Mansour Moalla: Espoir et désespoir
L’espoir est né avec la révolution. La dictature est abattue. La liberté triomphe. C’est l’espoir d’un avenir meilleur. Un espoir considérable qui, malheureusement, ne durera pas longtemps.
Au lieu de s’unir pour réaliser l’objet majeur de la révolution, la liberté, sauver l’économie et stabiliser la société, on s’est empressé de conquérir le pouvoir au moyen d’une élection précipitée dans un paysage politique déséquilibré et on s’est contenté de gouvernements transitoires et provisoires sans grande efficacité.
Première grande déception: une révolution confisquée par la politique
On a oublié le pays, on a cultivé les partis, les conflits et la discorde, d’où les milices violentes, les assassinats politiques, la porte ouverte à la violence et au terrorisme.
On a oublié le pays : la constitution ne sera établie qu’en janvier 2014, 15 mois après le délai qui lui a été fixé par le vote du 23 octobre 2011.
Une double dérive : un mandat d’un an qui dure sans base légale depuis le 23 octobre 2012. Une assemblée constituante transformée en parlement qui légifère et «gouverne», ne respectant ni la nature de son mandat ni sa durée, perdant ainsi toute légitimité. Le droit n’est plus respecté, le désordre s’installe au sommet de l’Etat, il se propage à tout le pays. C’est la violence et le terrorisme qui font la loi, tout espoir est perdu : c’est le sommet de la déception.
Mais de nouveau un moment d’espoir, et sous la pression populaire, la Troïka s’en va. Un gouvernement technocrate indépendant s’installe et après des débuts timides, il agit et doit être soutenu fortement pour aller plus loin. La déception vient du monde politique qui ne s’occupe plus que d’élections, de listes et de sièges : deux clans principaux s’affrontent, «les modernistes et les traditionalistes», pour éviter le vocable d’islamistes que je trouve inapproprié dans un pays musulman quasiment à 100%.
Ce sont les élections et l’opposition des divers clans qui suscitent l’inquiétude. Serons-nous réellement mieux gouvernés après ces élections? Ce qu’on n’a pas réalisé dans l’euphorie de la révolution, pourrons-nous l’obtenir après la confrontation des élections? Oui, si nous parvenons à nous hisser au niveau de nos responsabilités.
Le monde autour de nous vit dangereusement. Les dangers intérieurs sont multiples, le pays peut se trouver sans défense et se dégrader. Il ne faut pas désespérer. Le peuple, sceptique, a besoin d’être rassuré. Les politiques doivent raison garder et faire l’effort nécessaire pour s’entendre sur un programme de salut public pour sauver les acquis, défendre la liberté, redresser l’économie et nos finances intérieures et extérieures, combattre et réduire le chômage, moderniser et adopter notre système éducatif.
Les élections serviront à exposer et à discuter un tel programme durant sa réalisation et dans une atmosphère apaisée, on définira nos orientations : quel modernisme? Quelle démocratie? Un islam politisé ou respecté?
Toute une révolution à accomplir dans notre façon de voir, de discuter, de respecter la loi, de développer le civisme, le patriotisme, et de rendre le pays moins vulnérable.
Je dis cela sereinement ayant atteint un stade de ma vie qui m’autorise à intervenir par la parole et le conseil, ayant consacré, comme un grand nombre de cadres de ma génération, notre vie à l’édification d’un Etat tunisien performant qui a pu résister aux vicissitudes de la dictature et aux remous de la violence et de l’extrémisme.
Notre espoir est de le sauver pour qu’il puisse résister à tous les dangers qui le menacent. Ce serait un grand désespoir, je dirais même un anéantissement de tout espoir si, après ces élections, nous nous retrouvons dans un état de désordre et de faiblesse aggravé. Soyons néanmoins optimistes et espérons un avenir meilleurn.
M.M.
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