Youssef Chahed, 2017: Réformer et réaliser de la croissance
Même s’il l’aborde avec sa sérénité coutumière, l’année 2017 s’annonce dure pour le chef du gouvernement Youssef Chahed. L’urgence du quotidien ne doit pas l’accaparer au détriment du stratégique. Ses priorités sont claires : les grandes réformes et la croissance, tout en donnant de la cohérence au Plan de développement économique et social et en imprimant au management du gouvernement - qui est appelé à être complètement digitalisé - optimisation et efficience. Pas de remaniement en vue, confie-t-il à Leaders, mais une plus grande mobilisation sur tous les fronts.
Stimulé par le nouvel esprit d’interaction avec la réforme fiscale qui a commencé à régner à la faveur des débats sur la loi de finances, Youssef Chahed entend instaurer des débats publics sur les grandes réformes indispensables. Les caisses sociales, l’informel, la compensation des produits de base, les entreprises publiques en difficulté, le soutien à l’agriculture et au monde rural, la problématique de l’eau et celle des énergies : autant de grands chantiers prioritaires qui requièrent une nouvelle vision, des décisions radicales et un consensus.
La vision globale du développement économique pour les trois prochaines années 2017-2019 est à approfondir. Il faut en effet rentrer dans les chiffres avec précision et tout recadrer.
La lutte contre la malversation exige de son côté une exécution accélérée et un suivi attentif, notamment en termes de textes juridiques et de dispositifs opérationnels.
Quant à l’emploi, l’encouragement des microcrédits servira d’appoint aux nouvelles créations escomptées de l’investissement public et privé. L’enveloppe de 250 MD alloué à des microprojets, dont le ticket moyen est de l’ordre de 5 000 D, permettra de générer près de 25 000 sources de revenus.
Pour Youssef Chahed, la véritable réussite de la conférence Tunisia 2020 doit être confirmée par la réalisation des investissements annoncés. Pour absorber utilement les 34 milliards de dinars, il faudrait imaginer différentes façons de les canaliser. L’une des idées serait de créer un fonds dédié à l’infrastructure, alimenté par une mise initiale de la CDC et ouvert, en tant que véhicule financier, à divers investisseurs. Confié à une gestion de haut niveau, aux normes professionnelles internationales, il aura à mobiliser les ressources nécessaires pour de grands projets d’infrastructure. Ce fonds absorberait 3 à 4 milliards de dinars et il faudrait concevoir d’autres véhicules et d’autres approches pour les autres secteurs et projets.
L’essentiel pour le chef du gouvernement est de créer une réelle dynamique économique à fort impact social dans les régions. Un bon retour sur la production commence à poindre dans nombre de secteurs. L’extraction du phosphate s’est accrue à 500.000 tonnes en novembre dernier, augurant une production annuelle de pas moins de 6 millions de tonnes par an. Le tourisme tarde encore à reprendre, mais les tendances sont à l’optimisme. Quant à l’agriculture, elle promet, grâce à la bonne pluviométrie, une saison au-dessus de la moyenne qu’il faut bien soutenir et mettre à la disposition des agriculteurs tous les moyens nécessaires. Sur le plan politique, Youssef Chahed sait qu’il doit s’employer à finaliser la mise en place des institutions constitutionnelles qui n’ont pas encore vu le jour, et œuvrer à la tenue, le plus tôt possible, des élections municipales, dans des conditions d’indépendance, de liberté et de transparence. Mais aussi consolider la mobilisation politique et parlementaire autour de son gouvernement. Son approche sera : plus de dialogue et plus de concertation. S’il doit pourvoir au poste de ministre des Affaires religieuses resté vacant depuis le limogeage d’Abdeljélil Ben Salem, début novembre dernier, il n’envisage pas de procéder à un remaniement ministériel, confie-t-il à Leaders.
La consolidation de la sécurité et de la défense constitue une haute priorité pour le chef du gouvernement. L’entrée en service d’un centre de renseignements, tout récemment créé, sera d’un apport substantiel. Aussi, une vision nouvelle est à développer pour ce qui est des forces sécuritaires. Happées par la pression du quotidien, elles n’ont pas bénéficié de suffisamment d’attention et de réflexion quant à la restructuration de leur organisation, d’où l’importance de cette nouvelle vision. Le chef du gouvernement n’oublie pas qu’il doit prêter attention à la culture. Toute une stratégie qui se veut innovante vient d’être adoptée en Conseil interministériel, dotée de pas moins de 30 MD et dédiée essentiellement à la promotion des activités culturelles dans les régions, l’aménagement de places des arts et l’encouragement de la production littéraire et artistique. Dès à présent, il a engagé les préparatifs pour la gestion de la nouvelle Cité de la Culture, érigée sur l’avenue Mohamed-V au cœur de la capitale, et qui doit ouvrir ses portes à la fin de cette année.
S’il compte poursuivre ses visites dans les régions, le chef du gouvernement prévoit également une série de déplacements à l’étranger au cours du premier semestre 2017. C’est ainsi qu’il se rendra au Forum économique de Davos qui se tiendra du 17 au 20 janvier et une visite en Allemagne est programmée. Fort probablement, il aura à se rendre à Washington au printemps prendre contact avec la nouvelle Administration Trump et rencontrer les dirigeants du FMI et de la Banque mondiale. Par ailleurs, une tournée en Afrique subsaharienne figure sur son agenda. Elle devra le conduire au Burkina Faso, au Niger et au Soudan.
Taoufik Habaieb
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