40 ème jour de la disparition d’un éminent homme d’Etat, Mohamed Sayah (1933 – 2018), l’enfant putatif de Bourguiba
Le15 Mars dernier, jour anniversaire du déclenchement des évènements estudiantins de l’année 1968, les témoins, encore en vie, dont Khémais Chammari, le regretté Salah Zghidi, Lamine Zgoulli, Abdelkrim Gabous et moi-même, étaient réunis dans l’enceinte de la Faculté des Sciences Humaines et Sociales de Tunis où avait enseigné en ce temps-là Michel Foucault – c’est bien à Sidi Bousaid qu’il écrivit « l’Archéologie du savoir » - le philosophe Fethi Triki – dernier ouvrage paru « Révolution et vive-ensemble » nous fit l’annonce du décès de Mohamed Sayah.
Pourfendeur de cette agit-prop, l’ancien directeur du PSD (Parti Socialiste Destourien) n’avait pas hésité à l’époque à faire paraître un opuscule inquisiteur intitulé « la vérité sur la subversion, à l’Université de Tunis » où il n’allait pas de main-morte : « le complot avoué de modifier par la violence le mode de gouvernement que s’est donné le peuple tombe sous le coup de la loi pénale.La paralysie de l’université et les manifestations constituent les premiers actes d’un complot destiné à porter le désordre. On a bien vu en France que le émeutes de Mai ont bien ainsi commencé ».
Le style, a-t-on coutume de dire, trahit l’homme. Les mots, sous la plume de ce normalien qui a consacré presque toute sa vie active à écrire les éditoriaux du journal « L’ACTION » ainsi que les nombreux volumes de l’Histoire du mouvement national parus en 1979, sont souvent incisifs. Mû par une passion ardente à l’égard de son mentor adulé, Sayah ne s’offusquait guère d’être qualifié par ses contempteurs de thuriféraire du « combattant suprême » et à tout le moins de son historiographe patenté.
Depuis sa cooptation par le chef du Néo-Destour en 1960 alors qu’il était aux commandes de l’UGET (Union Générale des Etudiants Tunisiens) une histoire d’amour filial était née. Elle ne cessera plus jamais. Elle résistera aux vicissitudes du temps et aux ignominies des hommes.
Après le crépuscule du démiurge en 2000, Mohamed Sayah, en gardien du bourguibisme, porta haut le flambeau du souvenir de l’épopée du père de la Nation. Profitant enfin du départ forcé en 2011 de Ben Ali, et savourant sa revanche sus le destin, il crée la Fondation Bourguiba exprimant ainsi urbi et orbi la volonté d’être le dépositaire universel du premier président de la Tunisie indépendante, déposé le 07 Novembre 1987 par son premier ministre Mohamed Sayah aurait dû assumer cette fonction. Mais une femme – Saïda Sassi – eu avait décidé autrement. Déjà en Avril1980 le même élanbourguibien en faveur de Sayah avait était stoppé par une autre femme – Wassila Bourguiba – au profit de Mohamed Mzali.
Nullement affecté, Sayah poursuivait son bonhomme de chemin en remplissant les tâches qui leur étaient confiées au sommet de l’Etat.
Après lui avoir remis les clefs de son porte en 1964, en remplacement d’un ancien président de l’UGET – Abdelmajid Chaker, Bourguiba ne cessera plus de lui attribuer des portefeuilles ministériels tout aussi importants que l’information,la jeunesse, l’éducation et surtout l’équipement. Il fut – fait assez rare dans les annales du gouvernement tunisien, trois fois à la tête de ce déportement où il a passé au total près de dix ans.
Tous ceux qui l’on côtoyé parmi les ingénieurs hautement qualifiés sortis des grandes écoles français – Polytechnique, Mines, Ponts et Chaussées – étaient sidérés par les aptitudes intellectuelles et physiques à l’égard des dossiers techniques les plus ardus, de ce littéraire décidément hors-normes.
Maire de l’Ariana de 1980 à 1985, je puis, quant à moi, témoigner de la capacité d’écoute, de l’empathie et de la réactivité de mon illustre prédécesseur à l’UGET.
En homme d’Etat avisé, si Mohamed avait l’intelligence de ne plus se remémorer le temps de la discorde quand je fus élu en 1969, à Mahdia, secrétaire général du syndicat estudiantin.
Il avait, à l’époque, son candidat. Je n’étais pas, à l’évidence, celui-là. Je n’étais le candidat de personne quoiqu’en eussent dit les contradicteurs.
Pour la première fois dans l’histoire de notre mouvement, les congressistes avaient le libre choix entre plusieurs candidats déclarés.Sayah, sur l’instigation, il est vrai, de Monsieur Ahmed Ben Salah secrétaire général adjoint du parti qui plaida pour la pluralité, fit semblant d’encaisser, en homme doué d’une impressionnante force de résilience qu'il était, cette intrusion qui mit fin à sa main mise sur ce vivier de cadres destouriens. L’entrée en force des représentants de la gauche dans les structures de l’Union a occulté le mythe d’un syndicat inféodé au pouvoir. Le congrès de Korba en 1971 scellera à jamais la rupture avec le parti unique.
Mais, pour sa gouverne, Sayah n’était pour rien dans les péripéties de ce 18ème congrès dont les travaux n’avaient pas été menés à terme.
Après 17 ans d’hibernation, l’histoire va reprendre son cours en Mai 1988, en l’absence de Sayah de la scène politique. Le bureau exécutif qui succèdera au mien comptera parmi ses membres : Samir Laabidi, Mohsen Marzouk, Jawher Ben Mbarek et un certain Chokri Belaïd, le martyr de la Tunisie post-Révolution.
Aïssa Baccouche
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