Opinions - 27.09.2012

Quelques éléments d'une alternative à l'impasse actuelle !

La politique a repris tous ses droits en Tunisie ! La liberté d’expression, certes toujours menacée, n’en est pas moins réelle. Et si un début de conscientisation s’est fait jour, il reste inégalement réparti et différencié dans son contenu, d’une frange sociale à une autre. L’extrême dépolitisation de la société pendant plus de 25 ans, fait encore des ravages.

Si les premiers jours de la révolution (le moment d’enthousiasme) ont donné l’illusion que « l’impossible devenait possible », les dures réalités ont rattrapé les discours sur le « changement », ses options, ses cheminement possibles.

Les perceptions et les interprétations sont indubitablement mises à rude épreuve. La nouvelle économie politique du mouvement islamiste, nouvelle venue dans le paysage, ne semble pas être en mesure de répondre aux attentes du moment, ni sur le fond ni sur la forme. Confuse, hésitante, maladroite, et de surcroit, empreinte des mêmes travers que ceux de l’ancien régime ; elle bute, en réalité, sur sa propre incapacité à formuler un autre vivre ensemble équitable et viable. La décortiquer mériterait plus qu’un simple article. De fait, elle a re-convoqué les mêmes présupposés, les mêmes attendus, les mêmes moyens.

Le seul changement évident : la diabolisation du régime déchue et singulièrement des personnes. Pas l’ombre d’une critique des structures d’Etat (neutres comme il se doit) ni du fonctionnement (au service de tous, bien sûr). Ainsi, par exemple, on changera de PDG de Tunisair sans s’interroger pourquoi notre société nationale risque d’être interdite d’accès dans certains aéroports internationaux du voisinage.

Face à la double dérive du déficit public et des échanges extérieurs, étrangement les économistes d’Ennahdha connaissent Law (1715) et Ponzi (1919) pour avoir excellé dans les techniques de fuite en avant et de la cavalerie financière (un emprunt contracté couvre un emprunt à rembourser). Le déficit public sera donc payé par l’aide budgétaire étrangère et la planche à billets, quant au déficit extérieur, il sera couvert par les entrées de nouveaux emprunts. Astucieux mais irresponsable. Restera en cas de dégradation de suggérer (question de timing) une nouvelle vague de privatisations (cf. la Grèce).

La question sociale n’a, elle aussi, reçu aucun signal d’une réelle prise compte sérieuse. Un saupoudrage de quelques subsides « catégoriels » sur fond de maquillage des données du sous-emploi et de la précarité quand ce n’est pas de la vulnérabilité (en fait la grande pauvreté. Sacrés économistes toujours ces mots « doucereux », à l’image de leurs collègues militaires parlant de dommages collatéraux). 

Ennahdha a tout de même bien compris que son avenir dépendait aussi du « climat des affaires », lequel était lié à la restauration d’une paix sociale, à la sécurité, à la stabilité.

Dans la période actuelle, une vraie gageure insurmontable. Au mieux quelques courts moments de répit, dans la mesure où la gouvernance du triumvirat a tout de même réussi cette performance, celle de se mettre à dos presque tout le monde.

Rares sont les corporations, catégories professionnelles et salariales qui n’aient pas envoyé des signes forts de mécontentement, mêmes les architectes à propos des logements sociaux.

D’une façon ou d’une autre, il faudra bien tenter autre chose pour sortir le pays du marasme dans lequel l’incapacité politique (et non une incompétence technique comme l’accrédite certains), et l’impéritie libérale de 82 ministres, nous ont conduit.

Que peut-on espérer pour la prochaine période ? Que sommes-nous en droit d’attendre ?
Tout d’abord, une réelle mise en plat des « risques systémiques ». Je veux citer, sans ordre précis : la quasi-faillite du secteur hôtelier, la banqueroute du système bancaire.

Cela clarifiera au moins les  marges de manœuvre et le champ des possibles.

En second lieu, réunir une grande conférence nationale sur l’emploi et les salaires, sans excessive intervention (parasitage actuel) de l’Etat. Une possible sécurisation des parcours (titularisation, formation qualifiante reconnue) contre une relative pause salariale, pourrait constituer un moment clé du retour de la confiance.
En troisième lieu, un plan de recapitalisation des secteurs clés de notre économie : SONEDE, STEG, SNCFT, TUNISAIR, CTN, aurait pour objectif d’aller vers l’excellence. Pour les premières dans les ressources renouvelables et les énergies nouvelles, les secondes dans le maillage intérieur et extérieur du pays.
En quatrième lieu, la mise en œuvre sous la forme de programmes pluriannuels de promotion de nouvelles filières de « hautes technologies ». Le marché du travail regorge d’e-compétences variées qui ne demandent qu’à s’employer.

Bien évidemment, moyens et temps sont des butoirs. Tout renouveau économique et social passe bien évidemment par une réforme de l’impôt. Celle-ci, progressive, devra être économiquement efficace et socialement équitable.

En cinquième lieu, entamer une réforme structurelle du secteur agraire (le foncier) et des productions agricoles. Ce secteur a trop longtemps été délaissé.

En sixième lieu, allé vers une rationalisation de l’exploitation des ressources non renouvelables du pays : une plus grande maitrise des hydrocarbures et des phosphates est désormais à l’ordre du jour. CPG et ETAP sont probablement les deux entreprises les moins transparentes. Contrat d’exploration, clés de répartition des revenus…toujours aussi opaques, interdits à l’opinion publique. Que dire alors de l’extraction de gaz de schistes, dont la conférence semble avoir été interdite à la presse.

Bien entendu, ces mesures conjoncturelles comme plus structurelles s’inscrivent dans une perspective plus large, qui serait par défaut et a minima, celle de la sécurité énergétique et alimentaire. Bien entendu, l’idée ici, n’est pas de construire une liste à la Prévert. Mais d’attirer l’attention sur la faisabilité d’actions, pour lesquelles ne manque pour l’essentiel que la volonté politique. Pensez, ne serait-il pas temps et relativement simple de revitaliser l’économie de nos oasis de mer, de désert, de montagne, en lieu et place d’y installer des quartiers de tourisme de luxe…Peut-on encore ignorer les effets dévastateurs sur les autochtones et les ressources de Marrakech. Alors Messieurs de l’opposition démocratique et progressiste, tachez de mériter votre réputation.

Hédi Sraieb,
Docteur d’Etat en économie du développement
 

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