Ahmed Ounaïes : Hédi Annabi avait foi dans la vertu du travail et mérite la reconnaissance de la grande famille des Nations Unies (Album Photos)
Par Ahmed Ounaïes, ancien ambassadeur, président d’honneur de l’Association Tunisienne pour les Nations Unies - Le 23 octobre dernier, nous étions invités à La Maison Bleue, la Maison des Nations Unies à Tunis, pour l’inauguration de la Salle Mongi Slim, à l’occasion du cinquantième anniversaire de son décès. Nous sommes aujourd’hui invités à l’inauguration de la Salle Hédi Annabi, dix ans après sa mort tragique dans le séisme qui avait frappé Haïti le 12 janvier 2010. Mongi Slim, un géant du Mouvement National tunisien, incarnait la Tunisie auprès des Nations Unies. Hédi Annabi, junior diplomate, ayant longtemps servi le Ministère des Affaires Etrangères avant de passer au Secrétariat Général des Nations Unies où il a gravi les plus hauts échelons de la hiérarchie, incarnait auprès de nous les valeurs des Nations Unies. Ces deux grands noms sont aujourd’hui symboliquement réunis au sein d’une même Institution, la Maison des Nations Unies à Tunis. Saluons cette initiative, la première dans notre pays. Votre geste, Excellence, nous va droit au cœur. Vous créez un lien de plus entre la Tunisie et les Nations Unies.
Il est normal qu’une nation honore la mémoire de ceux de ses enfants qui ont mérité sa reconnaissance. Lorsque les Nations Unies célèbrent la mémoire d’un agent qui a loyalement servi les buts et principes de la Charte, qui illustre authentiquement les valeurs des Nations Unies, c’est plus qu’une nation, c’est l’ensemble des nations qui honorent la mémoire d’un citoyen du monde, indépendamment de sa nationalité, indépendamment des continents, des langues, des religions… La famille humaine honore l’un de ses enfants qui a mérité sa reconnaissance. L’ONU établit ainsi que la grande famille humaine est une, et que la fraternité humaine a un sens. Ce symbole distingue la cérémonie d’aujourd’hui de toutes les autres. Ce symbole, Excellence, représente pour nous, membres de l’Association Tunisienne pour les Nations Unies, un témoignage d’une haute portée.
Je voudrais évoquer une qualité de Hédi Annabi. Il en a tant, mais je retiens une qualité qui l’a distingué en Tunisie et aux Nations Unies. Il était entré au Ministère des Affaires Etrangères au début de l’année 1966, et affecté aussitôt dans la Division que je dirigeais, au sein de la Direction de la Coopération Internationale, dont le Directeur était Ismaïl Khelil. J’avais observé dès les premières semaines que Hédi travaillait tard, qu’il restait dans son bureau bien au-delà de l’horaire. Nos bureaux étaient contigus : une porte nous séparait. Souvent, Hédi entrouvrait cette porte et me demandait « Avez-vous un petit quart d’heure, j’ai un gros paquet de correspondances à revoir avec vous ? » Je lui donnais volontiers la priorité sur mon travail et nous finissions ensemble son courrier.
Un soir, nous quittions tard Dar El Bey, le siège du Ministère. Il était près de 20 h. C’était le début de l’été, au mois de mai. En débouchant sur le square de la Kasbah, nous observions de l’autre côté, au pied des marches du Ministère du Plan et de l’Economie Nationale, deux hommes qui discutaient. L’un d’eux nous lançait aussitôt un ample salut de la main. A la lumière des réverbères, nous reconnaissions Ismaïl Khelil et Ahmed Ben Salah, le Ministre du Plan et de l’Economie Nationale. Nous nous étions dirigés vers eux pour les saluer, ils nous accueillaient chaleureusement. Nous nous connaissions tous pour avoir fréquemment participé ensemble à des négociations.
Ahmed Ben Salah saisit Hédi Annabi par le bras et, s’adressant à Ismaïl Khelil, lui dit : « Il m’arrive de sortir tard du bureau ; je suis souvent surpris par la fenêtre éclairée juste devant moi, et plus souvent par les deux fenêtres voisines également éclairées, et je me disais, avec un sentiment de réconfort, que si des agents de l’Etat travaillent au-delà des horaires, le Plan sera réalisé au-delà des normes que nous avons fixées ! » Ismaïl Khelil réagit par un éclat de rire. Nous comprenions que les deux hommes discutaient du Plan : nous en étions au beau milieu du Plan Quadriennal où Ismaïl Khelil comptait une part de responsabilité importante, la part de la coopération internationale. Ahmed Ben Salah conclut : « Je me demandais qui étaient les fonctionnaires occupant ces deux bureaux, maintenant je le sais. »
Hédi était profondément touché par ce compliment : moins de six mois après son entrée au Ministère, le témoignage du Ministre était beau. Pour toute réponse, il s’était contenté de regarder Ahmed Ben Salah dans les yeux et de sourire. Ainsi exprimait-il sa gratitude. Il n’avait plus jamais évoqué ce moment devant moi.
Le jour où Ban Ki-moon, le Secrétaire Général des Nations Unies, annonça le décès de Hédi, le 16 janvier 2010, il déclarait : « Hédi Annabi était toujours le premier à son bureau ; il était aussi le dernier à quitter son bureau, après tous les collègues. Il se donnait à son travail avec un cœur de lion. Il était le meilleur représentant de la Fonction Publique internationale. » Ce propos m’avait ému parce que je connaissais celui dont il parlait.
Hédi Annabi avait foi dans la vertu du travail, je l’avais observé au Ministère, puis à l’Ambassade à Paris où il m’avait rejoint un an après mon affectation. A l’époque, le Ministre des Affaires Etrangères, Habib Bourguiba Jr, décidait de renforcer la section de la Coopération Culturelle et Technique au sein de l’Ambassade : Hédi ajoutait au staff son talent et sa culture. Je renouais ainsi la collaboration avec lui. Je l’avais encore reçu à New York en 1980, quand il s’était rendu au Secrétariat Général de l’ONU avant sa prise de fonction. Pour ma part, j’avais rejoint New York un an auparavant, à notre Mission Permanente auprès des Nations Unies, pour le mandat de la Tunisie au Conseil de Sécurité en 1980 et 1981.
Je crois, Excellence, que Hédi Annabi a mérité notre reconnaissance, la reconnaissance de la grande famille des Nations Unies, en authentique citoyen du monde.
Ahmed Ounaïes
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