Une ardente obligation: Créer la Verticale Afrique-Méditerranée-Europe (AME)
Dans un monde chaotique où il est difficile d’avoir confiance dans le long terme, nombreux sont les chefs d’Etat qui pilotent à vue. La Chine, pourtant, achèvera en 2049 les routes de la soie qui relieront l’Europe et l’Afrique aux intérêts asiatiques. En Afrique, certains Etats se donnent une perspective de long terme : le Maroc a réintégré l’Union Africaine l’année dernière et développe des projets d’envergure tels que la rocade atlantique d’Agadir à Dakar et le gazoduc venant du Nigéria ; L’Algérie, avec le projet de dorsale trans-saharienne qui relierait Alger-Cherchel à Lagos au Nigéria soit 6 000 km d’autoroute et des transversales vers la Tunisie, le Niger, le Mali… L’Egypte, avec la modernisation du Canal de Suez, le hub gazier en devenir dans la Méditerranée Orientale et la grande zone de libre-échange, la tripartite « du Cap au Caire »… le Ghana, avec son Président qui affiche sa volonté de rupture avec le passé et trace le chemin d’une Afrique ambitieuse, autonome, liée à l’Europe, dans un rapport équilibré.
Le Président Macron a donné une vision de l’ancrage de la France à l’Europe, à l’Afrique et au monde, le 29 août 2017, devant les ambassadeurs de France : « la stratégie que je veux mettre en oeuvre consiste à créer un axe intégré entre l’Afrique, la Méditerranée et l’Europe… Nous devons arrimer ensemble, enfin, les continents européen et africain, à travers la Méditerranée, le Maghreb restera pour cela une priorité centrale pour la France… C’est en Afrique que se joue largement l’avenir du monde ». Il a réaffirmé ce besoin d’arrimage des deux continents à Ouagadougou et à Abidjan, le 27 novembre 2017.
Nous adhérons avec une profonde conviction à cette vision d’un Axe AME commun car elle est à la fois ambitieuse et réaliste :
- L’Europe est déjà le premier investisseur en Afrique et son premier client. Plus des trois-quarts du commerce international des pays de l’UE se réalise en Europe, avec la Russie, avec les pays sud-méditerranéens et l’Afrique – même si les positions commerciales de l’Europe en Afrique se dégradent face à l’offensive chinoise.
- L’internationalisation des échanges conduit à une globalisation, mais aussi à une régionalisation de certaines activités qui bénéficient de l’avantage de la proximité géographique et de la complémentarité économique. C’est ainsi que l’Alena a rapproché les économies des Etats-Unis et du Mexique, et que l’ensemble des Amériques du Nord et du Sud font, désormais, 56% de leurs échanges commerciaux. C’est ainsi que l’intégration des pays de l’Asie orientale est passée en trente ans de 30% à presque 60% de leurs échanges commerciaux. Faute d’une intégration régionale Nord-Sud, l’Europe sera étouffée par le G2 sino-américain, et l’Afrique subira la domination de ce dernier.
- Avec 500 millions d’habitants vieillissants, l’Europe doit faire le choix du développement accéléré de l’Afrique qui comptera 2,5 milliards d’habitants en 2050. Les marchés sont et seront de plus en plus au Sud. Il ne s’agit pas que de business : nouer un partenariat économique et industriel avec l’Afrique, grâce à la contribution active des diasporas, dans le but de transformer localement ses immenses ressources naturelles et humaines, est le meilleur moyen de contribuer à son développement.
Enfin, cette vision est réaliste au regard des défis communs tels que le terrorisme, l’immigration non contrôlée, le réchauffement climatique et la défense des valeurs morales communes qui imposent la mutualisation des objectifs et des moyens.
La stratégie à mettre en place doit puiser dans un certain nombre de mécanismes et d’institutions qui ont fait leurs preuves en Asie orientale et dans les Amériques. On y trouve d’abord une fondation qui rassemble experts, intellectuels, représentants des sociétés civiles et chefs d’Entreprise travaillant à l’accélération des interconnexions, des réseaux techniques (eau, transport, électricité), financiers et culturels (reconnaissance des diplômes universitaires, échanges d’étudiants…). A ce jour, il n’existe entre l’Europe et l’Afrique aucun organisme comparable à la CEPALC (700 chercheurs, 40 millions de dollars par an) pour les Amériques ou à l’ERIA (15 laboratoires et 30 millions de dollars par an) pour l’Asie orientale.
On y trouve ensuite une institution d’instruments financiers pour le développement, dont disposent déjà les Amériques (BID) et l’Asie orientale (ADB et BAII) pour assurer la mobilité des capitaux Nord-Sud dont la BAD et la BEI pourraient être la plateforme de base. Le troisième mécanisme serait un partenariat économique entre les pays du Nord (EU) et les pays du Sud (AU). Enfin, il faudrait un lieu de concertation politique comparable à l’Organisation des Etats Américains (OEA) et aux Sommets de l’Asie Orientale, avec une charte exprimant la ferme volonté de rompre et de se débarrasser des prédateurs et des scories du passé, exprimant la volonté d’une Afrique, forte, autonome, liée à l’Europe dans un rapport de co-production.
L’ensemble de ces quatre outils devrait prendre la forme d’un nouveau traité entre l’Europe et l’Afrique qui prendrait la place des accords de Cotonou qui viennent à échéance fin 2020. Ce « New Deal » donnerait du sens à l’avenir de l’Europe ; il apporterait une vision à la jeunesse des deux continents et satisferait les sociétés civiles africaines et européennes qui attendent de l’Europe et de l’Afrique des réponses nouvelles et innovantes aux défis d’aujourd’hui et de demain.
Signataires
- Jean-Louis Guigou, Président de l’IPEMED
- Pierre Beckouche, Professeur des universités, Paris 1 Panthéon Sorbonne
- Khater Abi-Habib, Président de Kafalat
- Talal Abu Ghazaleh, Chairman of Talal Abu-Ghazaleh Organization (TAG-Org)
- Didier Acouetey, Président du cabinet Africsearch
- Mounir Abdelnour, ancien Ministre
- Iqbal Gharbi, Directrice de la chaire d’anthropologie religieuse, Université Zitouna
- Jalloul Ayed, ancien Ministre
- Abdessalem Ben Ayed, Président Directeur Général de PIRECO
- Joachim Bitterlich, Ancien ambassadeur
- Roland Branquart, Président d’Euro2C
- Jean-Louis Chaussade, Directeur général du groupe SUEZ
- Shermine Dajani, Présidente de PanMed Energy Ltd.
- Aliko Dangote, Group President of Dangote Industries Limited
- Khalil Daoud, Président de LIBAN POST
- Nathalie Delapalme, Directrice exécutive de la Fondation Mo Ibrahim
- Kemal Derviş, ancien Ministre
- Eric Diamantis, Avocat Partner du cabinet Clyde & Co
- Elias Doumet, Président du groupe Matelec
- Isidro Fainé, Chairman de la « Caixa » Banking Foundation
- Piero Fassino, ancien Ministre, Député de la République italienne
- Élisabeth Guigou, ancienne Ministre, Présidente de la Fondation Anna Lindh pour le dialogue des cultures en Méditerranée
- Christian Hiller von Gaertringen, Consultant sur le financement de projets d'investissements en Afrique
- Noureddine Hajji, Président d’IPEMED Tunisie
- Marc Hoffmeister, Président de Classe Export
- Mehdi Houas, ancien Ministre
- Dr Mo Ibrahim, Founder and Chair, Mo Ibrahim Foundation
- Alfonso Iozzo, Président, Il Centro Studi sul Federalismo
- Alain Juppé, ancien Premier Ministre
- Jean Kacou Diagou, Président-Directeur général du groupe NSIA
- Ridha Khadher, Artisan-boulanger
- Fadia Kiwan, Directrice honoraire de l’Institut des sciences politiques de l’Université Saint-Joseph
- Venance Konan, Ecrivain
- Pascal Lamy, ancien Directeur général de l'Organisation mondiale du commerce
- Eneko Landaburu, Ancien chef de la délégation de la Commission européenne en Espagne
- Denis MacShane, ancien Ministre
- Alexandre Maymat, Responsable de la Business Unit Région Afrique & Outre-mer, Société Générale
- Radhi Meddeb, Président-directeur général du groupe Comète Ingénierie
- Gérard Mestrallet, Président du conseil d'administration d’ENGIE
- Miguel Ángel Moratinos, ancien Ministre
- Elie Nkamgueu, Président du Club Efficience
- Fathallah Oualalou, ancien Ministre
- Romano Prodi, ancien Président de la Commission européenne
- Jean-Pierre Raffarin, ancien Premier Ministre
- Jean-Louis Reiffers, Doyen honoraire de la Faculté des Sciences économiques de l'Université d'Aix-Marseille II
- Stéphane Richard, Président-directeur général d'Orange
- Carmen Romero, ancienne Députée européenne
- Jean-Marie Severino, Président d'Investisseurs & Partenaires (I&P)
- Jemal Taleb, Ambassadeur itinérant de Mauritanie
- Fouad Trad, Directeur général délégué de Byblos Bank Europe
- Jean-Jacques Van der Slikke, Senior Vice-President for North Africa and the Middle East at SAFRAN Group
- Hubert Védrine, ancien Ministre
- Douraid Zaghouani, Chief Operating Officer, Investment Corporation of Dubai
- Dr Fouad Zmokhol, President of Association of Lebanese Business People in the World (RDCL World)
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