Tunisie - Koweït: Les promesses d’une nouvelle dynamique
Koweït City - De l’envoyé spécial de Leaders, Taoufik Habaieb- Il vous suffit de dire que vous êtes Tunisien pour que tout Koweïtien que vous rencontrez vous salue chaleureusement, évoque un souvenir personnel qui le lie à notre pays et vous ouvre toutes les portes, à commencer par celle de sa maison. Un grand capital d’amitié sincère qui est resté quasiment intact malgré la position pro-irakienne du président déchu et d’une bonne partie de la rue tunisienne subtilement manipulée lors de l’invasion du Koweït, le 2 août 1990. Jamais pour autant les relations et la coopération n’ont été mises en hibernation, même si les flux n’ont pas encore connu un accroissement significatif. « La relance est totale depuis ces dernières années, souligne à Leaders l’ambassadeur de Tunisie à Koweït, Ahmed Ben Sghaier. Les visites se multiplient entre les hauts responsables des deux pays, ainsi que les opérateurs économiques. Des projets concrets commencent à se réaliser dans plusieurs domaines et les perspectives sont prometteuses.»
Retour sur une longue relation et une nouvelle page qui s’ouvre.
Le Consortium tuniso-koweïtien de développement (Ctkd), fondé en 1976 en tant que fer de lance des investissements en Tunisie (chaîne Abou Nawas, etc.) n’a pas retiré le moindre dinar de ses avoirs. Par nécessité de restructuration de son portefeuille, il s’est désengagé de l’hôtellerie, tout en gardant quelques-unes parmi la vingtaine d’unités qu’il possédait, pour investir dans de nouveaux secteurs (promotion immobilière, assurances, TIC, concession automobile, papier, serviettes hygiéniques, et autres). Sous la férule de son directeur général Mohammad Al-Nemah, il explore de nouvelles opportunités et contribue au développement économique et financier. «La Tunisie regorge de potentiels, déclare à Leaders Mohammad Al-Nemah. En tant que portefeuille d’investissement, le Consortium examine de près des opportunités prometteuses. Le management tunisien, il faut le souligner, est de bonne qualité.»
De son côté, la Banque tuniso-koweïtienne, créée en 1980, qui avait financé alors en tant que banque de développement des centaines de PME, s’est convertie en banque universelle. Ces deux piliers ont résisté à l’épreuve du temps, tout au long de la période difficile des relations bilatérales.
Les retrouvailles BCE - Cheikh Sabah
Le maître-mot officiel du Koweït pour ce qui se passe en Tunisie est clair : «Nous respectons le choix de la Tunisie !» Une position respectueuse qui sera proclamée en janvier 2011, réitérée à l’issue des constituantes en octobre 2011 et réaffirmée lors de l’adoption de la nouvelle constitution en janvier 2014, puis après le verdict des urnes pour les législatives, puis la présidentielle, fin 2014. «L’un des rares pays du Golfe qui n’a pas d’agenda politique vis-à-vis des autres pays de la région et même ailleurs, le Koweït ne veut pour les peuples frères et amis que paix, stabilité et prospérité», commente à Leaders un éminent homme d’affaires koweïtien.
En janvier 2011, le Koweït marquera donc par cette déclaration de principe son soutien à la transition en Tunisie. Nommé président du gouvernement de transition, Béji Caïd Essebsi ira le 7 juillet 2011 rendre visite à son ami de longue date l’Emir du Koweït, cheikh Sabah al-Ahmed al-Jaber al-Sabah, qu’il appelle de son surnom Bou Nasser, pour renouer les fils ténus. Tous deux avaient été ministres des Affaires étrangères de leurs pays respectifs. Bien avant, et après, ils avaient tissé des liens personnels cordiaux. Ce premier contact était une bonne amorce. A l’issue de leur entretien, Cheikh Sabah avait demandé à son hôte ce que le Koweït peut faire pour la Tunisie. La réponse de Caïd Essebsi était nette : «Ouvrir une nouvelle page !». «Nous avons été défaillants à l’égard du Koweït depuis la guerre irakienne et n’avons pas accompli notre devoir, reconnaîtra-t-il. Aujourd’hui, nous avons dépassé la crise passagère, et tout est remis en ordre !», déclarera-t-il à la presse.
L’intermède de la Troïka (2012 - 2013) ne parviendra pas à capitaliser sur cette reprise. Le président provisoire Moncef Marzouki se rendra deux fois au Koweït, la première en novembre 2013 où il participera au 3e Sommet économique arabo-africain, et la seconde, en mars 2014, lors du 25e Sommet arabe. Sans pour autant générer une grande reprise de la coopération de manière significative. Seul le soutien politique était fortement réitéré, suite à l’adoption de la nouvelle Constitution. Le président du Parlement Marzoug Al Ghanem et le chef du gouvernement Cheikh Sabah Al Ahmad Al Jaber Assabah (dépêchés par l’Emir du Koweït) viendront à Tunis, en février 2014, présenter les félicitations du Koweït.
Elu à la magistrature suprême, le président Caïd Essebsi reprendra le chemin du Koweït le 26 janvier 2016 pour imprimer avec Cheikh Sabah aux relations bilatérales la nouvelle dynamique escomptée. De nouveaux accords seront signés, y compris, pour la première fois, un accord de coopération militaire. Entre les deux pays, pas moins de 50 accords, dont celui de non-double imposition, couvrent divers secteurs. La grande commission mixte, longtemps en hibernation, s’est réunie de nouveau. Elle tiendra courant de ce premier semestre 2018 une nouvelle session et sera couronnée par la signature de nouveaux accords, notamment en matière protection civile, de TIC et autres domaines. La diplomatie tunisienne, conduite par Khemaies Jhinaoui s’y active.
Engagements tenus
Sur le plan économique et financier, le Koweït dépêchera à Tunis une délégation de haut niveau pour participer au Forum Tunisia 2020. Un engagement officiel était alors annoncé portant sur une enveloppe de 500 millions de dollars de crédits à des taux préférentiels, couvrant la période 2017 - 2020. La première tranche, d’un montant de 80 millions de dollars, a été servie en 2017. Elle porte notamment sur les hôpitaux de Kairouan, Sidi Bouzid et Siliana. Pour 2018, une mission d’évaluation a été dépêchée en Tunisie début janvier dernier.
D’autres montants sont accordés à la Tunisie au titre de l’assistance technique. C’est ainsi qu’un million de dollars est alloué au projet du centre de carcinologie dans le Grand Tunis et un autre million de dollars est affecté à des projets de développement du golfe de Monastir et pour des projets d’urgence prioritaires dans les régions.
Aussi, deux millions de dollars additionnels sont offerts en dons : 1 million de dollars pour la réhabilitation de 12 écoles primaires et 1 autre million pour la réhabilitation de la moquée Ezzitouna.
De grandes personnalités koweïtiennes chez BCE
Les délégations koweïtiennes officielles, mais aussi de personnalités culturelles et d’hommes d’affaires vont se succéder tout au long de l’année écoulée au palais de Carthage. C’est ainsi que le président Caïd Essebsi a reçu le 5 avril dernier Cheikh Khaled Al-Jarrah Al-Sabah, vice-Premier ministre et ministre de l’Intérieur de l’Etat du Koweït. Fin octobre, c’est au tour d’Abdelaziz Saoud al Babtain, président de la fondation culturelle qui porte son nom, de soumettre au président Caïd Essebsi son projet de rendre hommage au poète Aboulkacem Chebbi en lui dédiant un centre culturel au Kef où il avait résidé quelques années.
En novembre 2017, et dans une initiative inédite, un groupe d’hommes d’affaires parmi les plus en vue au Koweït, conduit par Fahd Al Mouajjal, présentera au chef de l’Etat le conseil d’investisseurs tuniso-koweïtien. Ce groupe était composé notamment d’Abdelwaheb Al Haroon, Youssef As-Sagr, Dr Youssef Al Awadhi, Dr Fahd Errached, Massaoud Hayat, et Fayçal Al Ayar, de très grosses pointures dans les domaines des finances, de l’industrie, et des TIC.
Sans se focaliser uniquement sur la coopération économique et financière, les relations entre les deux pays explorent d’autres domaines : la culture, l’éducation, la santé, la recherche scientifique, et autres. Les opportunités ne manquent pas. Il appartient surtout au secteur privé de les saisir.
T.H.
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