News - 17.06.2010

Médias entre responsabilité politique et mission sociétale : faut-il contrôler et par qui ?

« Faire contrôler la responsabilité des médias par le seul pouvoir d'État, c'est ouvrir la porte à l'absolutisme. Laisser faire les seules lois du marché, c'est ouvrir la porte au mercantilisme. Laisser les professionnels s'autoréguler en vase clos, c'est faire le lit du corporatisme. Une société moderne, à la hauteur de la complexité croissante des problèmes rencontrés, combine les mécanismes et les processus de participation et de dialogue, avant d'en arriver aux sanctions. » Les 42èmes assises de l'Union de la presse francophone, tenues à Rabat du 1er au 4 juin 2010, sur le thème " la responsabilité politique et sociétale  des médias", ne pouvait aboutir à meilleure conclusion.

La plus ancienne association francophone internationale qui fédère plus de 3000 journalistes dans 100 pays avait convié le gotha de la presse à une réflexion approfondie sur le nouveau journalisme à inventer face aux mutations profondes des médias, des publics, des journalistes et des sociétés. Sabri Brahem, rédacteur-en-chef du quotidien Assabah s’y est retrouvé, aux côtés de Jean Marie Colombani (ancien directeur du Monde) Francis Morel (Directeur général du Figaro) et autres Jean Miot (ancien patron de l'AFP), à l’écoute de messages forts d’Abdou Diouf, Jean Pierre Raffarin et 175 confrères venus de 45 pays.
 
C'est l’ancien premier ministre Raffarin (et représentant permanent du Président Sarkozy pour la francophonie), qui rappelle l’attachement de tous à un journalisme de qualité n’a pas manqué de poser d’emblée, des questions fondamentales : Quelle responsabilité du journaliste ? Comment préserver la démocratie et la liberté d’informer ? Quelles sont les implications d’un financement de la presse par le politique ? »

Du haut de sa sagesse, le président Abdou Diouf, secrétaire général de la francophonie, délivre un message de cadrage. «Le rôle du journaliste, dit-il, qui est un citoyen, pourrait être, tout en veillant à garder intacte sa capacité d'indignation, de tenter de contenir, à travers ses écrits et ses paroles, les crises politiques et institutionnelles aiguës. Car derrière bien des mots, en apparence anodins, peuvent souvent être enfouies bien des sources de conflits. Le journaliste, qui n'est pas un citoyen comme les autres en ce sens que sa parole est attendue et entendue, agirait ainsi tel un passeur social… Je n'en appelle pas à une auto-censure du journaliste! Bien au contraire, j'en appelle, de tous mes voeux, à un sens élevé de la responsabilité sociale, qui implique que chaque homme de média, dans l'exercice de ses fonctions, puisse se fixer ses propres limites, inventer sa propre boussole interne. En ce sens, la sauvegarde de cette chose publique si fragile qu'on nomme la République doit à mon sens prévaloir sur toute autre vérité».

Un regard tunisien

Apportant la fraîcheur de la jeune génération de journalistes, Sabri Brahem, était invité à livrer son analyse et partager son expérience sur « l’Evénement, le spectacle et l’effritement du rôle des médias. Il commence par une salve de constats  (le rôle des médias n’est plus ce qu’il était. les médias ne sont plus ce qu’ils étaient aussi bien pour le pouvoir que pour le public, l’information, principale « service » des médias n’est plus réservée aux médias) assortis d’une série d’interrogations. Les médias sont-ils toujours «la conscience de la nation »? Les journalistes sont ils toujours des leaders d’opinion? La presse a-t-elle toujours cette image auprès du public en tant que « contre pouvoir » ?

Sabri estime qu’avec le foisonnement des informations et l’éclatement des sources, face à la prolifération des médias et des évènements, de nouvelles conditions de l’exercice du métier se sont imposées. Aussi, les nouvelles règles de concurrence génèrent nombre de risques de dérapages et/ou de perte du rôle de média. Dans ces nouvelles sociétés-spectacles, la scénarisation devient inévitable, indispensable. Le médiateur (notamment la presse) se transforme en simple régulateur de flux qui met en scène l’événement, le monde. La scénarisation (le spectacle) devient plus importante que le contenu. Ainsi, souligne-t-il, plus la technologie favorise la mondialisation, plus les médias tirent vers l’individualisation  (proximité, célébrités, people…).

Les médias sont alors de plus en plus conditionnés, c'est-à-dire dépendants. « Le contenu est conditionné  par un public qui ne favorise pas toujours le développement de qualité. Les annonces vibrent au rythme des attentes du public et compliquent davantage  la mission des médias. C’est pourquoi, à défaut de pouvoir changer la société, les médias finissent par subir les changements imposés par la société et adaptent leurs discours aux attentes de son public cible». Bref, Sabri Brahem parvient à la même conclusion que ses pairs : « le rôle des médias est à réinventer».



Légende photo Tribune : de gauche à droite : Ayméric Chauparde, Robert Dossou, Sabri Brahem, Jean Kouchner et Francis Morel

 

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1 Commentaire
Les Commentaires
KILANI Selim - 18-06-2010 17:02

Le journalisme n'est pas un métier, c'est un engagement et une vocation. Si le mercantilisme a pris du terrain en imposant ses lois sur les médias c'est bien sûr et surtout grâce aux journalistes qui en sont complices par cupidité. En un mot il ne fauta pas qu'ils vendent leurs âmes aux diables du mercantilimse!

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