Mustapha Elhaddad: A propos de la dernière grève des transporteurs des produits pétroliers
Quatre décennies après la nationalisation de l’Agip (devenue Agil), l’Etat continue de se substituer aux sociétés de distribution en dictant la manière dont doivent être rémunérés leurs transporteurs. L’Etat n’a-t-il pas mieux à faire, n’a-t-il pas d’autres priorités ?
Une refonte de la tarification des produits pétroliers a été proposée dans le cadre d’une étude réalisée en 2008 pour la Banque Mondiale. Nous reprenons ci-après quelques extraits de cette étude par laquelle il a été recommandé d’instaurer une marge globale de distribution afin de mieux responsabiliser les sociétés de distribution tout en favorisant l’émulation entre eux.
Modalités de fixation des prix des produits pétroliers
Les prix des produits pétroliers (à l’exception du kérosène aviation et du coke de pétrole) sont fixés dans le détail par l’Administration. Les prix sont fixés par concertation entre le Ministère en charge de l’Énergie, le Ministère des Finances et le Ministère du Commerce. Le montant des subventions à accorder par l’État au titre de la compensation des produits pétroliers est fixé annuellement par la Loi des Finances, sur la base d'une hypothèse de prix dubaril de pétrole. Les révisions de prix sont déclenchées en cours d’année en fonction de l’évolution réelle des prix à l’importation et des équilibres financiers des opérateurs publics qui en découlent.
Les tarifs des produits pétroliers (fioul, gazole, essences, pétrole lampant, GPL ...) comprennent trois principales composantes : le prix de cession de la STIR aux distributeurs, les taxes et la marge de distribution.
Les prix de cession (de vente de la STIR aux distributeurs) sont subventionnés. Le degré de subvention varie en fonction des choix politiques d’aide des produits supposés avoir un impact significatif sur des catégories sociales ou des activités économiques considérées comme sensibles, tout en préservant les principaux équilibres des comptes de la nation. Ces niveaux très différenciés des subventions créent des distorsions de prix entre les différents produits.
La tarification des produits pétroliers comprend quatre taxes : les droits de consommation (DC), la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), la redevance de prestation douanière (RPD) et les taxes portuaires. Les DC et la TVA varient selon les produits ; ensemble ils représentent moins de 10% du prix de vente au public pour le GPL domestique et plus de 40% pour l’essence. La taxe portuaire et la RPD représentent ensemble moins de 1% du prix de vente des produits. Les montants unitaires des taxes portuaires, RPD et DC sont figés depuis plusieurs années alors que la TVA a fluctué dans le temps.
La marge de distribution inclue : les rémunérations des différents modes de transport primaire, les coûts de stockage de sécurité, le forfait de transport, la marge des distributeurs, la rémunération des détaillants... Les coûts unitaires relatifs aux frais techniques et à la marge des distributeurs sont précisés dans le détail pour tous les produits pétroliers. Ils sont régulièrement négociés avec les sociétés de distribution. Ce mode de gestion des marges de distribution est contraignant pour l’Administration et n’incite pas à une saine concurrenceentre les opérateurs. Ne faudrait-il pas fixer une marge globale forfaitaire et plafonnée par produit ?
La STIR, unique importateur et unique fournisseur des distributeurs de produits pétroliers, enregistre d’importantes pertes du fait des subventions de ces produits.
Mesures d’ajustement recommandées
En vue d’aboutir à terme à un système de prix qui reflète la valeur réelle de l’énergie afin de donner le bon signal aux consommateurs, de ne pas freiner la mise en valeur des ressources nationales d'énergie (renouvelables ou autres) susceptibles de se substituer aux énergies importés et de ne pas grever le budget de l’État aux dépens d'actions ou programmes prioritaires, il faudrait dès à présent veiller à créer les conditions favorables au fonctionnement d’un marché concurrentiel de l’énergie. A cet effet, la mise en œuvre des mesures et réformes exposées ci-dessous est recommandée:
- afin de refléter les coûts réels d’approvisionnement en énergie, supprimer progressivement les subventions à tous les stades des échanges sur les produits pétroliers et le gaz naturel, et réfléchir aux niveaux de taxation qu'il faudrait appliquer;
- afin de protéger les populations et les activités économiques les plus sensibles, mettre en place un nouveau système de subventions ciblées;
- afin de favoriser une certaine concurrence entre les sociétés de distribution de produits pétroliers tout en préservant le consommateur de hausses abusives, plafonner les marges de distribution plutôt que de les fixer dans le détail, et réviser la «structure des prix» dans le sens de la simplicité et de la souplesse ;
- afin de permettre aux opérateurs non étatiques de contribuer à l’approvisionnement du marché en produits pétroliers, une fois les subventions sur les prix de cession supprimées, procéder à la libéralisation de l'importation des produits pétroliers dans le cadre d’un cahier des charges ;
- afin de faire face à la volatilité des prix, mettre en œuvre des formules de prix qui permettent d’ajuster périodiquement les prix intérieurs en fonction des prix CIF, tout en lissant les fortes fluctuations des prix internationaux.
La mise en œuvre de ces réformes nécessiterait certaines mesures d’accompagnement d’ordre organisationnel, dont en particulier celles relatives au mode de fonctionnement des entreprises publiques et à la mise à niveau de l’infrastructure pétrolière.
Mustapha Elhaddad
Extraits de l’étude Esmap – Banque mondiale de 2008
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