Opinions - 12.07.2016

Politique fiction: Un drôle de "Sénat" pour une drôle de Tunisie

Politique fiction: Un drôle de "Sénat" pour une drôle de Tunisie

Un minimum d'objectivité nous permet de constater les acquis suivants de la révolution:

  • Nous savons désormais qu'il n'y a pas de hautes compétences cachées dans l'administration capables de redresser le pays.
  • Nous savons désormais que la classe politique n'a aucune idée de ce qu'il faut faire.
  • Nous savons désormais que la constitution est incapable de nous donner un gouvernement en mesure de gouverner et de trancher sans d'interminables palabres politiciennes et parlementaires.
  • Nous sommes de plus en plus nombreux à anticiper qu'aujourd'hui sera mieux que demain sur le plan économique et que les équilibres économiques de la Tunisie dépendent plus du bon vouloir de l'étranger que des Tunisiens.
  • Nous sommes de plus en plus nombreux à être sceptiques quant à la capacité des futures élections à changer cet état de choses et à fournir au peuple tunisien la dream team gouvernementale souhaitée.

Au delà de ce qui va se passer à court terme, il ne me parait pas ridicule de penser à bousculer les règles afin de poser les jalons d'une meilleure Tunisie à horizon moyen terme.
L'idée que je propose sera certainement jugée délirante par beaucoup de personnes mais elle part de l'idée simple que le peuple Tunisien se doit de trouver le moyen d'injecter de la compétence au sommet d'un Etat dominé par ce que vous savez.

Imaginons un Sénat constitué de 300 jeunes choisis parmi la crème de notre système éducatif tunisien.
Imaginons qu'il soit sélectionné d'une façon non partisane, loin d'un rapport de forces camouflé derrière un débat d'union nationale.
Et imaginons ensemble une salle pleine des 30 premiers au Bac de chaque promotion âgés aujourd'hui entre 35 et 45 ans avec une expérience professionnelle de là où les vagues de la réussite professionnelle les a emmenés.

Imaginons-les en train d'éplucher nos comptes et nos dossiers et donner un avis autrement que sous forme de statuts et de tweets pondus après le boulot par des amateurs en tout qui se croient professionnels en tout.
Imaginons que nous laissions deux ou trois ans à cette pépinière prometteuse de hautes compétences pour prendre connaissance des dossiers du pays et que nous leur donnions les moyens de combler leurs lacunes qu'ils seront d'ailleurs  à même de déceler.

Après des milliards de dinars partis en fumée après la révolution, que pèse la centaine de millions de dinars consacrée à se doter d'une équipe solide qui puisse alimenter les futurs gouvernements en études sérieuses et en avis éclairés. Des gens payés à leur valeur de marché, en dehors de toute grille "administrative" de façon que les seuls sacrifices que nous leurs demandions soient ceux de la sueur pour le bien de leur peuple et de leur pays.

La démocratie est conçue pour sélectionner des représentants à l'image du peuple. Et si nous décidions de nous doter de représentants à l'image de ce que nous voulons être  et non de ce  que nous sommes ? Et si nous parions sur l'excellence au lieu de tout miser sur les résultats des urnes que remplissent un peuple qui ne sait plus où donner de la tête  et qui se contente de cases à cocher sur des feuilles remplies de visages sélectionnés par un jeu obscur de lobbys étrangers et locaux ?

Que ledit "sénat" soit temporaire ou non, l'idée d'un "sénat" de ce genre sera indiscutablement combattue par les champions du juridisme constitutionnel. Et si l'idée perce,  d'interminables débats auront lieu sur ses prérogatives. Aussi, enlevons le mot Sénat et laissons leur la seule prérogative d'émettre un avis public pour éclairer le peuple et les gouvernants sélectionnés par les urnes. Juste pour mettre un peu de lumière là où ne semble régner que des forces obscures. Juste pour donner au peuple tunisien un avis qui émane de ce qu'il a réussi à engendrer de mieux. Une sorte de Think Tank redevable financièrement et moralement à un seul lobby, à savoir le seul peuple Tunisien. Un Think Tank capable de faire naitre un début d'espoir quant à une meilleure gouvernance future à moyen terme, ce qui, paradoxalement en apparence, serait d'un très bon effet sur la relance à court terme.

"La différence entre l'homme politique et l'homme d'Etat est la suivante : le premier pense à la prochaine élection, le second à la prochaine génération."
James Freeman Clarke - 1810-1888

Reste à trouver l'homme ou les hommes d'Etat capables de sortir la tête de l'eau pour voir au delà de ce que voit le commun des politiciens.

Lee Kuan Yew, le plus grand homme d'Etat du XXe siècle, qui a fait passer Singapour d'un pays du tiers monde miné par la corruption, les conflits ethniques et sans aucune richesse naturelle à l'un des pays les plus riches et les plus évolués de cette planète en 40 ans fut de cette race d'hommes. Il misa sur les talents de son propres pays le jour où son rêve de Singapour intégré à la Malaisie tomba à l'eau. D'une énorme défaite politique il a réussi à créer l'exploit économique, politique et social du siècle. Il n'avait plus qu'une carte à jouer et il n'a pas refusé de la voir lorsque son rêve de Singapour Malaysienne s'écroula. Il a eu le courage de prouver à lui même et à tous, de la plus admirable des façons, qu'il poursuivait une chimère en croyant que son peuple s'épanouirait plus en étant sous tutelle d'autres pays. Et contrairement à tous les politiciens, il décida ne pas s'entêter dans l'erreur.

Lee Kuan Yew pleurant à la télé lorsque son rêve de Singapour Malaysienne s'écroula. Mais l'homme abattu que vous voyez rêvait d'être leader d'un pays dépendant. Et lorsqu'il releva la tête, le destin du pays changea et le peuple qui se rêvait mouton devint peuple lion.

Notre baguette magique est en nous mêmes, dans ce que nous avons de mieux. Et peut être que "le hasard" a veillé à ce  qu'il n'y ait pas trop de racaille et de grandes gueules parmi nos élèves les plus brillants et les plus méritants.

“Lorsque vous avez éliminé l’impossible, ce qui reste, si improbable soit-il, est nécessairement la vérité.”
Arthur Conan Doyle / Sherlock Holmes.

Fin du délire. Désolé.

J'aurais probablement mieux fait de proposer un programme économique décennal en 400 points prioritaires et 600 points secondaires pour améliorer ce qui doit aller mieux et réduire ce qui doit être réduit, avec effet immédiat. Cela aurait été plus dans l'ère du temps et paraitrait certainement beaucoup plus sérieux.
Encore désolé de vous avoir fait perdre du temps à lire des délires.

Mohamed Ben M'barek
Ex-Economiste.

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