Ariha le 03 mars 1965...
Récemment, à l’occasion d’une réunion internationale j’ai eu le plaisir de faire la connaissance d’une professeure d’université palestinienne, plus précisément de Beir Zeit à Ramallah. Elle habite Al Qods d’où sa famille est originaire et depuis des siècles. Le meeting se tenait dans une grande capitale arabe, cette collègue y est arrivée directement par avion... de Tel Aviv !
Au fil de nos conversations elle m’a raconté son quotidien en Cisjordanie. Rien de ce que nous savons, une banalité glaçante. Un quotidien fait d’atteintes pernicieuses aux droits de l’homme, d’humiliations systématiques, bien structurées, faites de façon professionnelle.
Les limitations des déplacements, les check points, les délits de faciès, les expropriations, les arrestations arbitraires pour quelques heures ou jours ou quelques mois ou années…un petit exemple : officiellement, elle n’est ni jordanienne ni palestinienne, car si elle demandait un passeport palestinien, il lui sera automatiquement interdit de continuer à habiter à Al Qods. A Gaza, c’est encore pire, une prison à ciel ouvert pour deux millions de personnes. Et que dire des millions de réfugiés qui vivent dans des camps depuis 70 ans ? C’est dans ce contexte que fleurissent la corruption, la violence et les divisions savamment exploitées par tous, de tous les bords. Le mal est si profond, peut-être même insurmontable.
Pourtant et toujours la cause palestinienne restera une énorme blessure dans le cœur de chaque arabe, une passion, une injustice faite à tout un peuple. En 48, mon père était parti avec un groupe de jeunes tunisiens engagés volontaires pour faire la guerre en Palestine, ils ont été arrêtés par les anglais dans le désert libyen et ramenés en Tunisie. Moi-même, trente ans plus tard, étudiant, j’ai milité dans une association médicale pour la Palestine. Que de malheurs, que de morts, que d’humiliations, que de guerres perdues, que de territoires arabes spoliés, que de morts. Pourquoi ? Septembre 1970 en Jordanie, Sabra et Chatilla en 82… J’étais sur les quais à Bizerte en septembre 82. Les visages de ces combattants palestiniens descendant du bateau me hanteront jusqu’à la fin de mes jours. Des cadavres ambulants.
La Tunisie n’a pas de leçons à recevoir, elle a toujours été du côté des palestiniens elle l’a payé par les bombardements de Borj Sedria et les divers assassinats de leaders palestiniens sur son territoire. Lors des bombardements israéliens de Gaza en 2014, la mobilisation des citoyens tunisiens en faveur des habitants de Gaza a été impressionnante. La Tunisie a été l’un des rares pays autorisé à envoyer à trois reprises un gros porteur militaire rempli de dons de toutes natures. Et si le 03 mars 1965 Bourguiba a eu à Ariha des mots prémonitoires, que seuls les imbéciles contestent encore, c’est parce qu’il était l’un des rares à ne pas avoir instrumentalisé la cause palestinienne. Comme Galilée, Bourguiba avait mille fois raison et ceux qui l’ont attaqué savait qu’il avait raison, c’est pour cette raison que leurs réactions ont été si violentes.
Un ambassadeur palestinien m’avait bien résumé la situation en disant « Que les politiciens arabes arrêtent de surenchérir à nos dépens, ils nous font plus de mal que de bien » et c’est le cas depuis 70 ans. Cette surenchère doit être dénoncée parce qu’elle a été l’une des causes des malheurs des palestiniens. Certes il est plus facile de s’en prendre au sportif qui va jouer dans une compétition internationale contre un athlète israélien qu’aux nombreux pays arabes qui entretiennent discrètement des relations soutenues et même une coopération militaire avec le pire gouvernement qu’ait connu Israël depuis sa création. On dénonce la normalisation alors que des milliers de riches touristes arabes non palestiniens passent tous les ans leurs vacances en Israël ; on démonte un scanner pour trouver une pièce made in Israël on crie au scandale alors qu’on utilise des dizaines de logiciels israéliens chaque fois qu’on utilise son téléphone portable etc…et dire que cela dure depuis 70 ans !
Mandela disait « Tout ce qui se fait pour nous sans nous est fait contre nous ». La vérité est qu’il y a un énorme décalage entre la maturité des citoyens palestiniens qui vivent dans les territoires et les mises en scène faites par des politiciens jusqu’au-boutistes.Lors de ses discussions, mon amie universitaire palestinienne a tenu à se démarquer des discours antisémites, de la diabolisation et des accusations de trahison contre tel ou tel qu'elle jugeait inacceptables et faisaient le jeu d’Israël. Ayons le courage de regarder en arrière, depuis 70 ans tous nos errements ont été exploités contre nous de façon quasi-parfaite. Pourquoi les pires dictateurs arabes ont-il exploité le filon sans aucune retenue ? Il est touchant d’exprimer son engagement avec ferveur mais cela ne changera rien aux souffrances quotidiennes des habitants de territoires occupés. Ce conflit doit cesser d’être une aubaine pour nos politiciens. Concrètement qu’ont-ils à proposer ? Faire le pari sur la démographie ? C’est simpliste et en plus, c’est un faux calcul.
Posons-nous les bonnes questions, pourquoi les palestiniens ont été systématiquement piégés à chaque fois aussi bien à Madrid en 91, qu’à Oslo 1 et 2 ou encore à Camp David 1 et 2 ?
Chaque semaine, chaque jour qui passe creuse l’écart entre les israéliens et les palestiniens d’une part et plus grave encore entre les palestiniens eux-mêmes d’autre part. Bourguiba avait raison, il n’y a pas de solution miraculeuse, ayons le courage d’aborder d’une façon radicalement différente cette cause qui nous est si chère si nous voulons éviter le pire.
Dr Mohamed Salah Ben Ammar
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Les Arabophones et les musulmans en général ont été bernés par les calculs intéressés et la désinformation savamment distillée par leurs dirigeants lesquels n'ont jamais eu les moyens de leur politique...Si l'on excepte l'intermède de la nationalisation du canal de Suez en 1956 ayant favorisé depuis - l'intrusion sans partage- des Vetos States of America dans le conflit israelo-palestinien,les guerres israelo-arabes n'ont pas apporté la moindre paix à cette région tragiquement meurtrie.Avec Camp-David,l'égyptien Sadate a failli dégager une sortie de crise aux territoires palestiniens occupés en 1967.Les jusqu'aux boutistes ..en ont voulu autrement.. Deux anecdotes perso: A- En Avril 1988,faisant partie d'un groupe de jeunes journalistes arabes alors que le siège de la Ligue arabe était encore à Tunis,nous avons été reçus au palais du Peuple au Caire par l'ex président Moubarak. Il tenait à louer la "clairvoyance pragmatique" de Bourguiba.Flatté par cette sollicitude,je lui fais remarquer ,qu'homme de droit ,le leader Tunisien défend la juste cause palestinienne. ---Certes,repond-il et l'Égypte défend son Sinai et Sharm Cheikh.Nous avons conclu la paix avec Israel et si les autres (sic) veulent lui refaire la guerre,le Caire publiera juste un communiqué de presse pour dénoncer et condamner toute "agression israelienne"! Le lendemain,dans les ruelles de Khan al Khalili,on ne parle que du "lâche assasinat" d'abou Jihad à Sidi bousaid.Dans l'imaginaire du peuple ,les Gazaouis sont appelés : les arabes égyptiens de Gaza .Pour rappel ,cette bande territoriale était rattachée au pays du Nil jusqu'à 1928. 2-Flash back : c'était à Paris en 1979.Apres un diplôme de journalisme,j'entame une double année d' études à l'Institut libre des relations internationales. Lors d'un cours de droit international privé, prise de bec avec Pr.Vincent Borel. L'emerite prof qui a enseigné le droit à Tunis dans les années 60-70 ,donc mentor de notre actuelle crème de juristes a affirmé :" Au nom de sa sécurité, Israel a carte blanche et peut tout se permettre".Crédule et choqué par l'assertion,je rebondis : ---C'est bien amusant ce que vous affirmez, monsieur mais qui s'occupera de la sécurité des Palestiniens? ---C'est l'affaire des arabes...de partout ils encerclent Israel! J'étais mortifié. Je m'attendais plutôt à ce qu'il réponde que c'etait une affaire relevant du droit international ou du droit des personnes.Que dalle.! Je quitte la salle en lui lançant : "Désolé ce n'est pas cette conception du droit que je croyais venir apprendre"... Avec du recul, je revoyais le visage fatigué mais les yeux brillants d'Abou jihad débarquant une nuit de septembre 82 au port de Bizerte avec des combattants accueillis par Wassila Bourguiba.Les voix d'autres nombreux militants palestiniens ,martyrs convaincus autant que de millions de personnes de la juste de la cause palestinienne résonnent dans ma boule. Cause juste et juste une cause.70 ans après, le déséquilibre des forces aidant,ni le droit international, ni les arabo-musulmans ni les hommes dits épris de paix et de justice ne lui ont apporté une "solution équitable "...Rip Pr.Borel!
@Habib Ofakhri je vous demande pardon, je ne veux pas mettre en doute vos souvenirs, mais il me semble que Abou Jihad est arrivé en Tunisie pas avant 1984 puisque après 1982 il était à Amman... ou je me trompe ? Merci de me renseigner . Merci pour votre commentaire et merci au Dr Mohamed Salah Ben Ammar pour l'article.
On ne peut pas juger aujourd hui avec les règles d hier
@Bruno Vita.Merci pour l'intérêt porté au commentaire.De mon côté, je vous pris de m'excuser si je me suis trompé de date.Si ma mémoire est bonne,l'arrivée d'Abou Jihad en compagnie de combattants palestiniens évacués de Beyrouth se situait début septembre 82,puisque quelques jours après ,soit le 18 septembre 1982 fût perpétré l'abominable massacre de Sabra et Chatila...Il se pourrait que le bateau ait fait escale dans un port pour lui permettre de monter à bord. Au port d'embarquement de Bizerte,je lui avais demandé comment s'est passée la traversée ? Réponse :" La mer était un peu agitée, mais notre objectif : le retour à notre terre de Palestine"...Un vœu toujours actuel pour quelques millions de palestiniens de la diaspora.