News - 16.04.2018

Frappes en Syrie : la France et la Grande Bretagne veulent ressusciter Sykes et Picot !

Frappes en Syrie : la France  et la grande Bretagne veulent ressusciter sykes et picot !

Depuis le 28 mars 2018, l’Institut du Monde Arabe (IMA)  à Paris offre à ses visiteurs une « exposition-évènement » intitulée « L’épopée du canal de Suez. Des pharaons au XXIème siècle. »
Parmi les documents exposés, on peut voir une copie de l’accord secret franco-anglo-israélien qui a scellé l’ignoble attaque tripartite du 29 octobre 1956 contre l’Egypte du Président Nasser. Bravant l’impérialisme, le Raïs avait osé nationaliser le 26 juillet 1956 le canal et le rendre à ses légitimes propriétaires, l’Etat et le peuple égyptiens. Cet accord porte les signatures de l’Israélien David Ben Gourion, du Français Christian Pineau et de l’Anglais Anthony Eden. L’ignominieuse attaque de ce  trio colonialiste visait à récupérer le canal pour le rendre aux financiers et aux actionnaires internationaux et pour entraver la décolonisation en marche.

Un fiasco mémorable

Cette expédition coloniale fut couronnée par un énorme fiasco lorsque  l’URSS et les Etats Unis sifflèrent la fin de partie.
Israéliens, Français et Anglais durent plier bagage et rentrer chez eux la queue basse, non sans avoir commis force atrocités à Port Saïd, à Ismaïlia, à Port Fouad… à l’endroit du peuple égyptien.

Le Premier Ministre britannique, Anthony Eden dut démissionner signant la fin du statut de superpuissance du Royaume Uni. Le Président du Conseil français, le socialiste Guy Mollet, subit un revers politique majeur qui facilita le processus de décolonisation de l’Afrique.

Comme la Grande Bretagne, la France perdit son aura de grande puissance en dépit de la bombe A et du droit de veto au Conseil de Sécurité.

Il est clair que le Président Emmanuel Macron* et Theresa May - dont les pays font partie de l’OTAN - en attaquant la Syrie sous la houlette du parrain Trump, tentaient de retrouver les charmes de cette époque révolue au cours de laquelle ils régentaient le Moyen-Orient de papa.  Et comme en 1956, Israël applaudit à ces frappes impérialistes, Netanyahou leur exprimant son « soutien total » En fait, Londres comme Paris, depuis  quelques mois, se sentaient exclus de toute recherche de solution en Syrie.

Si les Etats Unis visaient par cette attaque l’Iran l’accord sur le nucléaire, la France essayait de prendre place sur la scène internationale et de récupérer son titre de grande puissance en étant présente sur le théâtre syrien où dominent la Russie, l’Iran, le Hezbollah et la Turquie.
Pour Emmanuel Macron, ces frappes iniques permettent en outre de masquer la gravité de ce qui se passe actuellement dans le pays : manifestations de retraités, désorganisation des transports ferroviaires et aériens par les grèves perlées, révoltes estudiantines contre la sélection dans les universités, colère des personnels hospitaliers et des maisons de retraite, guérilla urbaine à Notre Dame les Landes près de Nantes….

Une Triple Alliance - gendarme du monde - s’est ainsi formée en dehors du droit international et sans mandat onusien pour « punir » la Syrie de l’emploi des armes chimiques. Mais peut-on ajouter foi au discours américain ? Les Etats Unis n’ont-ils pas utilisé l’arme atomique contre les populations civiles au Japon ? N’ont-ils pas déversé des milliers de tonnes de défoliant (Agent Orange contaminé de dioxine) sur le Vietnam dont la population accuse encore le plus fort taux de bébés malformés dans le monde? N’ont-ils pas saccagé l’Irak avec de fausses preuves sur de prétendues « armes de destruction massive » en 2003 ?  Peut-on ajouter foi à ce que dit Donald Trump quand l’ancien directeur du FBI, James Comey,  qualifie le président de « menteur en série » (The New York Times, 16 avril 2018) ?

Pour nous Tunisiens, il importe de réaliser que les attaques contre la Syrie dépendent du commandement des forces navales américaines en Europe dont le quartier général est quasiment à notre porte : à Naples-Capodichino. Le commandement est sous les ordres de l’amiral qui est responsable de la force conjointe de l’OTAN à Lago Patria (Naples). L’opération elle-même est régulée depuis la Sicile par la base aéronavale yankee de Sigonella et la station de transmissions de navales de Niscemi d’après l’ONG italienne Comitato No Guerra No Nato. L’Italie n’a cependant pas participé à l’agression comme elle l’avait fait en  Lybie.  De même, l’Allemagne, première puissance européenne, n’a pas pris part à l’agression contre Damas.

Deux poids, deux mesures

Les frappes contre la Syrie seraient un acte de morale étant donné que l’on aurait exposé à une mort atroce des populations civiles et notamment des enfants. Mais, on peut continuer à écharper les gens avec les armes conventionnelles. « No problem »  semblent dire ces puissances occidentales !

Israël utilise couramment dans ses agressions contre les Palestiniens du phosphore blanc, arme chimique. Ces puissances occidentales si à cheval sur l’éthique et les bonnes manières n’ont jamais bougé le petit doigt pour condamner Israël. Deux poids, deux mesures donc.

Pourtant Israël est si intéressé par les gaz de combat qu’il a mis la main sur la bibliothèque de leur inventeur, l’Allemand Fritz Haber (1868-1934). Celle-ci se trouve aujourd’hui à l’Université hébraïque de Jérusalem. Haber, d’origine juive, s’était pourtant converti au protestantisme. Révulsée par les découvertes mortelles de son époux, la femme de Haber - elle-même docteur en chimie - s’est suicidée pour se désolidariser de ces poisons. Ce qui n’est pas de nature à impressionner l’Etat sioniste !

La France, l’Angleterre et les Etats Unis prétendent déplorer la mort des enfants syriens mais regardent ailleurs quand il s’agit du Yémen. Ils regardent ailleurs quand Israël transforme la frontière avec Gaza en champ de tir pour ses tireurs d’élite, transformant les civils palestiniens - femmes, enfants et vieillards - en pigeons d’argile d’exercice. Rien n’est fait pour mettre fin à ces boucheries. Hypocrisie ! Point d’altruisme en vérité de la part des trois Occidentaux. Pour eux, il s’agit d’abord de défendre leurs intérêts. Il ne s’agit ni de déposer al Assad ni de protéger les Syriens. D’abord, veiller sur les intérêts du  Monstre Froid !

En frappant la Syrie, Paris, Londres et Washington n’ont qu’un but. Peser dans d’éventuelles négociations sur l’avenir de la Syrie. En vérité, ces questions ne sont que du ressort du peuple syrien. C’est pourquoi il faut entendre Martin Luther King -militant pour la paix - quand il dit : «Ceux qui aiment la paix doivent apprendre à s’organiser aussi efficacement que ceux qui aiment la guerre. »

La Grande Bretagne et la France devraient enfin réaliser que l’époque de l’accord Sykes-Picot, qui procéda au dépeçage de l’empire ottoman, est bel et bien morte et enterrée.  Le monde a changé : la Chine, par exemple, est aujourd’hui  la deuxième puissance de la planète !

Mohamed Larbi Bouguerra

*La France, obéissant aux injonctions de Trump, a augmenté le budget de l’armée de 1,7 milliard d’euros par an jusqu’en 2022. Dans le même temps, on a amputé les retraites !
 

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1 Commentaire
Les Commentaires
Touhami Bennour - 16-04-2018 23:24

C´est l'un des meilleurs articles que j´ai lu de Vous Monsieur. Il n´y a que de la politique, et c´est ce qui m´intéresse. Cela dit, je pense que les trois qui ont attaqué la Syrie cherchent un "Sykes Picot" pour la Syrie ou une volte face de Bashar Al Assad comme l'a fait Sadatependant la guerre d´octobre 1974, mais le père d´assad refusa la solution de Sadate et je crois qu´Assad fils fera la même chose. Si Poutine tient bon l´Occident ne réussira rien. Le but de l´Occident est qu´Assad change au moins de camp, c´est à dire il passe à l´Ouest comme pour Sadate, le reste est facile.

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