Face au fascisme galopant en Israël, Que peut faire Obama avant de quitter la Maison Blanche
Par Mohamed Larbi Bouguerra - Vendredi 3 juin 2016 s’est ouverte à Paris une conférence internationale visant à ressusciter le processus de paix israélo-palestinien. Etaient présents les représentants de 28 pays et organisations, dont le secrétaire général de l’ONU, l’Union européenne, la Ligue arabe, le secrétaire d’Etat américain et même la Chine – mais en l’absence des Palestiniens et des Israéliens. La France a pris la mesure de la situation explosive qui règne en Palestine et le Ministre français des Affaires Etrangères affirme : « Si on ne sort pas de l’impasse, nous courons à la catastrophe. » et M. Jean-Marc Ayrault de pointer « la colonisation qui se poursuit, organisée ou diffuse » et« l’espace disponible qui se réduit ». À l’issue de la conférence, il s’est adressé à la presse pour dire que « trois grands messages se dégagent des travaux d’aujourd’hui » : « La solution des deux États est en grave danger. Nous approchons d’un point de non-retour… Il est urgent de recréer la confiance. Israéliens et Palestiniens, seuls eux, pourront faire la paix… Nous pouvons proposer un cadre et des soutiens qui permettront la tenue de négociations directes entre les parties ».
L’ENIGME FRANCAISE
On pourrait presque dire que la France a du mérite car, tour à tour, en l’espace de deux semaines, son Premier Ministre, M. Manuel Valls - « l’ami d’Israël » (Le Monde, 22-23 mai 2016) et son ministre des Affaires Etrangères ont fait le déplacement en Israël pour recueillir l’assentiment de Netanyahou. Ils sont repartis bredouilles sous les railleries du Premier Ministre israélien. Marwan Barghouti déclarait au Monde (24 mai 2016, p. 13) : « Nous demandons à ce que des sanctions soient imposées contre Israël et à ce qu’il soit isolé, jusqu’à ce qu’il mette un terme à son occupation, depuis 1967, des territoires palestiniens, et permette l’établissement d’un Etat palestinien avec Jérusalem-Est pour capitale ». Telle n’était pas l’orientation à Paris ce vendredi. Pour faire diversion, Netanyahou s’est dit en faveur de« la solution à deux Etats » et déclaré être « prêt à négocier » avec les Etats arabes le plan adopté par la Ligue arabe en 2002 qui proposait la création d’un Etat palestinien coexistant avec Israël. Mais personne n’est dupe ! Gideon Levy (journaliste au quotidien Haaretz) explique : « Nous vivons en plein déni. Israël affirme soutenir la solution à deux États tout en construisant toujours plus de colonies, ce qui revient à empêcher cette solution… Le clivage des Israéliens sur la question palestinienne n’est pas entre faucons et colombes mais entre faucons pragmatiques qui donnent la priorité à la sécurité d’Israël et faucons idéologiques, partisans de l’occupation totale et permanente de la Cisjordanie ». (La Croix, 3 juin 2016) et l’écrivain Shmuel T. Meyer d’ajouter : « Israël doit évacuer les territoires palestiniens pour retrouver son âme. »
Les efforts et les intentions français demeurent cependant difficiles à cerner. On voit mal en effet comment la conférence de Paris compte forcer Israël à se plier au droit international et aux résolutions de l’ONU en l’absence de sanctions fermes. Pierre Barbancey écrit dans l’Humanité (3-4-5 juin 2016, p. 5) : « Laurent Fabius, alors ministre, avait déclaré qu’en cas d’échec, la France reconnaîtrait officiellement l’Etat de Palestine. Une idée abandonnée par Hollande et Valls qui, parallèlement, ne cessent de donner des gages à Israël et à criminaliser les citoyens qui luttent pour la reconnaissance de cet Etat de Palestine, notamment par l’indispensable campagne BDS (Boycott – désinvestissement –sanctions ». Pour l’heure, ce sont 206 Palestiniens qui sont tombés sous les coups de la soldatesque sioniste depuis le 1er octobre 2015 selon un macabre décompte de l’AFP.
UN DR. FOLAMOUR… QUI NE FAIT RIRE PERSONNE !
Que peut-on en effet attendre d’un Premier Ministre qui vient de troquer le Ministère de la Défense à un fasciste de l’acabit d’Avigdor Lieberman - chef du parti ultra-extrémiste Yisrael Beiteinu - contre l’achat d’une majorité moins étriquée à la Knesset ? Lieberman – qui habite dans une colonie en Cisjordanie - a beaucoup marchandé pour obtenir ce portefeuille : il a essayé d’avoir des retraites plus avantageuses pour ses électeurs russes arrivés à un âge avancé en Israël. Rappelons que l’ancien videur de boîte de nuit moldave Lieberman veut rétablir la peine de mort en Israël mais pour les seuls Palestiniens et qu’il a menacé de « génocide » l’Egypte en proposant de bombarder le barrage d’Assouan pour punir ce pays de recevoir Yasser Arafat. Il a aussi été pour beaucoup dans la guerre contre Gaza en 2014 criant à tue-tête que Netanyahou n’utilisait pas suffisamment la force contre les Palestiniens. Pour le journaliste égypto-belge Khalèd Diab, « pour bien des Arabes, l’arrivée de Lieberman à la défense israélienne ressemble à une adaptation au XXIème siècle du film de Stanley Kubrick Dr Folamour des années 1960… mais sans les rires ! » (Haaretz, 2 juin 2016). Partisan d’une violence extrême contre l’Autorité palestinienne, ce Moldave est pour l’expulsion de tous les Arabes d’Israël et promet la décapitation – rien de moins - à ceux d’entre eux qui ne sont pas « loyaux » vis-à-vis de l’Etat sioniste. L’approche militariste, agressive et anti-palestinienne de Lieberman est de nature à pousser encore plus vers l’extrême droite un gouvernement déjà fort bien marqué à cet égard…même si, pragmatique, Lieberman se dit pour la solution à deux Etats. Pour beaucoup d’observateurs, Netanyahou, par cette extravagante nomination, est en train de torpiller adroitement les avances de paix égyptiennes et les efforts de la France pour une reprise des négociations sans se mettre directement dans la ligne de mire. Il n’en demeure pas moins que le président Sissi est ainsi humilié lui qui appelait Israël à « une paix chaleureuse si Israël résolvait le problème de nos frères palestiniens». La nomination de Lieberman n’annonce rien de bon pour la bande de Gaza.
LE VER EST DANS LE FRUIT
Moshé Ya’alon, le ministre congédié par Netanyahou - considérait que sa mission à la Défense était de combattre « les manifestations d’extrémisme, de violence et de racisme dans la société israélienne ». Il est remplacé par un homme « considéré habituellement comme un voyou, même s’il a occupé le poste de ministre des Affaires Etrangères par le passé » (The Guardian Weekly, 27 mai 2016, p. 19). Ya’alon n’a rien d’un pacifiste. C’est un ancien militaire. Au cours des dernières semaines, il a eu deux clashs avec Netanyahou : d’abord quand un infirmier de l’armée a tiré une balle dans la tête d’Abdelfattah Yousri Chérif (21 ans) étendu inanimé à terre. Il a condamné« l’indiscipline » de cet agent qui a agi par« vengeance ». Netanyahou lui a emboîté le pas au début mais voyant que l’opinion était en faveur de l’assassin, il a vite tourné casaque. Puis, il y a eu la déclaration de l’adjoint au chef d’état-major Yair Golan qui a tracé un parallèle entre l’Allemagne de 1930 « intolérante, alarmiste et belliciste» et Israël. Ya’alon condamna les propos de cet officier mais défendit son droit à l’expression libre.
L’ONG « Breaking the Silence » (Briser le silence) est ciblée par Netanyahou et les faucons car elle publie les témoignages anonymes des soldats de retour des territoires occupés. Le pouvoir veut les noms de ces soldats sinon il menace d’interdire cette ONG (Voir site de Leaders 15 juin 2015). C’est ainsi qu’une bataille critique se livre en Israël. Elle ne se déroule pas entre la droite et la gauche mais il s’agit d’une coupure, d’une division franche et nette entre la droite et l’Etat de droit. Ya’alon voyait le danger venant de l’intérieur, un danger qui menace la souveraineté de l’Etat : attaques anarchistes de la droite populiste contre l’Etat, contre l’armée et les institutions officielles (comme la Cour Suprême). L’Etat a ainsi entamé une vaste opération de saisie d’armes, non pas dans les réseaux palestiniens, mais auprès de ses propres ressortissants réservistes ou jeunes ayant effectué leur service militaire obligatoire mais partis avec ces armes volées. L’armée israélienne est réduite à s’exprimer ainsi : « Rendez-nous le matériel, on ne vous demandera rien » Et surtout pas si les armes ont servi dans les colonies en territoire occupé !(L’Humanité, 11 avril 2016, p. 28) En un mot comme en cent, la nomination de Lieberman est une mauvaise nouvelle. Mauvaise pour les gens qui espèrent la paix d’autant qu’on est bien loin de ce plan « d’unité nationale » soutenu par tous les partis, imaginant Isaac Herzog (travailliste) au gouvernement pour répondre aux appels du pied de l’Egypte. Avec Lieberman, la coalition gouvernementale israélienne est devenue encore un peu plus… extrême droite. Pour les optimistes, écrit Jonathan Freedland (The Guardian Weekly, 27 mai 2016, p. 19, « la consolation vient du fait que, si Netanyahou veut entreprendre, il n’aura plus d’opposition à sa droite ». Il se dit que Netanyahou compte les jours qui restent pour Obama à la Maison Blanche. Il est frappant d’entendre John Kerry dire en privé que, s’agissant du conflit israélo-palestinien « Je n’ai pas fini.» Il reste en effet une fenêtre de trois mois entre les élections présidentielles américaines du 8 novembre 2016 et le dernier jour à la Maison Blanche de Barack Obama le 20 janvier 2017.
Dans l’entourage de ce dernier, on se demande quel cadeau de départ le Président va laisser à Hillary Clinton : un autre grand discours ou une résolution des Nations Unies condamnant les colonies israéliennes ? A moins que ce ne soit une résolution sérieuse, solide et durable du Conseil de Sécurité – garantissant les grands paramètres de la solution à deux Etats et approuvée par tous les pays.
Jonathan Freedland conclut : "Les officiels américains sont en train de travailler calmement sur une résolution. Si elle est avalisée, elle définirait les termes de tout effort de paix et serait difficile à esquiver. Il se pourrait que cela ne se produise point. Dans ce conflit, le pire scénario est le plus probable. Mais Netanyahou n’est pas toujours le maître des évènements. Et tous ses ennemis ne sont pas à l’étranger"
Mohamed Larbi Bouguerra
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On ne peut pas être plus royaliste que le roi. Les palestiniens ont à se décider sur deux plans. S´il pensent ou non que les Israéliens veulent la paix par la négociation et si les amis d´israel sont réellement prêts à utiliser la politique des sanctions contre Israel.Personnellement je n´y crois ni à l´une ni à l´autre option.
Comme le disait, Stéphane Hessel, Israël ne veut pas la paix! La solution est de contraindre Israël de libérer les territoires occupés et de faire respecter le droit international. En dernière analyse, tout dépendra des Usa pour qu'il y ait un état palestinien! A mon avis, pour l'instant ce n'est pas gagné!