Le "J'y crois toujours" de M.K Nabli : la lecture du gouverneur Marouane El Abassi
Je ne peux présenter le précieux ouvrage J’y crois toujours, sans parler de la personne de Si Mustapha Kamel Nabli. J’ai eu la chance de le côtoyer à plusieurs périodes, vers la fin des années 1970, en tant que professeur et chercheur fraîchement débarqué d’UCLA avec une volonté farouche d’impulser le changement à la faculté des Sciences économiques et de Gestion de Tunis. Il a réussi avec les collègues de l’époque une profonde transformation du cursus universitaire et a pu permettre à des générations d’étudiants d’avoir de nouvelles perspectives de recherche et d’enseignement.
Je l’ai retrouvé vers la moitié des années 1980 en tant que jeune enseignant chercheur. Si Mustapha a été un exemple pour nous tous, on pouvait l’apprécier ou pas, mais on ne pouvait ne pas le respecter. Durant les années 1990, j’ai eu le privilège de travailler avec d’autres collègues sous sa direction sur un projet de recherche international sur la compétitivité et j’ai eu aussi la chance de faire partie de son cercle rapproché quand il a été en charge du ministère du Plan de 1990 à 1995. Si Mustapha, de l’avis de tous ceux qui ont collaboré avec lui pendant cette période, a fait un travail considérable à la fois pour changer les méthodes de travail à l’intérieur du ministère mais aussi réussir la restructuration de l’économie dans le cadre du plan d’ajustement structurel.
Après, Si Mustapha a eu une expérience réussie à la Banque Mondiale en tant que chef économiste mais aussi en tant que directeur de la région MENA. Dès l’avènement de la révolution, Si Mustapha est revenu au pays pour prendre en charge la Banque centrale de Tunisie (BCT) et a permis de rétablir la confiance dans le système économique et financier tunisien. Il a entamé aussi une restructuration importante à la BCT et drainé une assistance technique multiple et variée qui a pu transformer l’analyse et le processus de prise de décision à la BCT. Pour conclure sur la personne, les adjectifs qui me viennent à l’esprit pour qualifier Si Mustapha, c’est le sérieux, la rigueur, la droiture, l’excellence, l’intransigeance avec ses principes et surtout son amour infini et inconditionnel pour la Tunisie.
"J’y crois toujours" du Professeur Mustapha Kamel Nabli est un véritable plaidoyer pour un retour à la rationalité et à l’analyse méthodique des chiffres. L’analyse économique, sociale et aussi politique a été focalisée essentiellement sur la période après-révolution. Le constat est édifiant : le coût économique et social de la transition a été extrêmement élevé comparé à d’autres expériences internationales.
Le Professeur Nabli a utilisé les statistiques les plus récentes et les plus fouillées pour donner des explications et des clarifications simples parfois à des questions économiques complexes. Il a proposé tout le long du livre une approche économique simple, pédagogique pour proposer une évaluation économique chiffrée de la transition. Il a aussi permis de clarifier beaucoup de concepts et de chiffres utilisés ces dernières années. L’empreinte du professeur d’économie est très perceptible tout le long du livre : exemple son évaluation du secteur de l’informel et de son poids dans le PIB, l’utilisation de la monnaie fiduciaire dans l’économie ou son évaluation de la croissance dans les secteurs sinistrés, ses explications concernant les augmentations des salaires et la question classique de la perception de la perte du pouvoir d’achat; enfin son analyse sans complaisance des politiques budgétaires, fiscales, monétaires de change et sociales poursuivies depuis 2011.
Au-delà de l’approche économique factuelle et précise, l’originalité et l’innovation majeure du livre, c’est aussi dans la pertinence de l’analyse politique et institutionnelle de la période de transition.
Cette analyse innovante de l’économie politique du pays a permis à l’auteur de proposer des scénarios construits de gestion et de sortie de crise à la fois sur le court terme mais aussi sur le moyen et le long terme. J’espère que ce livre sera traduit au plus vite en arabe et que les économistes proches de la société civile et des partis politiques pourront le vulgariser auprès de la frange la plus large de nos concitoyens.
Marouane El Abassi
Gouverneur de la BanqueCentrale de Tunisie
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Très bonne analyse - mais il faut offrir ce livre au responsable pour leur archives !!! Les décideurs préfèrent le mic-mac - le reste est trop patriotique et sérieux