasiatique, Opportunités pour la Tunisie) et (De l’Opportunité d’un Partenariat Stratégique Tuniso-Chinois). A les relire aujourd’hui elles demeurent fondamentalement d’actualité. Plus récemment encore je viens de publier un concentré sur mon expérience personnelle en relation avec le (SRAS et le Covid-19) publié en Arabe sur EssarihOnline.
A la (faveur) de la pandémie Covid-19 les relations tuniso-chinoises enregistrent un regain d’intérêt qui augure de meilleures perspectives pour la relance des opportunités de coopération et de partenariat entre les deux pays à l’horizon de l’après – Corona. Il faut dire que le mouvement dans ce sens s’est déclenché au cours des toutes dernières années avec le lancement de projets importants au Sud-Est de la Tunisie qui semblent avancer lentement et la crise actuelle n’a pas manqué d’impact défavorable à ce niveau.
A quelque chose malheur est bon, la pandémie Covid-19 a déclenché un élan de solidarité prometteur sur la voie du renforcement de la coopération entre les deux pays. En fait c’est la Chine qui semble investir le plus dans les relations avec la Tunisie, évidemment non sans contrepartie ! Et la Tunisie devrait faire preuve de plus de volonté pour imprégner un caractère durable à cet élan dans le cadre d’une approche irréversible de coopération et de partenariat gagnant- gagnant intégré , dans le sillage du Projet planétaire de la Nouvelle Route de la Soie et dans la perspective de l’après-Corona .
J’ai eu la chance au cours de ma carrière de connaitre quelque peu la Chine à l’époque de son ouverture prudente et calculée sur le monde extérieur conformément à la doctrine du (Communisme de Marché) ou (Economie Socialiste de Marché). C’était à l’occasion d’une visite de travail à la fin des années 1980 en ma qualité de PDG de l’Office de Commerce de Tunisie
Importateur de thé chinois, et pour y avoir résidé pendant trois années (2002-2004) en tant qu’ambassadeur de Tunisie à Beijing.
A titre de souvenir remémoré en relation avec le confinement imposé par le Covid-19, j’ai eu droit en 2003 à un confinement semblable mais plus volontaire de trois mois recommandé par l’épidémie du (SRAS) de la même génération du Corona .Ceci dit en passant.
Mon séjour en Chine dans les années 60 a été marqué par des succès, notamment au niveau des échanges de visites de haut rang dans la hiérarchie politique, de la concertation politique sur les dossiers d’intérêt commun , de l’admission de la Tunisie en tant que destination des touristes chinois, de la couverture technologique par Huawei du Sommet International de Communication et son installation en Tunisie, et du renforcement de la coopération économique et financière.
Mais d’autres dossiers importants n’ont pas connu d’aboutissement pour diverses raisons. Avec les réserves d’usage, je citerai de mémoire à titre indicatif les opportunités suivantes :
• Les opportunités de coopération universitaire, de recherche scientifique et de recherche-développement.
• L’opportunité d’inclusion de la Tunisie dans un Hub international de transport et de logistique pour l’entreposage de produits et d’équipements semi-finis, la finalisation et la préparation à la réexportation vers l’Europe et dans une 2ème étape vers l’Afrique de l’Ouest voire vers l’Amérique du Sud . Le projet n’a pas rencontré l’enthousiasme des centres de décision et la guerre de l’Irak lui a donné le coup de grâce. Le projet a été abandonné par ses promoteurs.
• L’échec de coopération après le démantèlement de l’Accord Multifibres de produits textiles. La Tunisie (et le Maroc) avaient opté pour une gestion plus ouverte de la liberté du commerce des produits textiles.
• Le même sort a été réservé à l’opportunité de création en Tunisie d’une plate-forme industrielle et commerciale internationale à destination de l’Europe et de l’Afrique pour des raisons liées aux accords avec les tierces parties concernées.
• La déclaration de la Tunisie destination touristique a déclenché certes un flux touristique chinois vers la Tunisie, mais les résultats enregistrés semblent être limités pour des facteurs liés au transport aérien, à la langue chinoise, aux habitudes de consommation et à la cuisine chinoise.
Au cours des dernières années la Chine a misé sur le développement de ses exportations vers la Tunisie, avec la connivence des importateurs tunisiens, pour créer une situation irréversible dont on connait l’impact au niveau du déficit de la balance commerciale entre les deux pays. Mais d’autres mesures ont suivi au niveau des relations entre les deux Banques Centrales par l’inclusion de la devise chinoise dans le panier des devises servant de référence dans la gestion de la parité du Dinar, le Renminbi ayant déjà acquis le statut de DTS au sein du panier du FMI. C’est peut-être cette situation qui a boosté les projets annoncés au Sud-Est de la Tunisie pour équilibrer les relations économiques entre les deux pays,et c’est peut-être l’amorce d’une nouvelle étape prometteuse dans les relations économiques entre les deux pays à la faveur de l’annonce de principe de la Tunisie d’adhérer au projet planétaire de la Nouvelle Route de la Soie.
Pour réaliser ses ambitions en tant que nouvelle puissance politique et économique sur l’échiquier géopolitique international, la Chine semble compter sur un puissant empire financière reposant sur trois grandes institutions que sont la Banque Asiatique d’Investissement pour les Infrastructures, la Banque de Développement des BRICS et le Fonds de la Nouvelle Route de la Soie.
La Tunisie a tout à gagner à s’engager souverainement de manière volontariste et plus opérationnelle dans l’ouverture et la diversification de ses relations avec l’extérieur pour mieux tirer profit des nouvelles opportunités offertes dans le cadre d’un Partenariat Stratégique inclusif et gagnant-gagnant avec la Chine dans le sillage du projet planétaire de la Nouvelle Route de la Soie et dans la perspective de l’après-Corona à la faveur de l’élan de solidarité enregistré à l’occasion de la crise comme indiqué plus haut. Pour ce faire, elle doit redéployer sa diplomatie souveraine pour plus d’ouverture et de diversificationet en misant davantage sur la diplomatie économique. Un dosage équilibré entre les principes fondamentaux d’intérêt national, de souveraineté et d’autonomie, le réalisme, le pragmatisme et la neutralité positive serait de mise pour se mettre à l’abri de la politique des axes et d’agir avec plus de marge de manœuvre et de flexibilité sur la scène internationale dans un climat géopolitique aussi mouvant qu’imprévisible.
La gravité de l’impact de la crise est inévitable à court terme, mais l’après Covid-19 est aussi porteur d’opportunités sur le long terme qu’il faudra étudier, identifier et saisir à temps. Les mutations attendues de l’après-corona au niveau mondial seront riches d’opportunités dans tous les secteurs.Après la chute du Mur de Berlin, l’unilatéralisme et la mondialisation n’ont pas réussi dans la conduite du Monde. Ils ont été battus en brèche par ceux-là mêmes qui les ont initiés. Et la direction du Monde est désormais ouverte au Multi-Polarisme avec le risque de voir revenir des signes de guerre froide entre certaines puissances rivales.
C’est toute la question fondamentale de la capacité du Monde de l’après-Corona à construire un Nouvel Ordre Mondial ou à consacrer la démocratisation de la gestion des affaires du Monde dans un Système Multi-Pôles. Pour le moment le sentiment général s’oriente vers un certain Nouveau Monde de l’après-Covid-19. Il faut s’y préparer.
La diplomatie tunisienne en particulier et toutes les parties concernées, y compris les bureaux d’études, les think-tank et la société civile, doivent se mobiliser pour préparer le pays à se positionner à temps en vue d’identifier et d’exploiter les opportunités offertes pour créer davantage de richesses sur des bases durables. A cet effet, le Partenariat Stratégique Tuniso-Chinois serait riche d’opportunités. Puisse Dieu le tout puissant nous préserver du Corona et nous inspirer dans la meilleure exploitation de l’après-Covid-19 pour le bien et le meilleur de notre chère Patrie.
Salah Hamdi
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