«Construire la sécurité en Tunisie», une réflexion originale sur la politique de sécurité nationale
«Construire la sécurité en Tunisie», le nouveau livre de Mohamed NAFTI, opuscule de 120 pages paru au mois d’Aout 2018, est une réflexion sur la Politique de Sécurité Nationale (PSN) en Tunisie. L’auteur appréhende simultanément la notion et le concept de sécurité dans la tradition intellectuelle tunisienne et la pensée occidentale pour dénicher les schèmes nécessaires à l’assimilation des nouveaux concepts de la sécurité nationale et l’adapter à la réalité tunisienne. Le livre est une fouille scrupuleuse de la littérature sécuritaire dans le domaine des Relations Internationales pour adopter une méthode de raisonnement incluant la typologie, l’analyse des sources de la PSN et des menaces pour résoudre la problématique de la PSN. Cette assimilation du concept de la sécurité et l’accommodation du processus de l’élaboration vont permettre de construire une PSN adaptée à la Tunisie. L’œuvre n’est pas une étude comparative, ni une réflexion inspirée (copiée) du Livre Blanc français sur la défense et la sécurité, elle est une pure réflexion personnelle qui prend sa source dans la tradition religieuse musulmane, qui coule à travers les œuvres des valeureux intellectuels tunisiens et qui accommode les nouveaux concepts d’analyse qui serviront à élaborer cette PSN tant attendue.
Dans le langage parlé tunisien, le mot sécurité, qu’on prononce toujours en français, se rapporte à la garde qu’on rencontre dans les supermarchés, les banques et les boites de nuit, les videurs en quelque sorte. Le Tunisien se soucie avant tout de ses propres intérêts ; la bouffe, l’argent et les plaisirs. On va dire son bien-être matériel. C’est légitime. Par contre, les forces de sécurité du Ministère de l’Intérieur (MI) sont nommées Al Hakim ou littéralement « le Gouvernant ». C’est que les régimes dictatoriaux après l’indépendance en 1956 ont largement fortifié leur survie et leur gouvernance à l’aide des forces de sécurité du MI, si bien qu’on n’arrive plus à différencier le policier de l’homme d’Etat. Le terme sécurité évoque-t-il dans l’inconscient du tunisien la dictature et l’injustice et incarne-t-il tout simplement la Peur, le contraire de la Sécurité ? C’est peut être un indice qui explique cette aversion et cette répugnance instinctive à toute tentative d’élaboration d’une PSN.
Pourtant, peu de gens réfutent l’idée que la sécurité ne soit pas d’un intérêt proéminent parmi les problèmes que rencontrent nos sociétés. La sécurité était continuellement la préoccupation des individus, des communautés et des Etats. Ces propos aussi ne semblent pas convaincre les nouveaux dirigeants politiques, hier exilés et poursuivis ni la société civile qui a longtemps lutté contre les abus du pouvoir, de la nécessité de contribuer à la construction d’une PSN.
Depuis le printemps tunisien en janvier 2011, seules les monarchies arabes ont échappé au fléau de l’insécurité. Pour quelles raisons ont-elles été épargnées ? C’est une question pertinente qu’il importe d’analyser ou d’en tenir compte. Ces doutes, ces préoccupations, ne semblent pas non plus inquiéter nos responsables politiques ni les inciter à concevoir une PSN.
La Sécurité se définit aujourd’hui comme l’absence de menaces contre les valeurs acquises de la société. Ces valeurs acquises sont essentielles pour la survie de la nation ou l’Etat. Une valeur est ce qu’il y a de plus cher à préserver. La société est prête à se sacrifier pour défendre ces valeurs essentielles. On distingue au minimum cinq valeurs essentielles : l’Identité nationale, les Valeurs sociales fondatrices, l’Intérêt national, le Territoire et la Souveraineté. Aujourd’hui, on observe que les valeurs, individuelles ou sociales, philosophiques ou morales, plutôt que se répandre sont en train de s’étioler et de dépérir. En Tunisie, on a souvent négligé l’enseignement de ces valeurs essentielles dans la famille, dans les écoles, dans les médias et dans la politique. Mais il n’est jamais trop tard pour y remédier. La Tunisie est une formidable nation qui a traditionnellement enfanté l’excellence. Il suffit de chercher dans notre riche patrimoine pour trouver tous les acquis nécessaires à l’apprentissage des nouveaux concepts de la sécurité nationale. On ne sera limité que par l’embarras du choix. L’auteur a pénétré dans la caverne intellectuelle tunisienne. Il en est sorti stupéfait. A partir des écrits de quelques valeureux tunisiens, on peut d’ores et déjà commencer l’apprentissage de la PSN.
Ibn Mandhur (1291) valeureux tunisien, auteur du Lisan al Arab définit la Sécurité comme le contraire de la Peur et distingue 66 vocables primaires du mot sécurité. Son œuvre demeure une référence mondiale.
Ibn Khaldoun (1332-1406) valeureux tunisien, auteur des Prolégomènes, Al Muqadima. Fût le premier penseur de l’ère moderne à établir une hiérarchie des besoins de l’homme. La subsistance, la sécurité, l’appartenance à une communauté et le besoin d’être gouverné par une autorité répressive. Ses idées ont-elles inspiré les philosophes européens du Pacte Social ; Hobbes, Rousseau et Kant?
Ibn Achour (1879-1960) valeureux tunisien. Auteur de l’exégèse du Coran At-Tahrir wa Tanwir , a établi le concept tunisien de la sécurité. « Auparavant, elle exige la Justice, la Dignité et le Bien-Etre matériel. Elle implique par la suite, le Développement humain, la poursuite de l’Intérêt National et la Richesse. Une déficience des trois préalables portera préjudice à la Sécurité. Une déficience de la sécurité compromet les trois derniers ». Ce concept n’est-il pas le prélude à la Sécurité Humaine du XXI siècle?
Bourguiba (1903-2000), valeureux tunisien. « La Nation tunisienne et non la nation arabe. La Tunisie a édifié une Identité depuis des milliers d’années. Le monde arabe est constitué de différentes nations et c’est ce qui explique leur attachement à vivre en plusieurs Etats. »
C’est en exploitant cet acquis, ces schèmes, qu’on arrivera à assimiler et à accommoder les nouveaux concepts de la sécurité et à faire notre apprentissage de la sécurité nationale, à Construire une Politique de Sécurité Nationale adaptée à la Tunisie.
Cette PSN sera centrée sur la sécurité humaine. La raison est simple. Toutes les menaces que rencontre notre pays à l’intérieur du territoire sont de nature humaine, une conséquence du comportement de l’homme (le citoyen) face à la loi, face à la société et face à l’environnement. A cette attitude « inhumaine » du tunisien il nous faut une Sécurité Humaine. Elle sera présentée en six chapitres. Le premier est une analyse de la notion et du concept élargi de la sécurité. Le second sera un guide à l’élaboration de la PSN. Le troisième analysera des traditions écrites tunisiennes dans le domaine de la sécurité. Le quatrième est une analyse géopolitique du territoire tunisien. L’avant-dernier chapitre décomposera les éléments constitutifs de la PSN en Tunisie et le dernier présentera une synthèse de la réflexion. Bonne lecture.
Mohamed Nafti, «Construire la sécurité en Tunisie» 120 pages, 15 dinars, édité à compte d'auteur 2018
Mohamed Nafti
NB : Des erreurs ont été remarquées dans le texte du livre et les plus apparentes méritent d’être signalées, je prie le lecteur de pardonner ces maladresses.
1. p 90 : ce qui est entre parenthèses, au lieu de moins de zéro pour cent, lire proches de zéro pour cent.
2. p 96 : lire le taux de croissance du PIB n’arrive pas à atteindre les …
3. p 100 : au lieu des secteurs cités, lire secteurs déjà cités.
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