Les collectivités locales et les cercles concentriques
La Tunisie s’apprête à élire ses conseillers municipaux dans un climat chargé d’un mélange d’expectative, de déception et de polémique tant les élections organisées depuis 2011 ont laissé un goût amer à la majorité des Tunisiens. Ce climat risque d’accentuer l’érosion du taux de participation, ce qui aura des conséquences sur la crédibilité du processus démocratique et la couleur politique des conseils municipaux qui seront élus.
Les collectivités locales, c’est-à-dire les Municipalités, constituent les instances les plus proches du citoyen. Elles n’ont certes pas compétence en matière d’emploi, d’éducation, de formation ou de sécurité sociale par exemple ; mais elles peuvent influer grandement sur les rapports de proximité, la qualité de vie et le quotidien en général. Elles constituent aussi le lieu où le citoyen ordinaire peut débattre librement des affaires qui le touchent au plus près. Dans le contexte tunisien particulier, les collectivités locales ont un rôle important à jouer dans l’apprentissage du débat en public et la maîtrise des dossiers de première ligne. Il n’est donc pas raisonnable d’appeler abruptement au boycott des élections municipales. Toutefois, certaines problématiques essentielles doivent être exposées pour que les Tunisiens puissent voter en connaissance de cause.
Les collectivités locales n’ont d’impact réel sur la vie des citoyens que si une synergie existe entre communes, régions et Etat. Les communes font partie en effet d’un système concentrique qui fait d’elles le premier cercle. Cela aurait nécessité que l’on redéfinisse les compétences et le champ d’action de chaque cercle en conformité avec la nouvelle situation. Or il n’existe à l’heure actuelle aucune loi organique répartissant les compétences entre cercles (en matière d’investissement public notamment) et les moyens financiers à mobiliser pour les concrétiser. En fait, on ne sait toujours pas si les futures régions doivent englober un seul gouvernorat ou plusieurs, comment elles vont être financées, que rôle leur attribuer en matière de développement et quelle place auraient leurs directions élues par rapport aux représentants de l’Etat(les gouverneurs).
Ces considérations ne sont pas secondaires ou négligeables, loin de là. Il aurait été plus judicieux de clarifier la situation avant d’organiser les élections municipales comme il aurait été plus heureux et moins onéreux de jumeler les élections municipales avec les élections régionales. En tout état de cause, faire croire aux Tunisiens qu’il suffit d’élire de nouveaux conseillers municipaux pour résoudre une grande partie des problèmes dont souffrent les communes depuis 2011 relève d’un mensonge politique éhonté, un mensonge qui risque de se retourner au final contre les communes elles-mêmes.
Habib Touhami
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