Opinions - 02.07.2013

Un Conseil Economique, Social et Environnemental: pour quoi faire?

Dans la cadre de la semaine économique tunisienne à Paris, une journée d'échanges et de débat a été organisée le 18 juin dernier au sein du Conseil Économique, Social et Environnemental de France.

En présence de son Président Jean-Paul Delevoye, d'Elyes Fakhfakh, ministre des Finances, de Adel Fekih, ambassadeur de Tunisie à Paris, de Mohamed Ennaceur, ancien ministre et ancien Président du Conseil Economique et Social, de nombreux membres du Conseil français et d'une délégation tunisienne fournie, il m'est échu la responsabilité d'animer les débats de cette journée.

Voilà ce que j'en ai retenu:
La Tunisie fait face aujourd'hui à des défis majeurs, essentiellement en matière d'emplois, d'aménagement du territoire et de développement régional. Nul n'a la légitimité d'identifier seul le nouveau modèle de développement économique et social à mettre en œuvre.

Après le bouillonnement politique, la Tunisie a besoin de sérénité et de réflexion inclusive.
Le Conseil Économique, Social et Environnemental est une instance, en France, mais aussi, dans de multiples autres pays, qui favorise, par ses caractéristiques et son mode de fonctionnement, l'émergence d'avis consensuels et éclairés.

Le CESE de France est la troisième assemblée constitutionnelle. Elle est consultative. Le Conseil émet des avis à la demande du Gouvernement ou de l'Assemblée Nationale, tout comme il peut s'auto-saisir de questions jugées importantes dans son champ de compétence.

Le Conseil regroupe les représentants des partenaires sociaux (patronat et syndicats), les représentants de la société civile et du monde associatif, de l'économie sociale et solidaire, des professions ainsi que des personnalités qualifiées, en nombre limité, nommées par le Président de la République. Les partis politiques n'y sont pas représentés en tant que tels.

Les avis du conseil sont émis sur tout texte législatif à caractère économique, social ou environnemental.
Les commissions sont plurielles, leurs débats tenus hors des caméras et des feux des projecteurs, mais leurs avis sont consensuels et rendus publics.

Le Conseil est présenté par ses membres, malgré leur diversité sociale, politique et intellectuelle, comme un lieu de débat serein, une école de formation continue et de construction permanente de consensus.

Dans une analyse fouillée de ce que prévoit le projet de Constitution tunisienne en matière d'instance quelque peu similaire à un CESE, le professeur Neila Chaabane a présenté les caractéristiques de l'Instance indépendante du Développement Durable et du Droit des Générations Futures.

Elle a pointé du doigt plusieurs ambiguïtés et limites du texte du projet: l'auto saisine est-elle possible? L'indépendance des membres de l'instance est elle compatible avec leur nomination par l'assemblée législative? La coopération de l'administration avec la nouvelle instance et la mise à sa disposition des documents et informations nécessaires est-elle assurée? Le corps des fonctionnaires sera-il représenté au sein de l'instance et si oui, quelles garanties pour l'indépendance et l'autonomie de es représentants? Quel rapports de l'instance avec la justice financière? L'instance sera-t-elle soumise au contrôle de la cour des comptes? Tous les syndicats devraient-ils y être représentés? Et enfin, comment représenter les régions, les femmes, les jeunes, les retraités? Autant de questions qui nécessitent un vrai débat et que le projet de Constitution élude actuellement.

De l'avis de tous, l'instance devrait retrouver sa dénomination originelle de Conseil Économique, Social et Environnemental, à l'image de se qui se passe en France, au Maroc, en Europe, où le Conseil Économique et Social est inscrit dans le traité de Rome de 1958!, mais aussi dans de multiples pays européens, méditerranéens et africains.

L'indépendance du CESE vis-à-vis du politique est une question majeure. Tout soupçon de proximite entre le pouvoir politique et le CESE entraîne la mort du Conseil.

Un Conseil Économique, Social et Environnemental en Tunisie serait aujourd'hui le lieu d'expression et de participation de la Société Civile aux choix fondamentaux de la Nation. Son indépendance par rapport au monde politique devrait être le seul gage de sa crédibilité et sa composition devrait être en adéquation avec la société et refléter sa diversité.

Il est peut être encore temps que nos constituants se saisissent de ces différentes questions et amendent le texte du projet sur ces différents points lors de sa discussion en plénière. Il s'agit là d'une ardente obligation de doter la Nation d'une institution qui, par sa constitutionnalité, son ouverture sur la société civile et son indépendance, favorise la construction permanente de consensus et apporte aux pouvoirs exécutif et législatif les moyens de décisions éclairées.

Radhi Meddeb

Tags : Adel Fekih   Elyes fakhfakh   France   Maroc  
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1 Commentaire
Les Commentaires
hatem jemaa - 02-07-2013 13:33

Beaucoup de conditions doivent se réunir pour l'efficience d'une telle structure au premier rang desquelles je citerai la DECENTRALISATION.En l'absence de celle - ci, ce genre de structure aboutit inéluctablement au renforcement de la centralisation

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